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Commentaire — Vaccins contre le COVID-19 : Thrombocytopénie thrombotique immunitaire induite par le vaccin

Commentaire
05/28/21 Matthew E. Levison, MD, Drexel University College of Medicine, Drexel University

Des cas de personnes ayant reçu le vaccin contre le COVID-19 Oxford-AstraZeneca (AZ) et ayant développé des caillots sanguins anormaux (thromboses) ont commencé à être rapportés en Europe au début du mois de mars 2021. Nombre d’entre eux avaient développé des caillots sanguins dans des sites inhabituels et critiques, en particulier des caillots bloquant les veines qui drainent le sang depuis le cerveau (thrombose des sinus veineux cérébraux, ou TSVC). Chez certaines personnes, la TSVC était associée à des saignements dans le cerveau. Certaines personnes ont également développé des caillots sanguins dans les veines qui drainent le sang depuis les organes de l’abdomen ou les jambes (voir thrombose veineuse profonde). Les symptômes comprenaient des maux de tête sévères, des douleurs abdominales, des nausées et des vomissements, des altérations de la vision, un essoufflement et/ou des douleurs dans les jambes.

En date du 4 avril 2021, 169 cas de TSVC avaient été signalés dans l’Union européenne et au Royaume-Uni parmi les 34 millions de personnes ayant reçu le vaccin AZ (environ 5 cas de TSVC sur un million de personnes ayant reçu le vaccin AZ), et plus de 30 personnes étaient décédées (1). Le 21 avril, après l’administration d’environ 8 millions de doses du vaccin contre le COVID-19 de Johnson & Johnson/Janssen (J&J) aux États-Unis, des cas similaires de TSVC ont été signalés chez 15 personnes aux États-Unis suite à l’administration de ce vaccin (presque 2 cas de TSVC sur un million de personnes ayant reçu le vaccin J&J), et 3 personnes étaient décédées. Tous les cas signalés aux États-Unis affectaient des femmes ; 13 étaient âgées de 18 à 49 ans, et 2 étaient âgées de plus de 50 ans. Les caillots sanguins se sont développés 4 à 20 jours après la vaccination contre le COVID-19 et principalement chez les personnes qui étaient auparavant en bonne santé.

En étudiant cette coagulation sanguine anormale, les médecins se sont rendus compte que les personnes concernées avaient un faible taux de plaquettes dans le sang (ce que l’on appelle la thrombocytopénie). Ce phénomène est paradoxal, car les plaquettes sont des cellules qui circulent dans le sang et contribuent à sa coagulation. Généralement, les personnes qui présentent un faible taux de plaquettes saignent trop facilement. Cependant, les médecins ont constaté que leur taux de plaquettes était faible parce que les plaquettes étaient utilisées pour former les caillots sanguins anormaux. Le tableau clinique combinant coagulation sévère et thrombocytopénie après la vaccination contre le COVID-19 est désormais appelé thrombocytopénie thrombotique immunitaire induite par le vaccin, ou TTIV (2).

La question était de savoir pourquoi cela pourrait se produire après la vaccination.

Les médecins se sont rendus compte que ce phénomène combinant l’apparition de nouveaux caillots sanguins anormaux avec un faible taux de plaquettes survenait également dans un trouble appelé thrombocytopénie induite par l’héparine (TIH), qui est une complication rare pouvant survenir environ 5 à 10 jours après l’administration d’un médicament anticoagulant, l’héparine. Les médecins savaient que cela était causé par une réaction compliquée du système immunitaire à l’héparine provoquant la formation d’anticorps entraînant l’activation des plaquettes (et donc la formation de caillots et la diminution du nombre de plaquettes). Les chercheurs ont ensuite découvert l’apparition d’un anticorps similaire chez certaines personnes après la vaccination contre le COVID-19. Des examens peuvent être effectués pour détecter cet anticorps et confirmer le diagnostic de TTIV.

Les vaccins J&J et AZ sont produits à l’aide d’une forme d’adénovirus inoffensive pour administrer la partie active du vaccin, et les vaccins Moderna et Pfizer n’utilisent pas de virus. Ainsi, certains experts ont émis l’hypothèse d’un lien entre l’adénovirus et la TTIV. Cela dit, il existe des vaccins russes et chinois qui utilisent des adénovirus, et aucun cas de TTIV n’a été signalé suite à l’administration de ces vaccins.

On a initialement considéré que les vaccins à ARNm contre le COVID-19 de Moderna et Pfizer-BioNTech qui étaient les premiers vaccins disponibles aux États-Unis n’entraînaient pas de caillots sanguins, mais une étude récente menée auprès de personnes ayant reçu un vaccin à ARNm aux États-Unis a également rapporté la survenue rare d’une TSVC dans les 2 semaines suivant la vaccination dans ce groupe, à un taux d’environ 4 cas de TSVC sur un million de personnes ayant reçu un vaccin à ARNm (3).

La TSVC peut également survenir après une infection naturelle par le COVID-19 (environ 40 cas de TSVC sur un million de patients atteints du COVID-19), soit environ 10 fois plus souvent qu’après une vaccination contre le COVID-19. Ce trouble est très rare chez les personnes par ailleurs en bonne santé (environ 0,4 cas de TSVC sur un million de personnes) qui n’ont pas reçu d’héparine ou de médicaments similaires (3).

L’un des dangers particuliers liés à la TTIV est que le traitement le plus fréquemment administré pour une coagulation sanguine excessive est l’héparine. Cependant, chez les personnes atteintes de TTIV, l’héparine aggrave en réalité le problème. Ainsi, si une personne présente une faible numération plaquettaire et que les examens montrent la présence d’un caillot sanguin après que cette personne ait reçu un vaccin contre le COVID-19, les médecins doivent suspecter une TTIV et effectuer des examens visant à détecter la présence d’anticorps tout en évitant également d’administrer de l’héparine. Si cette personne nécessite un médicament anticoagulant, les médecins administrent plutôt un anticoagulant plus récent, comme l’argatroban ou la lépirudine. Ils administrent également de l’immunoglobuline intraveineuse (IGIV) à haute dose, qui aide rapidement à bloquer l’activation plaquettaire induite par les anticorps dans le cadre de la TTIV (4).

Lorsque l’on pense aux effets indésirables d’un traitement, il est important de comparer les risques du traitement et les risques de l’absence de traitement. Chez les personnes non vaccinées, sur un million de personnes qui développent une forme symptomatique du COVID-19, environ 10 000 à 20 000 personnes en décéderont (5). Il a été démontré que les vaccins contre le COVID-19 AZ, J&J, Pfizer et Moderna préviennent quasiment tous ces décès dus au COVID-19. Sur un million de personnes vaccinées avec le vaccin AZ ou J&J, moins d’une personne décédera d’une TSVC. Ainsi, le risque de TSVC après l’administration d’un vaccin contre le COVID-19 demeure très faible, comparativement aux bénéfices du vaccin.

Le 20 avril 2021, le comité de sécurité d’emploi de l’Agence européenne des médicaments (European Medicines Agency, EMA) a conclu que, en ce qui concerne le vaccin J&J, « le COVID-19 [était] associé à un risque d’hospitalisation et de décès. L’association de caillots sanguins et de numération plaquettaire basse dans le sang est très rare, et les bénéfices globaux [du vaccin Johnson & Johnson] dans le cadre de la prévention du COVID-19 l’emportent sur le risque d’effets secondaires ». Le comité a également conclu qu’un avertissement concernant les caillots sanguins et le faible taux de plaquettes sanguines devait être inclus comme effet secondaire très rare du vaccin (6). L’EMA avait précédemment publié une conclusion similaire concernant le vaccin AZ (1). Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention, CDC) et l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (Food and Drug Administration, FDA) sont parvenus à des conclusions similaires concernant le vaccin J&J (7).

 

Références

1. European Medicines Agency: AstraZeneca’s COVID-19 vaccine: EMA finds possible link to very rare cases of unusual blood clots with low blood platelets. 7 avril 2021. Consulté le 26 avril 2021. Disponible à l’adresse https://www.ema.europa.eu/en/news/astrazenecas-covid-19-vaccine-ema-finds-possible-link-very-rare-cases-unusual-blood-clots-low-blood

2. Bussel JB, Connors JM, Cines DB, et al: Thrombosis with thrombocytopenia syndrome (also termed vaccine-induced thrombotic thrombocytopenia). Version 1.2. American Society of Hematology 25 avril 2021. https://www.hematology.org/covid-19/vaccine-induced-immune-thrombotic-thrombocytopenia

3. Taquet M, Husain M, Geddes JR, et al: Cerebral venous thrombosis and portal vein thrombosis: a retrospective cohort study of 537,913 COVID-19 cases. OSF https://osf.io/a9jdq/

4. Warkentin TE: High-dose intravenous immunoglobulin for the treatment and prevention of heparin-induced thrombocytopenia: A review. Expert Review of Hematology 12(8):685–698, 2019. https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17474086.2019.1636645

5. Ritchie H, Ortiz-Ospina E, Beltekian D, et al: Mortality risk of COVID-19: How did confirmed deaths and cases change over time? Publié en ligne sur OurWorldInData.org. Disponible à l’adresse https://ourworldindata.org/mortality-risk-covid#how-did-confirmed-deaths-and-cases-change-over-time

6. European Medicines Agency: COVID-19 vaccine Janssen: EMA finds possible link to very rare cases of unusual blood clots with low blood platelets. 20 avril 2021. https://www.ema.europa.eu/en/news/covid-19-vaccine-janssen-ema-finds-possible-link-very-rare-cases-unusual-blood-clots-low-blood

7. US Food and Drug Administration: Janssen COVID-19 vaccine. Mise à jour le 23 avril 2021. https://www.fda.gov/emergency-preparedness-and-response/coronavirus-disease-2019-covid-19/janssen-covid-19-vaccine

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