Gestion des effets indésirables du traitement du cancer

ParRobert Peter Gale, MD, PhD, DSC(hc), Imperial College London
Vérifié/Révisé août 2022
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Les effets indésirables sont fréquents chez les patients recevant des traitements contre le cancer, en particulier les cytopénies, les effets gastro-intestinaux et les lyses tumorales et les syndromes de libération des cytokines. Les patients peuvent également avoir des effets indésirables résultant de leur cancer (p. ex., dépression, douleur). La gestion efficace de ces effets indésirables est importante car elle améliore la qualité de vie (voir aussi Revue générale du traitement des cancers.)

Cytopénies

La diminution des concentrations sanguines des globules rouges, des globules blancs, en particulier des granulocytes et des plaquettes, résulte des diverses thérapies systémiques du cancer, en particulier des médicaments de chimiothérapie conventionnelle et de la radiothérapie.

Anémie

La diminution des taux de globules rouges est fréquente en cas de cancer. Les diminutions des globules rouges résultent d'un effet direct du cancer (en particulier dans les cancers du sang et de la moelle osseuse tels que les leucémies, les lymphomes et le myélome multiple) et des effets du traitement du cancer, en particulier des médicaments conventionnels contre le cancer (chimiothérapie). Souvent, l'anémie ne nécessite aucun traitement. Certains patients, en particulier ceux qui ont des comorbidités telles que les maladies cardiovasculaires artérioscléreuses, peuvent tirer profit de transfusions de globules rouges. D'autres peuvent tirer profit de l'érythropoïétine recombinante, qui peut se substituer aux transfusions de globules rouges. Certaines données suggèrent que l'utilisation de l'érythropoïétine peut avoir des effets indésirables sur le pronostic du cancer et est prothrombotique. Des lignes directrices de la transfusion de globules rouges et l'utilisation de l'érythropoïétine sont disponibles, mais les recommandations sont controversées (1).

Thrombopénie

La diminution de la concentration plaquettaire est fréquente en cas de cancer. Les diminutions des plaquettes résultent d'un effet direct du cancer (en particulier des cancers du sang et de la moelle osseuse tels que les leucémies, les lymphomes et le myélome multiple) et des effets du traitement du cancer, en particulier des médicaments de chimiothérapie conventionnels. Le risque de saignement est inversement proportionnel au nombre de plaquettes (voir tableau Numération plaquettaire et risque de saignement). Les concentrations plaquettaires < 10 000/microL (10 × 109/L) sont dangereuses et nécessitent des transfusions de plaquettes. Des hormones clonées moléculairement, telles que l'eltrombopag et l'avatrombopag, qui stimulent les mégacaryocytes à produire des plaquettes, ont été utilisées.

La déleucocytation des produits sanguins peut prévenir l'allo-immunisation plaquettaire et doit être réalisée dans le cas des patients susceptibles de recevoir des transfusions plaquettaires répétées (chimiothérapies répétées) ou des patients programmés pour greffe de cellules hématopoïétiques. La déleucocytation réduit également le risque d'infection à cytomégalovirus.

Neutropénie

Une diminution de la concentration des granulocytes est fréquente en cas de cancer. La neutropénie est une diminution du nombre de neutrophiles circulants à < 1500/mcL (< 1,5 × 109/L) chez les Blancs et < 1200/mcL (< 1,2 × 109/L) chez un patient de race noire (voir aussi Neutropénie). Les diminutions des granulocytes résultent d'un effet direct du cancer (en particulier des cancers du sang et de la moelle osseuse tels que les leucémies, les lymphomes et le myélome multiple) et des effets du traitement du cancer, en particulier des médicaments de chimiothérapie conventionnels. Le risque d'infection est inversement proportionnel au nombre de granulocytes. Une concentration de granulocytes < 500/microL (0,5 × 109/L) augmente nettement le risque d'infection. Les mesures de protection contre les infections, dont le port d'un masque, le lavage des mains et l'isolement protecteur, sont importantes. Les salles à flux d'air laminaire (LAF) sont parfois utilisées, mais n'ont pas prouvé leur efficacité. Des antibiotiques oraux non absorbables sont parfois administrés en prophylaxie. Lorsqu'une période prolongée de baisse des granulocytes est anticipée, des médicaments antifongiques et antiviraux prophylactiques sont parfois administrés, y compris des médicaments contre Pneumocystis jirovecii. Chez les patients cancéreux recevant une chimiothérapie chez lesquels on s'attend à une incidence de neutropénie fébrile > 20%, des facteurs de croissance myéloïdes prophylactiques tels que le filgrastrim, le sargramostim ou le pegfilgastrim sont administrés avec la chimiothérapie (2, 3).

Les patients neutropéniques mais apyrétiques doivent être surveillés de façon rapprochée en ambulatoire afin de déceler l'apparition d'une éventuelle fièvre. Ces patients doivent avoir reçu pour consigne d'éviter les contacts avec les personnes malades ou les endroits très fréquentés (p. ex., centres commerciaux, aéroports). Alors que pour la plupart des patients, la prise d'antibiotiques est inutile, il faut parfois administrer aux patients sévèrement immunodéprimés et du triméthoprime/sulfaméthoxazole (1 comprimé double dose/jour) en prévention de l'infection par Pneumocystis jirovecii. Chez les patients transplantés et ceux qui reçoivent une chimiothérapie à forte dose, une prophylaxie antivirale (acyclovir 800 mg par voie orale 2 fois/jour ou 400 mg IV toutes les 12 heures) doit être envisagée si la sérologie du virus herpes simplex est positive.

Une fièvre> 38,5° C à deux reprises ou plus chez un patient neutropénique est une urgence médicale. Une évaluation approfondie des sources potentielles d'infection doit être effectuée et des hémocultures effectuées. Typiquement, des antibiotiques systémiques à large spectre sont administrés avant que les résultats des cultures ne soient connus et le traitement sera modifié selon les besoins. Les patients qui ont une fièvre persistante ne répondant pas aux antibiotiques sont souvent traités par des médicaments antifongiques systémiques et parfois des antiviraux. Le bilan doit comprendre en urgence une rx thorax et des hémocultures, un examen bactériologique des crachats, des urines, un prélèvement de toute lésion cutanée suspecte et des coprocultures. L'examen clinique porte sur les sites potentiels d'abcès (p. ex., peau, oreilles, sinus, région péri-rectale), la recherche de lésions herpétiques sur la peau et les muqueuses, la rétine pour déceler des lésions vasculaires évocatrices d'embolies infectieuses et les abords par cathéters. Le toucher rectal et l'utilisation d'un thermomètre rectal doivent être évités. D'autres évaluations doivent être guidées par les signes cliniques.

Les patients neutropéniques fébriles doivent recevoir des antibiotiques à large spectre sélectionnés selon l'origine de l'infection la plus probable. Les protocoles habituels comprennent céfépime ou ceftazidime 2 g IV toutes les 8 heures immédiatement après les prélèvements. En cas de présence d'infiltrats pulmonaires diffus, les crachats doivent être testés pour P. jirovecii, et, s'ils sont positifs, un traitement adapté doit être débuté. Si la fièvre disparaît dans les 72 heures après le début de l'antibiothérapie empirique, elle est poursuivie jusqu'à atteindre un nombre de neutrophiles > 500/microL (0,5 × 109/L). Si la fièvre continue, un traitement par des antimycotiques doit être ajouté. À ce stade, un nouveau bilan de recherche d'une infection avec souvent une TDM du thorax et de l'abdomen, est également effectué.

Les concentrations de granulocytes peuvent être augmentées au moyen de l'administration de facteurs de croissance myéloïdes clonés moléculairement tels que des facteurs de croissance des granulocytes/granulocytes/macrophages (GM) tels que le filgrastim, le sargramostim et le peg-filgrastim. Des lignes directrices pour l'utilisation appropriée de ces médicaments sont disponibles (2). Chez certains patients présentant une neutropénie secondaire à une chimiothérapie, notamment à forte dose, l'administration de G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor) ou de GM-CSF (granulocyte-macrophage colony-stimulating factor) peut permettre de diminuer la durée de la leucopénie (GM-CSF) et de raccourcir la période de neutropénie. Le G-CSF 5 mcg/kg en sous-cutané 1 fois/jour jusqu'à 14 jours et les formes à action prolongée (p. ex., pegfilgrastim 6 mg en sous-cutané dose unique 1 fois par cycle de chimiothérapie) peut être utilisé pour accélérer la remontée des globules blancs. Ces médicaments ne doivent pas être administrés pendant les 24 premières heures suivant la chimiothérapie et pour le pegfilgrastim un délai d'au moins 14 jours avant la chimiothérapie suivante doit être respecté. Ces traitements sont à débuter en cas de fièvre ou de sepsis et chez les patients à haut risque apyrétiques quand les neutrophiles sont < 500/microL.

De nombreux centres traitent par G-CSF en ambulatoire les patients à faible risque de fièvre et de neutropénie. Néanmoins, les patients ne doivent pas présenter d'hypotension, de confusion mentale, de détresse respiratoire, de douleur incontrôlée ou de comorbidité significative telle qu'un diabète, une cardiopathie ou une hypercalcémie. Une surveillance journalière par une infirmière à domicile est nécessaire pour administrer l'antibiothérapie par perfusion à domicile. Certains protocoles impliquent la prise d'antibiotiques, tels que la ciprofloxacine 750 mg par voie orale 2 fois/jour plus amoxicilline/acide clavulanique 875 mg par voie orale 2 fois/jour ou 500 mg par voie orale 3 fois/jour. Si aucun programme institutionnel n'est défini pour le suivi et le traitement de la fièvre en ambulatoire chez un patient neutropénique, une hospitalisation est alors nécessaire.

Références pour la cytopénie

  1. 1. Bohlius J, Bohlke K, Castelli R, et al: Management of cancer-associated anemia with erythropoiesis-stimulating agents: ASCO/ASH Clinical Practice Guideline Update. J Clin Oncol 37(15):1336–1351, 2019. doi: 10.1200/JCO.18.02142

  2. 2. Crawford J, Becker PS, Armitage JO, et al: Myeloid Growth Factors, Version 2.2017, NCCN Clinical Practice Guidelines in Oncology. J Natl Compr Canc Netw 15, 12; 10.6004/jnccn.2017.0175

  3. 3. Smith TJ, Bohlke K, Lyman GH, et al: Recommendations for the Use of WBC Growth Factors: American Society of Clinical Oncology Clinical Practice Guideline Update. J Clin Oncol 33(28):3199–3212, 2015. doi: 10.1200/JCO.2015.62.3488

Troubles digestifs

Les effets indésirables gastro-intestinaux sont fréquents en cas de cancer. Ces effets peuvent être provoqués par le cancer lui-même et/ou le traitement du cancer.

Anorexie

L'anorexie est fréquente chez les patients cancéreux et peut être provoquée par le cancer directement ou faire suite à un ou plusieurs traitements anticancéreux. Une perte de plus de 10% du poids corporel idéal prédit un pronostic défavorable. Des efforts doivent être faits pour maintenir une nutrition raisonnable. Parfois, une nutrition parentérale partielle ou totale est nécessaire. Les patients présentant une interruption chirurgicale du tractus gastro-intestinal peuvent avoir besoin d'une gastrostomie alimentaire. Les médicaments qui peuvent augmenter l'appétit comprennent les corticostéroïdes, l'acétate de mégestrol, les stéroïdes androgènes et le dronabinol. On ne sait pas si ces médicaments réduisent de manière convaincante l'anorexie, inversent la perte de poids, améliorent la qualité de vie ou prolongent la survie. Certains stéroïdes, tels que la testostérone, sont contre-indiqués en cas de cancer de la prostate ou du foie.

Constipation

La constipation est fréquente en cas de cancer et est souvent aggravée par les opiacés utilisés pour traiter la douleur. La prise d'un laxatif stimulant tel que le séné, 2 comprimés par voie orale au coucher (maximum 8 comprimés/jour) ou le bisacodyl, 5-15 mg par voie orale au coucher, doit débuter avant l'utilisation répétée d'opiacés. Une constipation chronique peut être traitée par de nombreux médicaments (p. ex., bisacodyl 5 à 15 mg par voie orale toutes les 24 heures, lait de magnésie 15 à 30 mL par voie orale au coucher, lactulose 15 à 30 mL (10 à 20 g) toutes les 12 à 24 heures, citrate de magnésium 195 à 300 mL une fois toutes les 24 h). Il convient d'éviter les lavements et les suppositoires en cas de neutropénie ou de thrombopénie.

Diarrhée

La diarrhée est fréquente après les médicaments de chimiothérapie, les médicaments ciblés et la radiothérapie, en particulier si l'abdomen et/ou le bassin sont inclus dans le champ de rayonnement. Elle est habituellement traitée par du lopéramide 2 à 4 mg par voie orale après chaque selle molle; ou du diphénoxylate/atropine 2,5 mg à 5 mg par voie orale toutes les 6 heures. Cependant, les doses peuvent varier en fonction de divers facteurs. Les patients qui ont un cancer traités par des antibiotiques à large spectre peuvent être infectés par Clostridioides (anciennement Clostridium) difficile, qui doit être recherché et traité par la vancomycine. Les patients qui ont des cancers colorectaux inférieurs peuvent avoir une colostomie de dérivation, ce qui complique la prise en charge de la diarrhée.

Mouth lesions

Les lésions buccales telles que l'inflammation et les ulcères sont fréquentes chez les patients recevant des médicaments de chimiothérapie et/ou une radiothérapie. Parfois, ces lésions sont compliquées par une infection, souvent par Candida albicans. La candidose est habituellement traitée par la nystatine.

La candidose buccale est traitée par la nystatine en suspension orale 4 à 6 mL (400 000 à 600 000 unités) 4 fois/jour, le clotrimazole en comprimés 10 mg 4 fois/jour ou le fluconazole 100 mg par voie orale 1 fois/jour.

La mucite radio-induite provoque des douleurs et perturbe l'alimentation orale, entraînant alors une dénutrition et un amaigrissement. Les bains de bouche analgésiques et anesthésiques (lidocaïne visqueuse à 2% de 5 à 10 mL toutes les 2 heures ou d'autres mélanges disponibles dans le commerce) avant les repas, une alimentation non épicée, qui ne comprend pas d'agrumes (fruits ou jus) et l'évitement des températures extrêmes peut permettre aux patients de manger et de maintenir leur poids. Si ces mesures restent insuffisantes, le recours à une sonde gastrique peut s'avérer efficace si du moins le fonctionnement du grêle est normal. En cas de mucite sévère, de diarrhée ou de trouble intestinal, une alimentation parentérale peut être souhaitable.

Nausées et vomissements

Les nausées et les vomissements sont fréquents en cas de cancer, que les patients reçoivent ou non un traitement anticancéreux, et diminuent la qualité de vie. Les variables qui prédisent la probabilité de causer des nausées et des vomissements secondaires aux médicaments anticancéreux sont

  • Type de médicament(s)

  • Dose

  • Comment le médicament est administré

  • La fréquence avec laquelle le médicament est administré

  • Interactions entre médicaments anticancéreux

  • Interactions entre les médicaments anticancéreux et les médicaments administrés pour traiter la douleur liée au cancer

Certains médicaments chimiothérapiques sont particulièrement susceptibles de provoquer des nausées et des vomissements, dont les médicaments contenant du platine tels que le cisplatine et l'oxaliplatine. Les patients traités par d'autres modalités, dont la radiothérapie, les hormones, les médicaments ciblés et l'immunothérapie peuvent également avoir des nausées et des vomissements. Plusieurs médicaments sont efficaces pour contrôler et/ou prévenir les nausées et les vomissements:

  • Les antagonistes des récepteurs de la sérotonine sont les médicaments les plus efficaces mais très coûteux. Il n'existe pratiquement pas de toxicité avec le granisétron et l'ondansétron, à l'exception de céphalées et d'hypotension orthostatique. Une dose d'ondansétron 0,15 mg/kg ou du granisétron 10 mcg/kg est administrée en IV 30 min avant la chimiothérapie. La dose d'ondansétron peut être administrée 4 puis 8 heures après la 1ère dose. Leur efficacité est démontrée avec les médicaments très émétisants comme les médicaments contenant du platine et peut être améliorée par l'adjonction de dexaméthasone 8 mg IV administrés 30 min avant la chimiothérapie avec des doses répétées de 4 mg IV toutes les 8 heures.

  • L'aprépitant est un antagoniste du récepteur de la P/neurokinine-1, qui est susceptible de limiter les nausées et les vomissements en cas de chimiothérapie très émétisante. Le dosage est de 125 mg par voie orale 1 heure avant la chimiothérapie le j1, puis de 80 mg par voie orale 1 heure avant la chimiothérapie les j2 et j3.

  • D'autres antiémétiques comprenant les phénothiazines (p. ex., prochlorpérazine 10 mg IV toutes les 8 heures, la prométhazine 12,5 à 25 mg par voie orale ou IV toutes les 8 heures) et le métoclopramide 10 mg par voie orale ou IV administré 30 min avant la chimiothérapie avec des doses répétées toutes les 6 à 8 heures, sont des alternatives réservées aux patients qui ont des nausées et des vomissements légers à modérés.

  • Le dronabinol (delta-9-tétrahydrocannabinol [THC]) est une alternative thérapeutique en cas de nausées et de vomissements dus à la chimiothérapie. Le THC est le principal constituant psychoactif de la marijuana. Le mécanisme de son action anti-émétique est inconnu mais les cannabinoïdes se lient aux récepteurs des opiacés dans le prosencéphale et pourraient indirectement inhiber le centre des vomissements. Le dronabinol est administré à la dose de 5 mg/m2 par voie orale 1 à 3 heures avant la chimiothérapie, avec des doses répétées toutes les 2 à 4 heures après le début de la chimiothérapie (maximum de 4 à 6 doses/jour). Cependant, il a une biodisponibilité orale variable, n'est pas efficace contre les nausées et les vomissements des protocoles de chimiothérapie à base de platine et a des effets indésirables importants (p. ex., somnolence, hypotension orthostatique, sécheresse de la bouche, changements d'humeur, altérations visuelles et du sens temporel). Fumer de la marijuana peut s'avérer efficace. Dans certains pays, il est possible d'obtenir légalement la marijuana dans cette perspective, même si la loi fédérale en interdit toujours l'utilisation. Elle est peu utilisée du fait de ces problèmes de disponibilité et parce que certains patients ne peuvent fumer.

  • Les benzodiazépines, telles que le lorazépam 1 à 2 mg par voie orale ou IV administrées 10 à 20 minutes avant la chimiothérapie avec des doses répétées toutes les 4 à 6 heures selon les besoins, sont parfois utiles en cas de nausées et de vomissements réfractaires ou d'anticipation.

Douleur

La douleur, dont la chronique et/ou la douleur neuropathique, est fréquente en cas de cancer et doit être anticipée et traitée agressivement.

La douleur est souvent mal traitée, pour plusieurs raisons, dont

  • La réticence du patient à discuter de la douleur avec le médecin

  • La réticence des médecins à discuter de la douleur

  • La peur de la dépendance aux opiacés

Aucun de ces éléments n'est une raison suffisante pour ne pas permettre un contrôle adéquat de la douleur chez le patient atteint de cancer.

Le traitement de la douleur pourrait comprendre l'aspirine, le paracétamol ou l'ibuprofène. Cependant, ces médicaments sont souvent inefficaces dans le contrôle de la douleur cancéreuse et des opiacés, dont la morphine, l'oxycodone, l'hydromorphone, le fentanyl méthadone et l'oxymorphone, peuvent être nécessaires. Une posologie et un calendrier appropriés de ces médicaments sont essentiels pour un contrôle adéquat de la douleur (voir tableau Antalgiques opiacés). Souvent, le patient atteint d'un cancer est le meilleur juge du moment où les analgésiques sont nécessaires. L'anesthésie contrôlée par le patient à l'aide d'une pompe à demeure permet au patient de gérer la dose et le moment de l'injection des analgésiques.

Comparé aux produits de même classe pharmacologique, l'association de produits de classe différente améliore le contrôle des douleurs en limitant la gravité des effets indésirables. L'aspirine et les AINS doivent être évités chez les patients atteints de thrombocytopénie.

La douleur neurologique peut être traitée par la gabapentine; la dose nécessaire est élevée (jusqu'à 1200 mg par voie orale 3 fois/jour) avec un début du traitement à faible dose (p. ex., 300 mg 3 fois/jour) puis une augmentation de la posologie en quelques semaines. Comme alternative, un antidépresseur tricyclique (p. ex., nortriptyline 25 à 75 mg par voie orale au coucher) peut être essayé. Les doses peuvent varier dans une large mesure entre les patients.

Les opiacés sont la base du contrôle de la douleur en cas de cancer et sont souvent sous-utilisés. Les analgésiques doivent être administrés à des doses et des calendriers qui atteignent le niveau cible de contrôle de la douleur. Trop souvent, les personnes atteintes d'un cancer ne reçoivent pas un contrôle adéquat de la douleur.

D'autres approches peuvent être nécessaires pour contrôler la douleur dans certaines circonstances particulières. Par exemple, la radiothérapie est souvent nécessaire pour les douleurs osseuses. Un bloc et une chirurgie nerveuse peuvent être effectués pour interrompre les voies nerveuses.

Dépression

La dépression est souvent négligée. Elle peut être secondaire à la maladie (à ses symptômes et à l'anxiété concernant ses conséquences) et/ou aux effets indésirables des traitements. Les patients recevant de l'interféron peuvent développer une dépression. L'alopécie, effet indésirable de la radiothérapie ou de la chimiothérapie, peut contribuer au syndrome dépressif. Une discussion franche avec le patient peut aussi souvent soulager l'anxiété. Le traitement de la dépression par des médicaments et/ou une psychothérapie peut souvent être efficace.

Syndromes de lyse tumorale et de libération de cytokines

Syndrome de lyse tumorale

Le syndrome de lyse tumorale est dû à la mort rapide des cellules cancéreuses, provoqué par des médicaments cytotoxiques et certains types d'immunothérapie (p. ex., le traitement par des cellules CAR-T): il libère des composants intracellulaires dans la circulation sanguine, en particulier des acides nucléiques (qui sont décomposés en acide urique, provoquant ainsi une hyperuricémie), phosphate et potassium. L'acide urique peut précipiter dans les tubules rénaux et provoquer une lésion rénale aiguë (voir aussi Néphropathie uratique aiguë). En fonction du produit phosphate × calcium, l'hyperphosphatémie peut provoquer un dépôt de phosphate de calcium dans les tubules rénaux et dans le système de conduction cardiaque; ce qui peut également induire une hypocalcémie qui peut provoquer une tétanie. L'hyperkaliémie peut provoquer des troubles du rythme cardiaque. Les symptômes de la lyse tumorale comprennent une léthargie, une anorexie, des nausées, des vomissements et des convulsions.

Le syndrome de lyse tumorale survient notamment au cours des traitements des leucémies ou des lymphomes, mais il peut également survenir au cours d'autres hémopathies malignes et plus rarement après traitement d'un cancer solide. Les T-vaccins cellulaires utilisés pour traiter les leucémies des cellules B peuvent déclencher une lyse tumorale et la libération de cytokines qui peuvent être mortelles, des jours à des semaines après la vaccination.

Les critères diagnostiques du syndrome de lyse tumorale comprennent les suivants

Le traitement du syndrome de lyse tumorale est associé à l'allopurinol 200 à 400 mg/m2 1 fois/jour, maximum 600 mg/jour et au sérum physiologique IV pour obtenir une diurèse > 2 L/jour et il doit être débuté sous surveillance étroite biologique et cardiaque. Certains praticiens préconisent l'administration de bicarbonate de sodium IV pour alcaliniser les urines et solubiliser l'acide urique, l'alcalinisation peut favoriser les dépôts de phosphate de calcium en cas d'hyperphosphatémie et il convient alors d'éviter un pH > 7. Le traitement de l'hyperkaliémie est administré en fonction de la kaliémie et peut impliquer des hypoglycémiants oraux, du calcium IV, du glucose et de l'insuline IV. Le traitement de l'hypocalcémie est le calcium IV, mais comme cela peut provoquer une augmentation des précipitations de phosphate de calcium, le calcium ne doit pas être administré en cas d'hypocalcémie asymptomatique, sauf si l'hyperphosphatémie est corrigée. Les patients symptomatiques présentant une hypocalcémie (p. ex., troubles du rythme, tétanie) doivent recevoir du calcium IV quel que soit le taux de phosphate sérique.

Une prévention du syndrome de lyse tumorale est souhaitable. Il est souvent possible d'anticiper le développement du syndrome de lyse tumorale (p. ex., au cours du traitement des cancers par renouvellement rapide des cellules) et d'administrer de grands volumes de liquides et de l'allopurinol ou de la rasburicase avant de commencer la chimiothérapie et parfois avant l'immunothérapie (telle celle par anticorps monoclonaux bispécifiques ou lymphocytes CAR-T) pour protéger les reins des lésions urinaires dues à l'acide urique. Les patients doivent être fortement hydratés par voie IV, afin de maintenir une diurèse d'au moins 100 mL/h avant le début du traitement. Les patients doivent également recevoir de l'allopurinol pendant au moins 2 jours avant et pendant la durée de la chimiothérapie; en cas de forte prolifération cellulaire, le traitement sera poursuivi pendant 10 à 14 jours. La rasburicase est une enzyme qui oxyde l'acide urique en allantoïne (une molécule plus soluble) et est administrée à raison de 0,15 à 0,2 mg/kg IV en 30 minutes 1 fois/jour pendant 5 à 7 jours, généralement débutée 4 à 24 heures avant le premier traitement de chimiothérapie. Les effets indésirables peuvent comprendre l'anaphylaxie, l'hémolyse, l'hémoglobinurie et la méthémoglobinémie.

Des lignes directrices concernant l'évaluation et la prise en charge du syndrome de lyse tumorale sont disponibles (1, 2).

Syndrome de libération des cytokines

Le syndrome de libération des cytokines (SSC) est lié au syndrome de lyse tumorale, mais en est distinct. Le syndrome de libération des cytokines se produit lorsqu'un grand nombre de cellules immunitaires sont activées et libèrent des cytokines inflammatoires, dont l'interleukine (IL)-6 et l'interféron gamma. Il s'agit d'une complication fréquente des thérapies immunitaires telles que les anticorps monoclonaux bi-spécifiques ou les cellules CAR-T.

Les signes cliniques comprennent une fièvre, une fatigue, une perte d'appétit, des douleurs musculaires et articulaires, des nausées, des vomissements, une diarrhée, une éruption cutanée et des céphalées. Une tachypnée, une tachycardie, une hypotension, des tremblements, une perte de coordination, des convulsions et un syndrome confusionnel peuvent survenir.

Les caractéristiques typiques comprennent

  • Hypoxie

  • Pression différentielle augmentée

  • Augmentation ou diminution du débit cardiaque

  • Augmentation de l'azote uréique, du D-dimère, des enzymes hépatiques et de la bilirubine

  • Taux plasmatique bas de fibrinogène

Classification par grade du syndrome de libération des cytokines (3) est la suivante:

  • Grade 1: les symptômes (p. ex., fièvre, nausées, fatigue, céphalées, myalgies, sensation de malaise) ne menacent pas le pronostic vital et ne nécessitent qu'un traitement symptomatique.

  • Grade 2: les symptômes nécessitent et répondent à une intervention modérée par une supplémentation en oxygène jusqu'à 40% de FiO2 ou une hypotension qui répond à une injection de liquides ou à une faible dose de vasopresseur ou une toxicité d'organe de grade 2.

  • Grade 3: les symptômes nécessitent et répondent à une intervention agressive par une supplémentation en oxygène avec FiO2 ≥ 40% ou une hypotension nécessitant des doses élevées ou de multiples vasopresseurs ou une toxicité d'organe de grade 3 ou une transaminite de grade 4.

  • Grade 4: les symptômes mettent en jeu le pronostic vital, y compris besoin d'assistance respiratoire ou toxicité d'organe de grade 4 (à l'exclusion des transaminites).

  • Grade 5: Mort

Le traitement du syndrome de libération des cytokinese de bas grade est un traitement de support. Le syndrome de libération des cytokines de grade modéré nécessite une oxygénothérapie et l'administration de liquides et d'un ou plusieurs médicaments antihypotenseurs pour augmenter la pression artérielle. Les grades modérés et sévères du syndrome de libération des cytokines (c'est-à-dire, grades 3 et 4) sont traités par des immunosuppresseurs tels que les corticostéroïdes. Le tocilizumab, un anticorps monoclonal anti-interleukine-6 (IL-6), est également utilisé dans les cas de syndrome de libération des cytokines sévère.

Le syndrome de neurotoxicité associé aux cellules immunitaires effectrices (Immune effector cell-associated neurotoxicity syndrome [ICANS]) est un syndrome neuropsychiatrique qui peut survenir chez certains patients atteints d'un cancer traité par immunothérapie. Il est également liée à la toxicité médiée par les cytokines et a été appelée syndrome d'encéphalopathie par libération de cytokines (cytokine release encephalopathy syndrome [CRES]). Les symptômes comprennent une confusion, un niveau de conscience réduit, des troubles de l'attention, une léthargie, des modifications de l'état mental, un syndrome confusionnel, des vertiges, des spasmes musculaires et une faiblesse musculaire (1).

Une neurotoxicité modérée est prise en charge symptomatiquement. Une neurotoxicité plus sévère est traitée par la dexaméthasone ou la méthylprednisolone. Les patients présentant une neurotoxicité sévère peuvent nécessiter un traitement en unité de soins intensifs.

Références pour le syndrome de lyse tumorale et le syndrome de libération de cytokines

  1. 1. Cairo MS, Coiffier B, Reiter A, et al: Recommendations for the evaluation of risk and prophylaxis of tumour lysis syndrome (TLS) in adults and children with malignant diseases: an expert TLS panel consensus. Br J Haematol 149(4):578–586, 2010. doi: 10.1111/j.1365-2141.2010.08143.x

  2. 2. Coiffier B, Altman A, Pui CH, et al: Guidelines for the management of pediatric and adult tumor lysis syndrome: an evidence-based review. J Clin Oncol 26(16):2767–2778, 2008. doi: 10.1200/JCO.2007.15.0177

  3. 3. Lee DW, Santomasso BD, Locke FL, et al: ASTCT consensus grading for cytokine release syndrome and neurologic toxicity associated with immune effector cells. Biol Blood Marrow Transplant 25(4):625–638, 2019. doi: 10.1016/j.bbmt.2018.12.758

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