Pré-éclampsie et éclampsie

ParAntonette T. Dulay, MD, Main Line Health System
Vérifié/Révisé mars 2024
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La prééclampsie est l'apparition ou l'aggravation d'une hypertension existante avec protéinurie après 20 semaines de gestation. L'éclampsie est caractérisée par des crises comitiales généralisées inexpliquées survenant au cours d'une pré-éclampsie. Le diagnostic repose sur la mesure de la pression artérielle et des protéines urinaires et sur des tests visant à rechercher des lésions des organes cibles (p. ex., œdème pulmonaire, insuffisance hépatique ou rénale). Le traitement comprend habituellement du sulfate de magnésium IV et un accouchement à terme ou plus tôt en cas de complications maternelles ou fœtales.

Une pré-éclampsie est observée dans 4,6% des cas et l'éclampsie dans 1,4% des accouchements dans le monde (1). La pré-éclampsie et l'éclampsie se développent après 20 semaines de gestation, bien que la plupart des cas surviennent après 34 semaines (2). Certains cas se développent en post-partum, le plus souvent dans les 4 premiers jours mais parfois jusqu'à 6 semaines en post-partum.

La pré-éclampsie non traitée est présente pendant un laps de temps qui varie, puis elle peut progresser brusquement en se compliquant souvent d'éclampsie. Non traitée, l'éclampsie est habituellement fatale.

Références générales

  1. 1. Abalos E, Cuesta C, Grosso AL, Chou D, Say L: Global and regional estimates of preeclampsia and eclampsia: a systematic review. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 170(1):1-7, 2013. doi:10.1016/j.ejogrb.2013.05.005

  2. 2. Lisonkova S, Sabr Y, Mayer C, Young C, Skoll A, Joseph KS. Maternal morbidity associated with early-onset and late-onset preeclampsia. Obstet Gynecol 124(4):771-781, 2014. doi:10.1097/AOG.0000000000000472

Étiologie de la pré-éclampsie et de l'éclampsie

L'étiologie de la prééclampsie est inconnue.

Cependant, des facteurs de risque élevé et modéré ont été identifiés (1, 2).

Les facteurs de haut risque comprennent les suivants

  • Antécédents de grossesse avec pré-éclampsie

  • Grossesse multiple

  • Pathologies rénales

  • Maladies auto-immunes

  • Diabète sucré de type 1 et 2

  • HTA chronique

Les facteurs de risque modéré sont les suivants

  • Première grossesse

  • Âge maternel ≥ 35 ans

  • Index de masse corporelle (IMC) avant la grossesse > 30

  • Antécédents familiaux de pré-éclampsie (chez une parente au premier degré)

  • Femmes non-hispaniques noires et amérindiennes ou autochtones d'Alaska (3)

  • Bas revenu

Références pour l'étiologie

  1. 1. Henderson JT, Whitlock EP, O'Conner E, et al: Table 8: Preeclampsia Risk Factors Based on Patient Medical History in Low-dose aspirin for the prevention of morbidity and mortality from preeclampsia: A systematic evidence review for the U.S. Preventive Services Task Force. Rockville (MD): Agency for Healthcare Research and Quality (US), 2014 

  2. 2. American College of Obstetrics and Gynecology (ACOG): ACOG Practice Bulletin, Number 222: Gestational Hypertension and PreeclampsiaObstet Gynecol 135(6):e237-e260, 2020. doi:10.1097/AOG.0000000000003891

  3. 3. Johnson JD, Louis JM: Does race or ethnicity play a role in the origin, pathophysiology, and outcomes of preeclampsia? An expert review of the literature. Am J Obstet Gynecol 226(2S):S876-S885, 2022. doi:10.1016/j.ajog.2020.07.038

Physiopathologie de la pré-éclampsie et de l'éclampsie

La physiopathologie de la pré-éclampsie et de l'éclampsie est mal comprise. Les facteurs peuvent comprendre des artérioles placentaires utérines spiralées mal développées (cause de diminution du débit sanguin utéro-placentaire en fin de grossesse), une anomalie génétique, des anomalies immunologiques, et une ischémie ou un infarctus placentaire. La peroxydation lipidique des membranes cellulaires induite par des radicaux libres contribue à la physiopathologie de la pré-éclampsie.

Les mécanismes de la coagulation sont activés, dus au dysfonctionnement cellulaire endothélial, aboutissant à l'activation plaquettaire.

Complications

La pré-éclampsie et l'éclampsie sont les principales causes de mortalité maternelle aux États-Unis (1) et dans le monde (2). Les femmes qui ont des pré-éclampsies sont à risque de décollement placentaire lors de la grossesse actuelle, probablement parce que les deux troubles sont liés à une insuffisance utéro-placentaire. Les femmes enceintes peuvent développer un œdème pulmonaire, une lésion rénale aiguë, une rupture du foie ou une hémorragie cérébrovasculaire, avec ou sans convulsions.

Les complications fœtales peuvent comprendre une restriction de croissance, un oligohydramnios ou une mort fœtale tardive (3). Le vasospasme diffus ou multifocal qui en résulte dans l'organisme maternel peut entraîner une ischémie maternelle, finalement responsable d'atteintes dans de multiples organes, en particulier le cerveau, les reins et le foie. Les mécanismes de ce vasospasme font intervenir une diminution de la prostacycline (vasodilatateur dérivé de l'endothélium), une augmentation de l'endothéline (vasoconstricteur dérivé de l'endothélium), une augmentation du Flt-1 soluble (récepteur circulant pour le facteur de croissance endothéliale vasculaire).

Le syndrome HELLP (hemolysis, elevated liver function tests, and low platelet count) (hémolyse, bilan hépatique élevé et numération plaquettaire basse) se développe dans 0,2 à 0,6% des grossesses (4). La plupart des femmes enceintes atteintes du syndrome HELLP (hemolysis, elevated liver function tests, and low platelets) ont une hypertension et une protéinurie, mais certaines n'ont ni l'une ni l'autre.

Référence pour la physiopathologie

  1. 1. Ford ND, Cox S, Ko JY, et al: Hypertensive Disorders in Pregnancy and Mortality at Delivery Hospitalization - United States, 2017-2019. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 71(17):585-591, 2022. Publié le 29 avril 2022. doi:10.15585/mmwr.mm7117a1

  2. 2. Say L, Chou D, Gemmill A, et al: Global causes of maternal death: a WHO systematic analysis. Lancet Glob Health 2(6):e323-e333, 2014. doi:10.1016/S2214-109X(14)70227-X

  3. 3. Harmon QE, Huang L, Umbach DM, et al: Risk of fetal death with preeclampsia. Obstet Gynecol 125(3):628-635, 2015. doi:10.1097/AOG.0000000000000696

  4. 4. Sarkar M, Brady CW, Fleckenstein J, et al: Reproductive Health and Liver Disease: Practice Guidance by the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology 73(1):318-365, 2021. doi:10.1002/hep.31559

Symptomatologie de la pré-éclampsie et de l'éclampsie

La pré-éclampsie peut être asymptomatique ou bien entraîner un œdème ou une prise de poids excessive soudaine (> 2,5 kg/semaine). Un œdème non déclive, du visage ou des mains (les bagues peuvent ne plus aller aux doigts) est plus spécifique que l'œdème déclive.

L'éclampsie se manifeste par des crises généralisées (tonico-cloniques).

Pièges à éviter

  • Si les femmes enceintes présentent une hypertension nouvelle ou qui s'aggrave, rechercher un gonflement des mains (p. ex., une bague qui n'est plus adaptée) ou du visage, qui peut être l'un des signes les plus spécifiques de la pré-éclampsie.

La prééclampsie avec signes sévères peut causer des lésions aux organes; ces caractéristiques peuvent comprendre les signes suivants

  • Céphalées sévères

  • Troubles visuels

  • Confusion

  • Hyperréflexie

  • Douleurs abdominales épigastriques ou de l'hypochondre droit (reflétant une ischémie ou une distension capsulaire hépatiques)

  • Nausées et/ou vomissements

  • Dyspnée (reflétant un œdème pulmonaire, un syndrome de détresse respiratoire aiguë, ARDS [acute respiratory distress syndrome] ou un dysfonctionnement cardiaque secondaire à une augmentation de la postcharge)

  • Oligurie (reflétant une diminution du volume plasmatique ou une nécrose tubulaire aiguë ischémique)

  • Accident vasculaire cérébral (rarement)

Diagnostic de pré-éclampsie et d'éclampsie

  • Prééclampsie: apparition récente après 20 semaines de gestation d'une hypertension plus une protéinurie nouvelle inexpliquée (> 300 mg/24 heures ou un ratio protéines urinaires/créatinine ≥ 0,3) et/ou des signes de lésions des organes terminaux (1)

Les critères de pression artérielle (PA) de la pré-éclampsie sont l'un des suivants:

  • PA systolique 140 mmHg et/ou PA diastolique 90 mmHg ( (au moins 2 mesures prises à au moins 4 heures d'intervalle)

  • PA systolique 160 mmHg et/ou PA diastolique 110 mmHg (au moins 2 mesures)

La protéinurie est définie comme > 300 mg/24 heures. Comme alternative, la protéinurie est diagnostiquée par un rapport protéine/créatinine ≥ 0,3 ou une lecture de bandelette réactive de 2+; le test par bandelette n'est utilisé seulement si d'autres méthodes quantitatives ne sont pas disponibles. L'absence de protéinurie sur des examens moins précis (p. ex., bandelette réactive urinaire, analyse d'urine de routine) n'élimine pas une pré-éclampsie.

En l'absence de protéinurie, la pré-éclampsie peut être diagnostiquée si les femmes enceintes remplissent les critères diagnostiques d'hypertension d'apparition récente avec des signes d'apparition récente de lésions des organes terminaux:

  • La pré-éclampsie avec des signes sévères est diagnostiquée en cas d'apparition récente d'une HTA sévère persistante et/ou de signes ou de symptômes de lésions des organes terminaux. Le critère pressionnel est une PA systolique 160 mmHg et/ou une PA diastolique 110 mmHg à au moins 2 mesures à au moins 4 heures d'intervalle.

Les signes ou symptômes de lésions des organes terminaux peuvent comprendre un ou plusieurs des éléments suivants:

  • Thrombopénie (plaquettes < 100 x 109 L)

  • Altération de la fonction hépatique (aminotransférases > 2 fois la normale) non expliquée par d'autres diagnostics

  • Douleur sévère persistante de l'hypochondre droit ou épigastrique ne répondant pas aux médicaments

  • Insuffisance rénale (créatinine sérique > 1,1 mg/dL ou doublement de la créatinine sérique en l'absence de maladie rénale)

  • Œdème pulmonaire

  • Céphalées d'apparition récente qui ne répondent pas aux médicaments et qui ne sont pas expliquées par d'autres diagnostics

  • Troubles visuels

D'autres catégories diagnostiques de pré-éclampsie sont les suivantes:

  • Le syndrome HELLP est classé comme une forme sévère de pré-éclampsie et est diagnostiqué lorsque tous les éléments suivants sont présents: lactate déshydrogénase (LDH) ≥ 600 UI/L; aminotransférases > 2 fois la normale; et plaquettes < 100 × 109 L. Le syndrome HELLP peut consister en un tableau clinique atypique, avec absence d'HTA ou de protéinurie chez jusqu'à 15% des patientes (2).

  • La pré-éclampsie superposée à l'hypertension chronique est diagnostiquée lorsqu'une patiente connue pour avoir une hypertension chronique développe l'un des symptômes suivants après 20 semaines: nouvelle protéinurie inexpliquée ou aggravation de la protéinurie; élévation de la PA au-dessus de la valeur de base; ou des signes de lésions des organes terminaux. Les femmes souffrant d'HTA chronique sont à risque élevé de pré-éclampsie et doivent être étroitement surveillées. Un taux d'acide urique élevé suggère un diagnostic de pré-éclampsie surajoutée plutôt que d'une hypertension uniquement chronique (3).

Les patientes présentant tout type de pré-éclampsie sont à risque de développer une éclampsie. Parfois, l'éclampsie se produit avant qu'un diagnostic de pré-éclampsie ne soit posé.

  • L'éclampsie consiste en l'apparition récente de crises tonico-cloniques, focales ou multifocales sans autre cause connue (p. ex., épilepsie, ischémie ou infarctus artériel cérébral, hémorragie intracrânienne ou prise de médicaments/produits).

Bilan

Si une pré-éclampsie est suspectée, l'évaluation comprend le recueil des antécédents médicaux qui concernent les facteurs de risque, les symptômes actuels et toute anamnèse ou symptômes qui suggèrent un autre trouble. L'examen clinique comprend la mesure de la pression artérielle et l'évaluation de l'œdème facial ou des membres supérieurs ou inférieurs, de l'œdème pulmonaire, de la sensibilité de l'hypochondre droit et de l'hyperréflexie. Un examen pelvien est effectué en cas de saignements vaginaux ou de contractions régulières ou si le déclenchement du travail est prévu. Les examens complémentaires comprennent la numération formule sanguine, la numération plaquettaire, le dosage de l'acide urique, les tests hépatiques, l'urée sanguine, la créatinine et, si la créatinine est anormale, la clairance de la créatinine. Les protéines urinaires sont testées à l'aide d'une bandelette réactive ou d'une analyse d'urine; une collecte d'urine de 24 heures est commencée, si un accouchement urgent n'est pas indiqué.

Le fœtus est évalué en utilisant un test non-stress ou un profil biophysique (dont l'évaluation du volume de liquide amniotique) et des mesures qui permettent d'évaluer le poids fœtal.

Autres troubles hypertensifs au cours de la grossesse

La pré-éclampsie doit être différenciée des autres troubles hypertensifs de la grossesse (1):

  • L'hypertension gestationnelle est une hypertension d'apparition récente à > 20 semaines de gestation sans protéinurie ou d'autres signes de lésions des organes terminaux; elle se résout en 12 semaines (habituellement en 6 semaines) post-partum.

  • L'HTA chronique est diagnostiquée si l'HTA précède la grossesse, est présente à < 20 semaines de grossesse ou persiste pendant > 6 semaines (habituellement > 12 semaines) post-partum (même si l'HTA n'est détectée qu'à > 20 semaines). L'HTA chronique peut être masquée en début de grossesse par la diminution physiologique de PA.

Références pour le diagnostic

  1. 1. American College of Obstetrics and Gynecology (ACOG): ACOG Practice Bulletin, Number 222: Gestational Hypertension and Preeclampsia, Obstet Gynecol 135(6):e237-e260, 2020. doi:10.1097/AOG.0000000000003891

  2. 2. Martin JNJr, Rinehart BK, May WL, et al: The spectrum of severe preeclampsia: comparative analysis by HELLP (hemolysis, elevated liver enzyme levels, and low platelet count) syndrome classification. Am J Obstet Gynecol 180: 1373– 84, 1999. doi:10.1016/s0002-9378(99)70022-0

  3. 3. Lim KH, Friedman SA, Ecker JL, Kao L, Kilpatrick SJ: The clinical utility of serum uric acid measurements in hypertensive diseases of pregnancy. Am J Obstet Gynecol 178(5):1067-1071, 1998. doi:10.1016/s0002-9378(98)70549-6

Traitement de la pré-éclampsie et de l'éclampsie

  • Habituellement hospitalisation

  • Accouchement, en fonction de facteurs tels que l'âge gestationnel, l'état du fœtus et la gravité de la pré-éclampsie

  • Sulfate de magnésium pour prévenir ou traiter les nouvelles crises ou pour éviter que les crises ne se reproduisent

  • Parfois, traitement antihypertenseur, si la patiente répond aux critères de l'hypertension artérielle sévère

Approche générale

Le traitement radical de la prééclampsie est l'accouchement. Cependant, le risque d'accouchement prématuré est évalué par rapport à l'âge gestationnel, au déficit de croissance du fœtus, à la détresse fœtale et à la gravité de la pré-éclampsie.

Habituellement, l'accouchement immédiat après stabilisation maternelle (p. ex., contrôle des convulsions, début de contrôle de la PA) est proposé dans les cas suivants:

  • Grossesse de 37 semaines

  • Prééclampsie avec des caractéristiques sévères si la grossesse est ≥ 34 semaines

  • Détérioration de la fonction rénale, pulmonaire, cardiaque ou hépatique (p. ex., dont lle syndrome HELLP)

  • Surveillance cardiaque ou examens fœtaux non rassurants

  • Éclampsie

Les patientes présentant une pré-éclampsie avec des signes sévères ou une éclampsie sont souvent admises en unité de soins spéciaux maternels ou en unité de soins intensifs.

Les femmes enceintes de 34 à < 37 semaines de gestation qui ne nécessitent pas d'accouchement immédiat sont hospitalisées pour évaluation, du moins au début. Si les statuts maternel et fœtal sont rassurants, un traitement ambulatoire est possible; il comprend une activité modifiée (repos modifié), des mesures de la pression artérielle, une surveillance biologique, des tests fœtaux non stress et des consultations médicales au moins une fois/semaine. Tant qu'aucun des critères de pré-éclampsie avec des caractéristiques sévères ne se développent, l'accouchement peut avoir lieu (p. ex., par induction) à 37 semaines.

En cas de grossesse à < 34 semaines, si l'accouchement peut être retardé en toute sécurité, des corticostéroïdes sont administrés pendant 48 heures pour accélérer la maturité pulmonaire fœtale. Certaines patientes stables peuvent recevoir des corticostéroïdes après 34 semaines et avant 36 semaines (période prématurée tardive) s'ils n'ont pas reçu de corticostéroïdes plus tôt au cours de la grossesse.

Surveillance

Toutes les patientes hospitalisées pour une pré-éclampsie sont évalués fréquemment à la recherche de symptômes de pré-éclampsie sévère, de convulsions, et de saignements vaginaux; la pression artérielle, les réflexes ostéotendineux et l'état fœtal (avec analyse de la réactivité fœtale et un profil biophysique) sont également surveillés. La numération des plaquettes, la créatininémie et les enzymes hépatiques sériques sont fréquemment évalués jusqu'à ce que ces paramètres soient stables, puis au moins 1 fois/semaine.

Les patientes ambulatoires sont habituellement suivies par un obstétricien ou un spécialiste de médecine fœtale et maternelle et évaluées au moins une fois par semaine par les mêmes examens complémentaires que les patients hospitalisés. Les tests ambulatoires non-stress sont généralement effectués 2 fois/semaine avec une évaluation hebdomadaire de l'indice de liquide amniotique débutant habituellement à 32 semaines. Dans certains cas, cela peut être proposé à 28 semaines.

Sulfate de magnésium

La question de savoir si les patientes qui ont une pré-éclampsie sans signes sévères nécessite toujours du sulfate de magnésium avant l'accouchement est controversée.

En cas de prééclampsie avec des signes sévères, du sulfate de magnésium est administré pour prévenir les crises. Dès que l'éclampsie est diagnostiquée, du sulfate de magnésium doit être administré pour éviter la récidive des convulsions.

Le sulfate de magnésium 4 g IV administré en 20 min est suivi d'une perfusion IV continue de 2 g/h. La dose est ajustée en fonction de l'existence ou non d'une insuffisance rénale. Du sulfate de magnésium est administré pendant 12-24 heures après l'accouchement.

La patiente qui présente des taux très élevés de magnésium et des symptômes significatifs (p. ex., magnésium > 10 mEq/L ou une brutale diminution de la réactivité des réflexes), un dysfonctionnement cardiaque (p. ex., avec une dyspnée ou une douleur thoracique) ou une hypoventilation après traitement par le sulfate de magnésium, peut être traitée par du gluconate de calcium 1 g IV.

Le sulfate de magnésium IV peut entraîner une léthargie, une hypotonie et une dépression respiratoire transitoire chez le nouveau-né. Cependant, les complications néonatales graves sont rares.

Traitements de support

Si toute prise orale est interdite, les patientes hospitalisées reçoivent par voie IV du Ringer lactate ou du sérum physiologique à 0,9% à environ 125 mL/h (afin de maintenir le statut hémodynamique). L'oligurie persistante est traitée par une stimulation liquide soigneusement contrôlée. Les diurétiques ne sont généralement pas utilisés. La surveillance par cathéter artériel pulmonaire est rarement nécessaire et, si elle l'est, est effectuée en consultation par un spécialiste des soins intensifs et en unité de soins intensifs. La patiente anurique avec normovolémie peut avoir besoin de vasodilatateurs rénaux ou d'une dialyse.

Si le traitement par le sulfate de magnésium est inefficace, du diazépam ou du lorazépam peuvent être administrés en IV pour arrêter les convulsions et de l'hydralazine ou du labétalol IV sont administrés à une dose suffisante pour faire baisser la pression artérielle systolique à 140 à 155 mmHg et la diastolique à 90 à 105 mmHg.

Méthode d'accouchement

La méthode d'accouchement la plus rapide doit être utilisée. Si le col est favorable et que l'accouchement rapide par voie vaginale semble envisageable, une perfusion IV d'ocytocine diluée est administrée pour induire ou accélérer le travail; si le travail est actif, les membranes sont rompues. Si le col n'est pas favorable et l'accouchement spontané par voie vaginale peu probable, une césarienne peut être envisagée. La pré-éclampsie et l'éclampsie, si non résolues avant l'accouchement, guérissent habituellement rapidement du post-partum dans les 6 à 12 heures.

Suivi

La PA doit être étroitement surveillée jusqu'à ce qu'elle se normalise après l'accouchement. La patiente doit ensuite être évaluée au moins toutes les 1 à 2 semaines post-partum avec mesure périodique de la PA. Si la pression artérielle reste élevée après 6 semaines post-partum, le diagnostic d'HTA chronique doit être évoqué et la patiente adressée à son médecin traitant pour prise en charge.

Pré-éclampsie du post-partum

Une pré-éclampsie peut se développer après un accouchement. Les signes et symptômes sont similaires à ceux de la pré-éclampsie survenant pendant la grossesse, et on doit conseiller aux femmes d'appeler leur médecin si elles ressentent ces symptômes après l'accouchement. Le bilan est similaire à celui effectué pendant la grossesse, y compris la surveillance de la pression artérielle et les examens de laboratoire. Dans les cas qui répondent aux critères de pré-éclampsie sévère, les patientes sont hospitalisées et traitées par du sulfate de magnésium IV pendant 24 heures pour éviter les convulsions.

Référence pour le traitement

  1. 1. American College of Obstetrics and Gynecology (ACOG): ACOG Practice Bulletin, Number 222: Gestational Hypertension and Preeclampsia, Obstet Gynecol 135(6):e237-e260, 2020. doi:10.1097/AOG.0000000000003891

Prévention

Les méta-analyses d'essais randomisés ont montré que le traitement par aspirine à faible dose chez la femme présentant certains facteurs de risque réduisait le taux de pré-éclampsie sévère et le retard de croissance fœtale (1, 2).

Une faible dose d'aspirine (81 mg/jour) est recommandée en cas de facteurs de risque de pré-éclampsie (grossesse précédente avec pré-éclampsie, grossesse multiple, troubles rénaux, maladies auto-immunes, diabète de type 1 ou de type 2, HTA chronique) (3). Elle est également recommandée chez les patientes présentant > 1 facteur de risque modéré (première grossesse, âge maternel ≥ 35 ans, indice de masse corporelle avant la grossesse > 30, parent au premier degré ayant des antécédents de pré-éclampsie, femmes noires [comme indice de racisme sous-jacent], des revenus bas, des antécédents personnels tels qu'un nourrisson de petit poids de naissance ou de petite taille pour son âge gestationnel, des antécédents de grossesse défavorables ou un intervalle entre les grossesses > 10 ans [4]). Certaines données suggèrent que l'augmentation de la dose d'aspirine à 162 mg 1 fois/jour soit plus efficace dans la prévention de la pré-éclampsie (5).

La prophylaxie par l'aspirine doit être débutée entre 12 et 28 semaines de gestation (idéalement avant 16 semaines) et poursuivie jusqu'à l'accouchement.

Références pour la prévention

  1. 1. Roberge S, Nicolaides K, Demers S et al: The role of aspirin dose on the prevention of preeclampsia and fetal growth restriction: Systematic review and meta-analysis. Am J Obstet Gynecol 216 (2):110–120.e6, 2017. doi: 10.1016/j.ajog.2016.09.076

  2. 2. Meher S, Duley L, Hunter K, Askie L: Antiplatelet therapy before or after 16 weeks gestation for preventing preeclampsia: An individual participant data meta-analysis. Am J Obstet Gynecol 216 (2):121–128.e2, 2017. doi: 10.1016/j.ajog.2016.10.016

  3. 3. American College of Obstetrics and Gynecology (ACOG): ACOG Committee Opinion No. 743 Summary: Low-Dose Aspirin Use During Pregnancy. Obstet Gynecol 132(1):254-256, 2018. Confirmé en 2023. doi:10.1097/AOG.0000000000002709

  4. 4. American College of Obstetrics and Gynecology (ACOG): ACOG Practice Bulletin, Number 222: Gestational Hypertension and Preeclampsia. Obstet Gynecol 135(6):e237-e260, 2020. doi:10.1097/AOG.0000000000003891

  5. 5. Ayyash M, Goyert G, Garcia R, et al: Efficacy and Safety of Aspirin 162 mg for Preeclampsia Prophylaxis in High-Risk Patients. Am J Perinatol. Publié online le 29 juillet 2023. doi:10.1055/s-0043-1771260

Points clés

  • La pré-éclampsie est une hypertension d'apparition récente avec protéinurie survenant après 20 semaines de gestation; l'éclampsie est une crise généralisée inexpliquée survenant au cours d'une pré-éclampsie; la pré-éclampsie se développe parfois au cours du post-partum.

  • La pré-éclampsie est différenciée de l'hypertension chronique et de l'hypertension gestationnelle par la présence d'une protéinurie d'apparition récente et/ou de lésions des organes terminaux.

  • La pré-éclampsie est sévère si elle provoque une hypertension persistante sévère et/ou un dysfonctionnement organique important (p. ex., insuffisance rénale, insuffisance hépatique, œdème pulmonaire, symptômes visuels), même en l'absence de protéinurie.

  • Le syndrome HELLP (hemolysis, elevated liver enzymes, low platelets) est un syndrome proche qui survient chez 10 à 20% des femmes qui ont une pré-éclampsie avec des caractéristiques sévères ou une éclampsie.

  • Évaluer et surveiller étroitement la mère et le fœtus, habituellement en unité de soins spécialisés mais parfois une surveillance ambulatoire est possible pour les cas bénins à < 37 semaines de gestation.

  • L'accouchement est indiqué lorsque la grossesse est ≥ 37 semaines, mais si la pré-éclampsie est diagnostiquée à < 34 semaines, retarder l'accouchement si possible (pour laisser le temps d'améliorer la maturité pulmonaire fœtale); si une pré-éclampsie avec des signes sévères, un syndrome HELLP ou une éclampsie sont diagnostiqués, accoucher immédiatement.

  • Traiter immédiatement l'éclampsie par du sulfate de magnésium pour éviter les récidives; envisager le sulfate de magnésium en prévention des convulsions chez les femmes qui ont une pré-éclampsie avec des signes sévères, mais habituellement pas en cas de pré-éclampsie légère.

  • Si du sulfate de magnésium est administré pour la prévention des convulsions, poursuivre pendant 12 à 24 heures après l'accouchement.

  • Administrer aux femmes présentant certains facteurs de risque une faible dose d'aspirine dès 12 à 28 semaines pour réduire le risque de pré-éclampsie, idéalement avant la 16e semaine.

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