Comment évaluer les nerfs crâniens

ParGeorge Newman, MD, PhD, Albert Einstein Medical Center
Vérifié/Révisé août 2023
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    Les nerfs crâniens proviennent du tronc cérébral. Des anomalies de leur fonction suggèrent une pathologie située dans des parties spécifiques du tronc cérébral ou le long du trajet du nerf crânien en dehors du tronc cérébral. Par exemple, une faiblesse unilatérale d'une jambe avec des signes moteurs supérieurs peut être due à une pathologie située entre le cortex cérébral et le rachis lombaire. Cependant, la présence d'un signe anormal du nerf crânien suggère fortement que la faiblesse observée résulte d'un problème situé dans le tronc cérébral. Des associations spécifiques de signes des nerfs crâniens peuvent suggérer une pathologie à des endroits spécifiques situés autour de la base du crâne.

    (Voir aussi Troubles neuro-ophtalmologiques et des nerfs crâniens et Introduction à l'examen neurologique.)

    1er nerf crânien

    L’olfaction, fonction de la 1ère paire de nerfs crâniens (nerfs olfactifs), n’est habituellement évaluée qu’en cas de traumatisme crânien ou de suspicion de lésion de l’étage antérieur de la base du crâne (p. ex., méningiome) ou si le patient se plaint d'un trouble de l'odorat ou du goût.

    On demande au patient d'identifier des odeurs caractéristiques (p. ex., savon, café, clou de girofle présentées séparément à chaque narine). L’alcool, l’ammoniac et d’autres substances irritantes, qui testent les récepteurs nociceptifs de la 5e paire crânienne (trijumeau), ne sont utilisés que lorsqu’on suspecte une simulation.

    2e nerf crânien

    Pour le 2e nerf crânien (optique), on teste l'acuité visuelle avec l'échelle de Snellen en vision de loin ou un texte que le patient tient à la main pour la vision de près; chaque œil est évalué séparément, l'autre étant couvert d'un cache.

    La perception des couleurs est évaluée avec les planches pseudo-isochromatiques d'Ishihara ou d'Hardy-Rand-Ritter, faites de nombres ou de figures insérés dans un fond de points de couleurs spécifiques.

    Le champ visuel est testé par confrontation dans chacun des 4 quadrants visuels. On recherche les réflexes pupillaires directs et consensuels. Un fond d'œil est également pratiqué.

    3e, 4e et 6e nerfs crâniens

    Pour les 3e (ocolomotrice), 4e (trochléaire), et 6e (abducteur) paire de nerfs crâniens, on vérifie la symétrie des mouvements oculaires et la position des globes, on recherche une asymétrie ou une chute des paupières (ptôsis) et d'éventuelles saccades ou battements des globes oculaires ou des paupières. Les mouvements oculaires contrôlés par ces nerfs sont testés en demandant au patient de suivre le déplacement d'une cible (p. ex., le doigt de l’examinateur ou un crayon lumineux) dans chacun des 4 quadrants (y compris à travers la ligne médiane) et vers le bout du nez; ce test permet de détecter un nystagmus ou une paralysie oculomotrice. Un bref nystagmus d'amplitude limitée est normal quand les yeux sont tournés au maximum sur le côté.

    Une anisocorie (inégalité du diamètre pupillaire) doit être observée dans une pièce faiblement éclairée. On évalue la symétrie et la rapidité de la réaction pupillaire à la lumière.

    5e nerf crânien

    Pour le 5e nerf crânien (trijumeau), sur les 3 territoires sensitifs (ophtalmique, maxillaire et mandibulaire) on teste la sensibilité faciale à l'aide d'une aiguille et on recherche le réflexe cornéen en effleurant le bord inférieur ou latéral de la cornée avec une mèche de coton. Si l’on constate une hypoesthésie faciale il faut examiner la région de l’angle de la mâchoire (encoche massétérine); la préservation de cette région (qui est innervée par la racine spinale C2) suggérant alors une atteinte du nerf trijumeau. Il faut savoir distinguer une faiblesse du clignement par déficit facial (p. ex., due à une paralysie du 7) de la diminution de la sensibilité cornéenne fréquente chez les porteurs de lentilles de contact. En cas de paralysie faciale, le patient percevra la stimulation cornéenne de façon symétrique même si le clignement est diminué d'un côté.

    La fonction motrice du trijumeau est appréciée en palpant les muscles masséters pendant que le patient serre les dents ou en lui demandant d'ouvrir la bouche contre résistance. En cas de déficit des muscles ptérygoïdiens la mâchoire dévie du côté atteint à l'ouverture de la bouche.

    7e nerf crânien

    Le 7e nerf crânien (facial) est évalué par la recherche d'une paralysie faciale. Une asymétrie des mouvements de la face est souvent plus évidente pendant la conversation, notamment quand le patient sourit ou, s’il est obnubilé, à la grimace en réponse à une stimulation douloureuse; du côté paralysé, le pli naso-génien est effacé et la fente palpébrale élargie. Si la paralysie prédomine nettement à la partie inférieure du visage (c'est-à-dire, que le plissement du front et l’occlusion palpébrale sont préservés), le déficit du 7e nerf a plus de chances d’être d’origine centrale que périphérique.

    On peut tester le goût sur les 2/3 antérieurs de la langue en appliquant un coton imbibé d'une solution sucrée, acide, salée ou amère d'abord sur un côté de la langue, puis sur l'autre.

    L'hyperacousie, qui indique une faiblesse du muscle stapédien, peut être mise en évidence en faisant vibrer un diapason près de l'oreille.

    8e nerf crânien

    Le 8e nerf crânien (cochléovestibulaire, acoustique, auditif) transportant les signaux auditifs et vestibulaires, l'évaluation consiste à

    L'audition est d'abord testée à chaque oreille en chuchotant quelque chose tout en bouchant l'oreille opposée. Toute perte auditive suspectée doit inciter à pratiquer un examen audiologique formel pour confirmer les signes et différencier la perte d'audition conductrice d'une perte auditive neurosensorielle. Les tests de Weber et de Rinne peuvent être effectués au lit du malade pour tenter d'établir une différence entre les deux, mais il est difficile de les effectuer de façon efficace, sauf en milieu spécialisé.

    La fonction vestibulaire peut être évaluée en recherchant un nystagmus. La présence et les caractéristiques (p. ex., direction, durée, déclencheurs) du nystagmus permet d'identifier les troubles vestibulaires et de distinguer parfois les vertiges centraux des vertiges périphériques. Le nystagmus vestibulaire a 2 composantes:

    • Une composante lente déclenchée par les signaux vestibulaires

    • Une composante rapide, correctrice, qui entraîne un mouvement dans la direction opposée (appelé battement)

    La direction du nystagmus est déterminée par celle de sa composante rapide, plus facile à repérer. Un nystagmus peut être rotatoire, vertical ou horizontal et peut être spontané, ou survenir lors du regard ou d'un mouvement de la tête.

    Pour différencier les causes centrales et les causes périphériques du vertige, les directives suivantes sont fiables et doivent être envisagées dès le début:

    • Il n'existe aucune cause centrale à la perte auditive unilatérale car l'entrée sensorielle périphérique des 2 oreilles est combinée presque instantanément au moment où les nerfs périphériques pénètrent dans le pont.

    • Il n'existe aucune cause périphérique pour les signes du système nerveux central. Si un signe du système nerveux central (p. ex., une ataxie cérébelleuse) apparaît en même temps que le vertige, la localisation est pratiquement certainement centrale.

    L'évaluation des vertiges à la recherche d'un nystagmus est particulièrement utile dans les situations suivantes:

    • En cas de vertiges lors de l'examen

    • En cas de syndrome vestibulaire aigu

    • En cas de vertige positionnel épisodique

    Si les patients présentent un vertige aigu à l'examen, le nystagmus est généralement apparent lors de l'inspection. Cependant, la fixation visuelle peut supprimer le nystagmus. Dans de tels cas, le patient est invité à porter des lentilles de +30 dioptries ou des lentilles de Frenzel pour empêcher la fixation visuelle de sorte que le nystagmus, le cas échéant, puisse être observé. Les indices qui permettent de différencier le vertige central du vertige périphérique chez ces patients sont les suivants:

    • S'il n'y a pas de nystagmus lors de la fixation visuelle mais que ce dernier est présent avec les lentilles Frenzel, il est probablement périphérique.

    • Si le nystagmus change de direction (p. ex., d'un côté à l'autre lorsque, p. ex., le regard change de direction), il est probablement central. Cependant, l'absence de ces signes ne permet pas d'exclure une cause centrale.

    En cas de nystagmus périphérique, les yeux battent en direction opposée au côté atteint.

    Lors de l'évaluation des patients présentant un syndrome vestibulaire aigu (apparition rapide de vertiges, de nausées et de vomissements sévères, d'un nystagmus spontané et d'une instabilité posturale), la manœuvre la plus importante pour différencier le vertige central du vertige périphérique est la manœuvre de Halmagyi. En gardant le patient assis, l'examinateur tient la tête du patient et lui demande de se concentrer sur un objet, tel que le nez de l'examinateur. L'examinateur tourne ensuite soudainement et rapidement la tête du patient d'environ 20° vers la droite ou la gauche. Normalement, les yeux restent focalisés sur l'objet (par le réflexe oculaire vestibulaire). D'autres signes sont interprétés comme suit:

    • Si les yeux s'éloignent temporairement de l'objet, et qu'une saccade corrective frontale remet les yeux sur l'objet, le nystagmus est probablement périphérique (p. ex., névrite vestibulaire). L'appareil vestibulaire d'un côté est dysfonctionnel. Plus la tête est tournée, plus la saccade est évidente.

    • Si les yeux rester fixés sur l'objet et qu'il n'y a pas besoin d'une saccade corrective, le nystagmus est probablement central (p. ex., accident vasculaire cérébral du cervelet).

    Lorsque le vertige est épisodique et provoqué par le changement de position, la manœuvre Dix-Hallpike (ou de Barany) permet de tester l'obstruction du canal semi-circulaire postérieur par des cristaux otoconiaux déplacés (c'est-à-dire, une vertige positionnel paroxystique bénin). Dans cette manœuvre, le patient est assis en position verticale sur la table d'examen. Le patient est rapidement abaissé vers l'arrière en décubitus dorsal avec la tête étendue à 45° au-dessous du plan horizontal (sur le bord de la table d'examen) et tourné de 45° d'un côté (p. ex., sur le côté droit). La direction et la durée du nystagmus et le déroulement du vertige sont notés. Le patient est replacé en position assise et la manœuvre est répétée avec rotation de la tête vers la droite. Le nystagmus secondaire aux vertiges bénins posturaux ou positionnels possède les caractéristiques quasiment pathognomoniques suivantes:

    • Période de latence de 5 à 10 s

    • Habituellement, nystagmus vertical (battant vers le haut) lorsque les yeux sont détournés du côté opposé à l'oreille affectée et nystagmus pendulaire lorsque les yeux sont tournés vers l'oreille affectée

    • Nystagmus qui s'affaiblit quand la manœuvre Dix-Hallpike est répétée

    En revanche, le vertige et le nystagmus positionnels liés à un dysfonctionnement du système nerveux central ne présentent aucune période de latence et ne provoquent pas de fatigue.

    La manœuvre d'Epley (manœuvre de repositionnement des canalithes [otolithes]) (voir figure Manœuvre d'Epley) peut être exécutée des deux côtés pour permettre de confirmer le diagnostic de vertige positionnel paroxystique bénin. Si le patient présente des vertiges positionnels paroxystiques bénins, il y a une forte probabilité (jusqu'à 90%) que les symptômes disparaissent après la manœuvre d'Epley et les résultats d'une répétition de la manœuvre de Dix-Hallpike seront alors négatifs.

    9e et 10e nerfs crâniens

    Les 9e (glossopharyngien) et 10e (vague ou pneumogastrique) nerfs crâniens sont habituellement évalués simultanément. On vérifie si le voile du palais s'élève ou non de façon symétrique lorsque le patient dit "ah". S'il y a une parésie d'un côté, la luette est soulevée à partir du côté parétique. On peut vérifier la symétrie du réflexe nauséeux en touchant avec un abaisse-langue la paroi postérieure du pharynx successivement des deux côtés; l’absence bilatérale du réflexe nauséeux n’est pas inhabituelle chez le sujet normal et peut n'avoir aucune signification pathologique.

    Chez le patient inconscient intubé, l'aspiration bronchique par la sonde d'intubation déclenche normalement un réflexe de toux.

    En cas d'enrouement, il faut examiner les cordes vocales. Une dysphonie isolée (sans paralysie du voile ni abolition du réflexe nauséeux) doit faire rechercher une compression intrathoracique du nerf récurrent (p. ex., lymphome médiastinal, anévrisme de l'aorte).

    11e nerf crânien

    Le 11e nerf crânien (nerf spinal accessoire) qui est purement moteur est évalué en testant les muscles qu'il innerve:

    • Pour tester le sternocléidomastoïdien, on demande au patient de tourner la tête contre résistance, tout en palpant le muscle actif (du côté opposé à la rotation de la tête).

    • Pour tester l'intégrité du trapèze, on demande au patient de lever l'épaule, l'examinateur exerçant simultanément une contre-pression.

    12e nerf crânien

    Le 12e nerf crânien (grand hypoglosse) est évalué en demandant au patient de tirer la langue et en recherchant une atrophie, des fasciculations et une faiblesse musculaire (la déviation est vers le côté de la lésion).

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