Revue générale des anomalies cardiovasculaires congénitales

ParLee B. Beerman, MD, Children's Hospital of Pittsburgh of the University of Pittsburgh School of Medicine
Vérifié/Révisé avr. 2023
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Les cardiopathies congénitales sont les anomalies congénitales les plus fréquentes, survenant dans près de 1% des naissances vivantes (1). Parmi les malformations congénitales, les cardiopathies congénitales sont la principale cause de mortalité infantile.

Les cardiopathies congénitales les plus fréquemment diagnostiquées chez le nourrisson sont les communications septales ventriculaires musculaires et périmembraneuses suivies des communications septales auriculaires de type ostium secundum, avec une prévalence totale de 48,4 sur 10 000 naissances vivantes (2, 3, 4). Le maladie cardiaque congénitale cyanosante la plus fréquente est la tétralogie de Fallot, qui est deux fois plus répandue que transposition des grandes artères (4,7 contre 2,3/10 000 naissances). Globalement, les bicuspidies aortiques sont les malformations congénitales les plus fréquentes avec une prévalence allant de 0,5% à 2,0%.

Références générales

  1. 1. Reller MD, Strickland MJ, Riehle-Colarusso T, et al: Prevalence of congenital heart defects in metropolitan Atlanta, 1998–2005. J Pediatr 153(6):807–813, 2008.

  2. 2. Freeze SL, Landis BJ, Ware SM, Helm BM: Bicuspid aortic valve: a review with recommendations for genetic counseling. J Genet Couns  25(6):1171–1178, 2016.

  3. 3. van der Linde D, Konings EEM, Slager MA, et al: Birth prevalence of congenital heart disease worldwide: a systematic review and meta-analysis.  J Am Coll Cardiol 58(21):2241–2247, 2011. doi: 10.1016/j.jacc.2011.08.025

  4. 4. Daubeney PEF, Rigby ML, Niwa K, Gatzoulis MA (eds): Pediatric Heart Disease: A Practical Guide. Wiley-Blackwell 2012.

Étiologie des maladies cardiaques congénitales

Des facteurs génétiques et environnementaux contribuent au développement des cardiopathies congénitales.

Des facteurs environnementaux fréquents sont une maladie maternelle (p. ex., diabète, rubéole, lupus érythémateux disséminé) ou la consommation maternelle d'agents tératogènes (p. ex., lithium, isotrétinoïne, anticonvulsivants). L’âge maternel est un facteur de risque connu de certaines maladies génétiques, en particulier du syndrome de Down, qui peuvent inclure des défauts cardiaques. Le fait que l’âge de la mère soit un facteur de risque indépendant de cardiopathie congénitale est incertain. L'âge du père peut également être un facteur de risque (1).

Certaines anomalies chromosomiques numériques (aneuploïdies), comme la trisomie 21 (syndrome de Down), la trisomie 18, la trisomie 13, et la monosomie X (syndrome de Turner), sont fortement associées à la maladie coronarienne. Cependant, ces anomalies ne représentent que 5-6% des patients atteints de cardiopathies congénitales.

De nombreux autres cas impliquent des délétions sous-chromosomiques (microdélétions), des duplications sous-chromosomiques ou des mutations monogéniques. Souvent, ces mutations provoquent des syndromes congénitaux affectant de multiples organes, outre le cœur. Des exemples sont le syndrome de Di George (microdélétion 22q11.2) et le syndrome de Williams (parfois appelé de Williams-Beuren) - (microdélétion 7p11.23). Les défauts d'un seul gène qui causent des syndromes associés aux cardiopathies congénitales comprennent les mutations de la fibrilline-1 (syndrome de Marfan), de TXB5 (syndrome de Holt-Oram), et de PTPN11 (syndrome de Noonan). Les défauts d'un seul gène peuvent aussi causer des malformations cardiaques congénitales isolées (c'est-à-dire, non syndromiques).

Aucune étiologie génétique identifiable n'est détectée chez environ 72% des patients qui ont une cardiopathie congénitale (2, 3, 4).

Le risque de récidive des cardiopathies congénitales dans une famille dépend de la cause. Le risque est négligeable dans les mutations de novo, de 2 à 5% dans les cardiopathies congénitales multifactorielles non syndromiques, et de 50% quand une mutation autosomique dominante est en cause. L'identification d'une valvule aortique bicuspidienne chez un individu mérite de faire pratiquer un dépistage familial au regard de la prévalence familiale rapportée de 9% (5). Il est important d'identifier les facteurs génétiques car davantage de patients atteints de cardiopathies congénitales survivent jusqu'à l'âge adulte et sont susceptibles de fonder une famille.

Références pour l'étiologie

  1. 1. Materna-Kiryluk A, Wiśniewska K, Badura-Stronka M, et al: Parental age as a risk factor for isolated congenital malformations in a Polish population. Paediatr Perinat Epidemiol 23(1):29-40, 2009. doi: 10.1111/j.1365-3016. 2008.00979.x

  2. 2. Russell MW, Chung WK, Kaltman JR, Miller TA: Advances in the understanding of the genetic determinants of congenital heart disease and their impact on clinical outcomes. J Am Heart Assoc 7(6):e006906, 2018. doi:10.1161/JAHA.117.006906

  3. 3. van der Linde D, Konings EEM, Slager MA, et al: Birth prevalence of congenital heart disease worldwide: a systematic review and meta-analysis. J Am Coll Cardiol  58(21):2241–2247, 2011. doi: 10.1016/j.jacc.2011.08.025

  4. 4. Pierpont ME, Brueckner M, Chung WK, et al: Genetic Basis for Congenital Heart Disease: Revisited: A Scientific Statement From the American Heart Association [published correction appears in Circulation 2018 Nov 20;138(21):e713]. Circulation 138(21):e653–e711, 2018. doi:10.1161/CIR.0000000000000606

  5. 5. Freeze SL, Landis BJ, Ware SM, Helm BM: Bicuspid aortic valve: a review with recommendations for genetic counseling. J Genet Couns 25(6):1171–1178, 2016.

Circulation fœtale normale

La circulation fœtale est caractérisée par les éléments suivants

  • Un shunt droit-gauche du sang évitant les poumons grâce au canal artériel (reliant l'artère pulmonaire à l'aorte) et au foramen ovale (reliant les oreillettes droite et gauche)

Le shunt est facilité par une résistance artériolaire pulmonaire élevée et une résistance relativement faible au flux sanguin dans la circulation systémique (y compris la circulation placentaire). Environ 90 à 95% du débit cardiaque droit shunte les poumons et se jette directement dans la circulation systémique. Le canal artériel fœtal est maintenu ouvert par une PaO2 systémique fœtale basse (environ 25 mmHg) associée à une production locale de prostaglandines. Le foramen ovale est maintenu ouvert par les différences de pressions auriculaires: la pression auriculaire gauche est relativement faible en raison du faible retour pulmonaire sanguin, mais la pression auriculaire droite est relativement élevée du fait du volume important de sang provenant du placenta.

Circulation normale du sang chez le fœtus

Chez le fœtus, le sang qui pénètre dans le côté droit du cœur a été oxygéné par le placenta. Les poumons n'étant pas ventilés, seule une petite quantité de sang doit passer par l'artère pulmonaire. La majeure partie du sang provenant du cœur droit contourne les poumons à travers

  • Foramen ovale

  • Canal artériel

Normalement, ces deux structures se ferment peu de temps après la naissance.

Anomalies périnatales

Des modifications profondes de ce système se produisent après les premières inspirations, ce qui aboutit à

  • Une augmentation du débit sanguin pulmonaire

  • La fermeture fonctionnelle du foramen ovale

Les résistances artériolaires pulmonaires baissent rapidement, du fait de la vasodilatation liée à l'expansion pulmonaire, de l'augmentation de la PaO2, et de la diminution de la PaCO2. Les forces élastiques des côtes et de la paroi thoracique réduisent la pression pulmonaire interstitielle, augmentant par la suite le flux sanguin dans les capillaires pulmonaires. L'augmentation du retour veineux pulmonaire élève la pression auriculaire gauche, réduisant ainsi la différence de pression entre les oreillettes gauche et droite; cette situation contribue à la fermeture fonctionnelle du foramen ovale.

À mesure que le flux sanguin pulmonaire s'établit, le retour veineux pulmonaire augmente, élevant la pression auriculaire gauche. L'inspiration d'air augmente la PaO2, facteur qui déclenche la vasoconstriction des artères ombilicales. Le flux sanguin placentaire est diminué ou s'arrête et réduit le retour sanguin vers l'oreillette droite. Ainsi, la pression auriculaire droite diminue tandis qu'augmente la pression auriculaire gauche; en conséquence, les 2 composantes fœtales du septum interauriculaire (septum primum et septum secundum) sont repoussées ensemble, arrêtant l'écoulement à travers le foramen ovale. Chez la plupart des sujets, les 2 septa finissent par fusionner et le foramen ovale disparaît. Cependant, chez 25% des adultes, le foramen ovale peut rester perméable avec peu ou pas de shunt résiduel (1).

Peu de temps après la naissance, les résistances systémiques s'élèvent au-delà des résistances pulmonaires, inversant l'hémodynamique fœtale. C'est pourquoi la direction du flux sanguin dans le canal artériel s'inverse, créant un shunt gauche-droit (appelé circulation transitoire). Cet état dure quelques instants après la naissance (lorsque le flux sanguin pulmonaire et la fermeture fonctionnelle du foramen ovale se produisent) jusqu'à 24 à 72 heures, période où le canal artériel se contracte. Le sang entrant dans le canal et ses vasa vasorum à partir de l'aorte a une PO2, élevée, laquelle, en même temps que des modifications du métabolisme des prostaglandines, aboutit à la constriction et à la fermeture du canal artériel. Une fois le canal artériel fermé, la circulation de type adulte est en place. Les 2 ventricules fonctionnent maintenant en série et il n'y a pas de shunt majeur entre les circulations pulmonaire et systémique.

Au cours des jours suivant la naissance, un nouveau-né stressé peut revenir à une circulation de type fœtal. L'asphyxie avec hypoxie et hypercapnie entraîne la constriction des artérioles pulmonaires et la dilatation du canal artériel, inversant le processus décrit précédemment et créant un shunt droit-gauche par le canal artériel et/ou le foramen ovale à nouveau ouvert. Par conséquent, le nouveau-né devient sévèrement hypoxémique, un état appelé hypertension artérielle pulmonaire persistante ou persistance de la circulation fœtale (bien qu'il n'existe pas de circulation ombilicale). L'objectif du traitement est de bloquer les mécanismes qui ont induit la vasoconstriction pulmonaire.

Référence pour la circulation fœtale normale

  1. 1. Koutroulou I, Tsivgoulis G, Tsalikakis D, et al: Epidemiology of Patent Foramen Ovale in General Population and in Stroke Patients: A Narrative Review. Front Neurol 11:281, 2020. Publié le 28 avril 2020. doi:10.3389/fneur.2020.00281

Physiopathologie des anomalies cardiaques congénitales

Les anomalies cardiologiques congénitales sont classées (voir tableau Classification des anomalies cardiaques congénitales) comme

  • Cyanosantes

  • Non cyanosantes (shunt gauche-droit ou lésions obstructives)

Les conséquences physiologiques des anomalies cardiaques congénitales sont très variables, allant d'un souffle cardiaque ou à des différences entre les pouls chez l'enfant asymptomatique à une cyanose sévère, à une insuffisance cardiaque ou à un collapsus circulatoire.

Cardiopathies cyanogènes

  • Des quantités variables de sang veineux peu oxygéné sont dérivées vers le cœur gauche (shunt droit-gauche), ce qui diminue la saturation artérielle systémique en oxygène.

Si l'hémoglobine désoxygénée est > 5 g/dL (> 50 g/L), une cyanose apparaît. Les complications de la cyanose chronique associent polyglobulie, hippocratisme digital, accidents thrombo-emboliques (dont accident vasculaire cérébral), troubles hémorragiques, abcès cérébral, hyperuricémie. Des crises hypercyanotiques peuvent se produire chez les nourrissons qui ont une tétralogie de Fallot non opérée ou d'autres malformations congénitales complexes avec une sténose infra-pulmonaire dynamique et une communication interventriculaire.

Selon les modalités de l'anomalie, le débit sanguin pulmonaire peut être réduit, normal ou augmenté (ce qui entraîne souvent une insuffisance cardiaque avec une cyanose de gravité variable). Les souffles cardiaques audibles sont très variables et non spécifiques.

Shunts gauche-droit

  • Le sang oxygéné du cœur gauche (oreillette ou ventricule gauche) ou de l'aorte parvient au cœur droit (oreillette ou ventricule droit) ou à l'artère pulmonaire par une communication entre les 2 côtés.

Immédiatement après la naissance, la résistance vasculaire pulmonaire est élevée et l'écoulement à travers cette communication peut être minime ou bidirectionnel. Dans les 24 à 48 premières heures de vie, cependant, la résistance vasculaire pulmonaire chute progressivement, au point que le sang s'écoulera de plus en plus de gauche à droite. Le supplément d'apport de sang aux cavités droites augmente, à des degrés variables, le flux sanguin pulmonaire et la pression artérielle pulmonaire. Plus l’augmentation est importante, plus les symptômes sont graves; un petit shunt gauche-droit est généralement asymptomatique et ne provoque généralement pas de signes.

Les shunts à haute pression (au niveau des ventricules ou des gros vaisseaux) provoquent des symptômes plusieurs jours ou quelques semaines après la naissance; les shunts à basse pression (communication inter-auriculaire) ne se manifestent que beaucoup plus tard. Si aucun traitement n'est proposé, l'élévation de la pression de l'artère pulmonaire et du débit sanguin peut conduire à une maladie vasculaire pulmonaire et finalement au syndrome d'Eisenmenger. Des shunts gauche-droite importants (p. ex., grande communication interventriculaire, persistance du canal artériel) peuvent provoquer un excès du flux sanguin pulmonaire, une surcharge volumique qui peuvent conduire à des signes d'insuffisance cardiaque, et pendant la petite enfance se traduisent souvent par un retard de croissance. Un grand shunt de gauche à droite entraîne également une diminution de la compliance pulmonaire et une résistance accrue des voies respiratoires. Ces facteurs augmentent le risque d'hospitalisation chez les nourrissons infectés par le virus respiratoire syncytial ou d'autres infections des voies respiratoires supérieures ou inférieures.

Lésions obstructives

  • Le flux sanguin est obstrué, ce qui provoque un gradient de pression de part et d'autre de l'obstruction.

L'augmentation consécutive de la pression en amont de l'obstruction peut entraîner une hypertrophie ventriculaire et une insuffisance cardiaque. La manifestation la plus évidente est un souffle cardiaque, qui résulte des turbulences du flux artériel passant à travers la zone sténosée. Des exemples sont fournis par le rétrécissement aortique congénital, qui représente 3 à 6% des anomalies cardiaques congénitales et par le rétrécissement pulmonaire congénital, qui représente 8 à 12% (1, 2).

Insuffisance cardiaque

Certaines cardiopathies congénitales (p. ex., bicuspidie aortique, rétrécissement aortique léger) ne modifient pas l'hémodynamique de manière significative. D'autres anomalies entraînent une surcharge pressionnelle ou volémique, pouvant parfois aboutir à l'insuffisance cardiaque. L'insuffisance cardiaque se produit lorsque le débit cardiaque ne suffit pas à satisfaire les besoins métaboliques de l'organisme ou lorsque le cœur n'est pas en mesure de faire face au retour veineux, ce qui entraîne une congestion pulmonaire (en cas d'insuffisance ventriculaire gauche), et/ou un œdème prédominant au niveau des tissus drainés et des viscères abdominaux (en cas d'insuffisance ventriculaire droite). L'insuffisance cardiaque chez les nourrissons et les enfants a plusieurs autres causes que les pathologies cardiaques congénitales (voir tableau Causes fréquentes d'insuffisance cardiaque chez l'enfant).

Tableau

Cardiopathies congénitales dépendant du canal artériel

Le canal artériel est une connexion normale entre l’artère pulmonaire et l’aorte; il est nécessaire à la circulation fœtale. À la naissance, l'augmentation de la PaO2 et la diminution de la concentration des prostaglandines entraînent la fermeture du canal artériel, en règle générale dans les 10 à 15 premières heures de vie.

Certains troubles cardiaques congénitaux dépendent d'un canal artériel qui reste ouvert pour maintenir le flux sanguin systémique (p. ex., syndrome d'hypoplasie du cœur gauche, rétrécissement aortique serré, coarctation de l'aorte) ou pour le débit sanguin pulmonaire (atrésie pulmonaire ou une tétralogie de Fallot grave). Garder le canal artériel ouvert avec une perfusion exogène de prostaglandines est donc essentiel dans ces troubles avant une réparation définitive (généralement une intervention chirurgicale).

Référence pour la physiopathologie

  1. 1. Daubeney PEF, Rigby ML, Niwa K, Gatzoulis MA (eds): Pediatric Heart Disease: A Practical Guide. Wiley-Blackwell 2012.

  2. 2. Hoffman JI, Kaplan S: The incidence of congenital heart disease. J Am Coll Cardiol 39(12):1890-1900, 2002. doi:10.1016/s0735-1097(02)01886-7

Symptomatologie des maladies cardiaques congénitales

La symptomatologie des cardiopathies congénitales est variable, mais elle comprend le plus souvent

  • Souffles

  • Cyanose

  • Insuffisance cardiaque

  • Impulsions diminuées ou non palpables

D'autres anomalies de l'examen clinique peuvent comprendre un choc circulatoire, une mauvaise perfusion, un 2e bruit cardiaque anormal (un B2 unique ou largement dédoublé), un clic systolique, un galop, ou un rythme cardiaque anormalement lent, rapide ou irrégulier.

Souffles

La plupart des shunts gauche-droite ainsi que les lésions obstructives génèrent des souffles systoliques. Les souffles et les frémissements systoliques sont maximums en surface à proximité du territoire où ils prennent naissance, ce qui rend cette topographie très utile pour le diagnostic. L'augmentation du flux sanguin à travers les valvules pulmonaires ou aortiques produit un souffle crescendo-decrescendo mésosystolique (éjection systolique). La régurgitation du flux à travers une valvule auriculoventriculaire ou une communication interventriculaire entraîne un souffle holosystolique (pansystolique), qui masque le premier bruit du cœur (B1) à mesure que son intensité augmente.

La persistance du canal artériel entraîne typiquement un souffle continu non interrompu par le 2e bruit cardiaque (B2), car le sang circule dans le canal artériel pendant la systole et pendant la diastole. Ce souffle est 2-tonique, avec un son plus prononcé pendant la systole (parce qu'il est produit par une pression supérieure) que pendant la diastole.

Cyanose

La cyanose centrale est caractérisée par une anomalie de coloration bleuâtre des lèvres et de la langue et/ou des lits de l'ongle; elle se produit en cas d'augmentation de l'hémoglobine désoxygénée (au moins 5 g/dL [50 g/L]) et nécessite un taux d'oxygène bas (généralement une saturation en oxygène < 85%). La cyanose péribuccale et l'acrocyanose (cyanose des mains et des pieds), sans cyanose des lèvres ou du lit de l'ongle est causée par une vasoconstriction périphérique plutôt que par une hypoxémie et est une constatation normale fréquente chez les nouveau-nés. Les enfants plus âgés ayant une cyanose de longue date développent souvent un hippocratisme digital.

Insuffisance cardiaque

Chez le nourrisson, les signes d'insuffisance cardiaque sont les suivants

  • Tachycardie

  • Tachypnée

  • Dyspnée lors de l'alimentation

  • Diaphorèse, surtout au moment de la prise alimentaire

  • Agitation, irritabilité

  • Hépatomégalie

  • Retard de croissance

La dyspnée survenant pendant la prise du biberon entraîne une alimentation inadéquate et un déficit de croissance, qui peut être aggravé par l'augmentation des besoins métaboliques dans l'insuffisance cardiaque et par de fréquentes infections des voies respiratoires. A l'inverse de l'adulte et du grand enfant, la plupart des nourrissons n'ont pas de turgescence des jugulaires, ni d'œdème déclive, bien qu'ils puissent présenter parfois un œdème de la région périorbitaire. L'hépatomégalie est une caractéristique particulièrement importante de l'insuffisance cardiaque chez le nourrisson en raison de la distensibilité de la capsule hépatique à cet âge. Les signes chez l'enfant plus âgé qui a une insuffisance cardiaque sont semblables à ceux des adultes.

Autres manifestations des défauts cardiaques

Chez le nouveau-né, un choc cardiogénique peut être la première manifestation de certaines anomalies (p. ex., syndrome d’hypoplasie du cœur gauche, rétrécissement aortique serré, interruption de la crosse de l'aorte, coarctation aortique). Les nouveau-nés semblent extrêmement malades avec des muqueuses pâles ou cyanosées, des extrémités froides, des pouls diminués, une hypotension artérielle et une réponse réduite aux stimuli.

La douleur thoracique chez les enfants est généralement d'origine non cardiaque. Chez les nourrissons, la douleur thoracique peut se manifester par une irritabilité inexpliquée marquée, en particulier pendant ou après les repas, et peut être causée par une anomalie de l'origine de l'artère coronaire gauche à partir de l'artère pulmonaire. Chez l'enfant plus âgé et l'adolescent, la douleur thoracique d'étiologie cardiaque est habituellement associée à l'effort et peut être provoquée par une anomalie coronaire, pericarditis, une myocardite, une cardiomyopathie hypertrophique ou une sténose aortique sévère.

Une syncope, généralement sans avertissement et souvent en association avec un effort, peut se produire dans le cas de certaines anomalies, notamment une cardiomyopathie (hypertrophique ou dilatée), l'origine anormale d'une artère coronaire ou des syndromes d'arythmie héréditaires (p. ex., syndrome du QT long, tachycardie ventriculaire catécholaminergique polymorphe, syndrome de Brugada). Les athlètes d'âge scolaire sont les plus fréquemment touchés.

Diagnostic des maladies cardiaques congénitales

  • Dépistage par oxymétrie pulsée

  • Examen clinique cardiaque

  • Rx thorax et ECG

  • Échocardiographie

  • Parfois, IRM cardiaque ou angio-TDM, cathétérisme cardiaque avec angiocardiographie

Si présents, des souffles cardiaques, une cyanose, des pouls anormaux, ou des manifestations d'insuffisance cardiaque suggèrent une cardiopathie congénitale. Chez le nouveau-né présentant ces signes, une échocardiographie est effectuée pour confirmer le diagnostic de cardiopathie congénitale. Si la seule anomalie est une cyanose, une méthémoglobinémie doit également être exclue.

Bien que l'échocardiographie soit généralement diagnostique, dans certains cas, l'IRM ou l'angio-TDM cardiaque peuvent mettre en évidence des détails anatomiques importants. Un cathétérisme cardiaque et une angiocardiographie peuvent se révéler nécessaires pour confirmer le diagnostic ou évaluer la gravité de l’anomalie avant l’intervention; cependant, il n'est généralement effectué qu'en vue d'un traitement.

Dépistage néonatal des cardiopathies congénitales

Les manifestations des cardiopathies congénitales peuvent être subtiles ou absentes chez les nouveau-nés et l'échec ou le retard de la détection des maladies congénitales critiques, en particulier chez les 10 à 15% de nouveau-nés qui ont besoin d'un traitement chirurgical ou médical en hospitalisation au cours des premières heures ou jours de vie, peut induire une mortalité ou une morbidité néonatale importante. Ainsi, le dépistage universel des maladies cardiaques congénitales critiques par oxymétrie de pouls est recommandé chez tous les nouveau-nés avant leur sortie de l'hôpital (1). Le dépistage est effectué lorsque les nourrissons ont ≥ 24 heures de vie et il est considéré comme positif si ≥ 1 des pathologies suivantes est présente:

  • Toute mesure de la saturation en oxygène est < 90%.

  • Les mesures de saturation en oxygène à la main droite et au pied sont < 95% à 3 mesures distinctes à 1 heure d'intervalle.

  • Il y a > 3% de différence absolue entre la saturation en oxygène au niveau de la main droite (preductale) et le pied (postductale) à 3 mesures distinctes à 1 heure d'intervalle.

Tous les nouveau-nés positifs au dépistage doivent subir une évaluation complète des cardiopathies congénitales et d'autres causes d'hypoxémie (p. ex., divers troubles respiratoires, dépression du système nerveux central, sepsis), sont généralement une rx thorax, un ECG, une échocardiographie, et souvent des examens sanguins. La sensibilité du dépistage par oxymétrie pulsée est légèrement > 75%; les cardiopathies congénitales les plus souvent manquées sont des lésions obstructives cardiaques gauches (p. ex., une coarctation de l'aorte).

Référence pour le dépistage des nouveaux-nés

  1. 1. Martin GR, Ewer AK, Gaviglio A, et al: Updated Strategies for Pulse Oximetry Screening for Critical Congenital Heart Disease. Pediatrics 146(1):e20191650, 2020. doi:10.1542/peds.2019-1650

Traitement des maladies cardiaques congénitales

  • Stabilisation médicale de l'insuffisance cardiaque (p. ex., avec des diurétiques, des inhibiteurs de l'ECA, des bêta-bloqueurs, de la digoxine, de la spironolactone, une restriction en sel et, dans certains cas, une supplémentation en oxygène ou de la prostaglandine E1)

  • Réparation chirurgicale ou intervention par transcathéter

Le traitement de l'insuffisance cardiaque varie considérablement en fonction de l'étiologie. Le traitement définitif nécessite généralement la correction du problème sous-jacent.

Après stabilisation médicale des symptômes aigus de l’insuffisance cardiaque ou de la cyanose, la majorité des enfants nécessite une réparation chirurgicale ou interventionnelle (percutanée par transcathéter); les exceptions sont certaines communications interventriculaires susceptibles de se réduire ou de se fermer avec le temps ou les dysfonctionnements valvulaires légers. Les procédures transcathéter comprennent

Insuffisance cardiaque chez le nouveau-né

Une insuffisance cardiaque aiguë ou une cyanose sévères de la première semaine de vie sont une urgence médicale. Une voie vasculaire de bonne qualité doit être mise en place, de préférence par un cathéter veineux ombilical.

Lorsqu'une cardiopathie congénitale critique est suspectée ou confirmée, une perfusion IV de prostaglandine E1 doit être débutée à la dose de 0,05 à 0,1 mcg/kg/min. Garder le canal artériel ouvert est important parce que la plupart des lésions cardiaques qui se manifestent à cet âge sont dépendantes du canal artériel pour la circulation sanguine systémique (p. ex., syndrome d'hypoplasie du cœur gauche, rétrécissement aortique serré, coarctation de l'aorte) ou pour le débit sanguin pulmonaire (lésions cyanosantes telles qu'une atrésie pulmonaire très serrée ou une tétralogie de Fallot grave).

La ventilation artificielle est souvent nécessaire chez le nouveau-né en phase critique. L'oxygène supplémentaire doit être administré judicieusement ou même arrêté parce que l'oxygène supplémentaire peut diminuer la résistance de la vascularisation pulmonaire, ce qui est nocif pour les nourrissons qui présentent certaines anomalies (p. ex., un syndrome d'hypoplasie du cœur gauche).

En cas d'insuffisance cardiaque néonatale, d'autres traitements comprennent des diurétiques, des médicaments inotropes et des médicaments réduisant la post-charge. Le diurétique furosémide est administré sous forme de bolus à la dose initiale de 1 mg/kg IV et titré en fonction de la diurèse. Les perfusions de dopamine ou de dobutamine, des inotropes, peuvent maintenir la pression artérielle mais présentent l'inconvénient d'augmenter le débit et la post-charge cardiaque, augmentant ainsi la consommation d'oxygène. Elles sont rarement utilisées chez les nourrissons atteints de cardiopathie congénitale. La milrinone, fréquemment utilisée chez les patients post-opératoires qui ont une cardiopathie congénitale, est à la fois un inotrope positif et un vasodilatateur. La dopamine, la dobutamine et la milrinone peuvent toutes trois augmenter le risque d'arythmies. Le nitroprussiate, un vasodilatateur pur, est souvent utilisé pour l'hypertension post-opératoire. Le nitroprussiate est débuté à 0,3 à 0,5 mcg/kg/min et titré pour obtenir l'effet escompté (la dose d'entretien habituelle est d'environ 3 mcg/kg/min).

Insuffisance cardiaque chez les nourrissons plus âgés et les enfants

Ces traitements comprennent souvent un diurétique (p. ex., furosémide 0,5 à 1 mg/kg IV ou 1 à 3 mg/kg par voie orale toutes les 8 à 24 heures, progressivement augmenté selon les besoins), un inhibiteur de l’ECA (p. ex., captopril 0,1 à 0,3 mg/kg par voie orale 3 fois/jour). Un diurétique d'épargne potassique (p. ex., spironolactone 1 mg/kg par voie orale 1 ou 2 fois/jour, titré jusqu'à 2 mg/kg/dose si nécessaire) peut être utile, en particulier si une forte dose de furosémide est nécessaire. Des bêta-bloqueurs (p. ex., carvédilol, métoprolol) sont souvent ajoutés chez l'enfant souffrant d'insuffisance cardiaque congestive chronique. Les nouveaux médicaments utilisés chez l'adulte pour l'insuffisance cardiaque, tels que le sacubitril/valsartan et les inhibiteurs du sodium-glucose cotransporteur-2 (SGLT-2), peuvent être utiles, mais les données sont limitées en ce qui concerne la population pédiatrique (1).

La digoxine est utilisée moins souvent que par le passé, mais peut encore avoir un rôle chez les enfants souffrant d'insuffisance cardiaque qui ont de grandes shunts gauche-droite, chez certains patients qui ont des cardiopathies congénitales post-opératoires (la dose varie selon l'âge; voir tableau Dosage de la digoxine orale chez l'enfant). Il a notamment été démontré que la digoxine réduisait la mortalité chez les patients présentant un seul ventricule après une procédure de Norwood et avant la seconde étape de la chirurgie (2). L’utilisation de la digoxine en première ligne dans le traitement de la tachycardie néonatale supraventriculaire a diminué car elle entraîne une mortalité plus élevée que le traitement par le propranolol (3). Cependant, si un syndrome de Wolff-Parkinson-White n'est pas présent, il peut être utile comme agent primaire si le propranolol est inefficace ou comme second agent associé au propranolol ou à d'autres médicaments antiarythmiques.

Tableau

La supplémentation en oxygène peut diminuer l'hypoxémie et soulager la détresse respiratoire de l'insuffisance cardiaque; lorsque cela est possible, oxygène inspiré fractionné (FiO2) doit être conservé < 40% afin de minimiser le risque d'altération de l'épithélium pulmonaire. La supplémentation en oxygène doit être utilisée avec prudence, voire pas du tout, en cas de lésions de shunt de gauche à droite ou de maladie cardiaque obstructive gauche, car elle peut aggraver l'excès de circulation pulmonaire.

En général, une alimentation saine, comprenant une restriction du sel, est recommandé, bien que des modifications alimentaires puissent être nécessaires en fonction de la maladie et des manifestations spécifiques. L'insuffisance cardiaque augmente les exigences métaboliques et la dyspnée associée rend l'alimentation plus difficile. Chez les nourrissons qui ont une maladie cardiaque congénitale critique, en particulier ceux qui ont des lésions obstructives du cœur gauche, les tétées peuvent être suspendues pour minimiser le risque d'entérocolite nécrosante. Chez le nourrisson présentant une insuffisance cardiaque due à des lésions de type shunt gauche-droite, une nourriture plus riche en calories est recommandée; ces aliments augmentent l'apport en calories avec moins de risque de surcharge volémique. Certains enfants doivent être nourris par sonde afin de maintenir une croissance normale. Si ces mesures n'entraînent pas de prise de poids, la cure chirurgicale de l'anomalie est nécessaire.

Prophylaxie de l'endocardite

Les lignes directrices de l'American Heart Association pour la prévention de l'endocardite (4) disent que l'antibioprophylaxie est nécessaire chez l'enfant atteint de cardiopathies congénitales qui ont des:

  • Cardiopathies congénitales cyanogènes non réparées (dont les enfants présentant des shunts et des conduits palliatifs)

  • Cardiopathies congénitales complètement réparées au cours des 6 premiers mois après la chirurgie si un matériel prothétique ou un dispositif a été utilisé

  • Cardiopathies congénitales réparées avec défauts résiduels au niveau ou à proximité du site d'un patch prothétique ou d'une prothèse

  • Valvule mécanique ou bioprothétique

  • Antécédents d'endocardite

Références pour le traitement

  1. 1. Loss KL, Shaddy RE, Kantor PF: Recent and Upcoming Drug Therapies for Pediatric Heart Failure. Front Pediatr 9:681224, 2021. Publié le 11 novembre 2021. doi:10.3389/fped.2021.681224

  2. 2.  Oster ME, Kelleman M, McCracken C, et al: Association of digoxin with interstage mortality: Results from the Pediatric Heart Network Single Ventricle Reconstruction Trial Public Use Dataset. J Am Heart Assoc 5(1): e002566., 2016.

  3. 3. Bolin EH, Lang SM, Tang X, et al: Propranolol versus digoxin in the neonate for supraventricular tachycardia (from the Pediatric Health Information System). Am J Cardiol 119(10): 1605–1610, 2017.

  4. 4. Baltimore RS, Gewitz M, Baddour LM, et al: Infective Endocarditis in Childhood: 2015 Update: A Scientific Statement From the American Heart Association. Circulation 132(15):1487–1515, 2015. doi:10.1161/CIR.0000000000000298

Plus d'information

Les sources d'information suivantes en anglais peuvent être utiles. S'il vous plaît, notez que LE MANUEL n'est pas responsable du contenu de ces ressources.

  1. American Heart Association: Common Heart Defects: donne un aperçu des malformations cardiaques congénitales fréquentes destiné aux parents et aux soignants

  2. American Heart Association: Infective Endocarditis: fournit une revue de l'endocardite infectieuse, dont un résumé sur l'utilisation des antibiotiques prophylactiques, destiné aux patients et les soignants

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