Phéochromocytome

ParAshley B. Grossman, MD, University of Oxford; Fellow, Green-Templeton College
Vérifié/Révisé mai 2022
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Le phéochromocytome est une tumeur surrénalienne développée aux dépens des cellules chromaffines et qui sécrète des catécholamines. Il provoque une HTA persistante ou paroxystique. Le diagnostic repose sur le dosage plasmatique ou urinaire des dérivés méthoxylés des catécholamines. Les examens d'imagerie, notamment la TDM ou l'IRM, permettent de localiser les tumeurs. Le traitement repose sur la chirurgie, lorsque la tumeur est résécable. Le traitement médicamenteux de l'hypertension repose sur un alpha-blocage, habituellement associé à un bêta-blocage.

(Voir aussi Revue générale de la fonction surrénalienne.)

Les catécholamines sécrétées comportent la noradrénaline, l'adrénaline, la dopamine, et la dopa en proportions variables.

La plupart des phéochromocytomes sont situés dans la

Les phéochromocytomes peuvent également être localisés dans d'autres tissus dérivés des cellules de la crête neurale. Les autres localisations sont:

  • Les paraganglions de la chaîne sympathique

  • Le long de l'aorte dans le rétropéritoine

  • Dans le glomus carotidien

  • Au niveau de l'organe de Zuckerkandl (à la bifurcation aortique)

  • Système génito-urinaire

  • Le cerveau

  • Le sac péricardique

  • Des kystes dermoïdes

Les phéochromocytomes médullosurrénaliens sont observés chez l'homme et la femme, ils sont bilatéraux dans 10% des cas (20% chez l'enfant) et malins dans < 10% des cas. Parmi les tumeurs extra-surrénaliennes, connues sous le nom de paragangliomes, 30% sont malignes. Bien que les phéochromocytomes soient observés à tout âge, le pic d'incidence se situe entre 20 et 50 ans. Près de 50% des cas sont supposés provoqués par des mutations génétiques germinales.

Les phéochromocytomes sont de taille variable, ils mesurent en moyenne 5 à 6 cm de diamètre. Leur poids varie de 50 à 200 g, mais des tumeurs pesant plusieurs kilos ont été décrites. Ils sont rarement suffisamment volumineux pour pouvoir être palpé ou occasionner une compression ou une obstruction. Quel que soit l'aspect histologique, la tumeur est considérée bénigne si elle n'a pas envahi la capsule et qu'aucune métastase n'a été trouvée, mais il existe des exceptions. En général, les tumeurs plus grandes sont plus souvent malignes.

Les phéochromocytomes peuvent s'inscrire dans le cadre d'un syndrome de néoplasie endocrinienne multiple familial (NEM), de type 2A ou 2B; dans ce cas, d'autres tumeurs endocrines (adénomes parathyroïdiens ou cancer médullaire thyroïdien) peuvent coexister ou apparaître secondairement. Un phéochromocytome peut survenir chez 1% des patients atteints de neurofibromatose et peut être associé à des hémangiomes ou un carcinome à cellules rénales dans la maladie de von Hippel-Lindau. Les phéochromocytomes familiaux et les tumeurs du glomus carotidien peuvent être dus à des mutations des gènes codant pour l'enzyme succinate déshydrogénase ou d'autres molécules de signalisation.

Symptomatologie du phéochromocytome

L'HTA, qui est paroxystique chez 45% des patients, est le signe principal. Environ 1/1000 des personnes hypertendues présente un phéochromocytome. La symptomatologie fréquente consiste en

  • Tachycardie

  • Transpiration

  • Hypotension orthostatique

  • Tachypnée

  • Peau froide et moite

  • Céphalées sévères

  • Angor

  • Palpitations

  • Nausées et vomissements

  • Douleurs épigastriques

  • Troubles visuels

  • Dyspnée

  • Paresthésies

  • Constipation

  • Un sentiment de catastrophe imminente

Des crises paroxystiques peuvent être déclenchées par la palpation de la tumeur, par les changements de position, une compression ou un massage abdominal, l'induction d'une anesthésie, un choc émotionnel, une prescription de bêta-bloqueur (qui paradoxalement augmente la pression artérielle en bloquant la vasodilatation médiée par les récepteurs bêta) et rarement, une miction (si la tumeur est dans la vessie). Chez le patient âgé, une perte de poids sévère avec HTA persistante est évocatrice d'un phéochromocytome.

À l'exception d'une HTA, l'examen clinique est habituellement normal, à moins d'être réalisé au cours d'une crise paroxystique. Une rétinopathie et une cardiomégalie sont moins souvent observées que ce qu'on pourrait attendre compte tenu de l'HTA, mais une cardiomyopathie adrénergique est possible. Cependant, les événements cardiaques et cérébrovasculaires sont plus fréquents chez les patients qui ont des phéochromocytomes que chez les patients qui ont des pressions artérielles similaires.

Diagnostic du phéochromocytome

  • Métanéphrines et normétanéphrines plasmatiques ou urinaires

  • Imagerie du thorax et de l'abdomen (TDM ou IRM) en cas d'élévation des dérivés méthoxylés des catécholamines

  • Éventuellement imagerie nucléaire par I-123 MIBG (métaiodobenzylguanidine) ou PET au Gallium-68 dotatate

Un phéochromocytome est suspecté devant des symptômes typiques ou en cas d'HTA soudaine, sévère ou intermittente et inexpliquée. Le diagnostic est confirmé par l'élévation des dérivés méthoxylés des catécholamines dans le sérum ou dans les urines.

Analyses de sang

Les métanéphrines plasmatiques libres ont une sensibilité allant jusqu'à 99%, la métanéphrine ou plus fréquemment la normétanéphrine étant élevée. Ce dosage a une sensibilité supérieure aux dosages d'adrénaline et de noradrénaline circulantes parce que les métanéphrines plasmatiques sont élevées en permanence contrairement à l'adrénaline et la noradrénaline, qui sont sécrétées par intermittence. Une noradrénaline plasmatique élevée rend le diagnostic très probable. La 3-méthoxytyramine plasmatique est un métabolite de la dopamine et indique une tumeur plus agressive.

Analyses d'urine

Les taux urinaires de métanéphrine et de normétanéphrine sont légèrement moins spécifiques du phéochromocytome que la métanéphrine plasmatique libre, mais l'élévation de l'un ou l'autre des métabolites a une sensibilité d'environ 95%. Deux ou 3 résultats normaux rendent le diagnostic peu probable. Les dosages de la noradrénaline et de l'adrénaline urinaires sont moins précises.

Les principaux métabolites urinaires de l'adrénaline et de la noradrénaline sont des métanéphrines (métanéphrine et normétanéphrine), l'acide vanilmandélique (VMA) et l'acide homovanillique (HVA). Les personnes saines n'excrètent que de très faibles quantités de ces produits. Les valeurs normales pour 24 heures sont les suivantes:

  • Adrénaline et noradrénaline libres < 100 mcg (< 582 nmol)

  • Métanéphrine totale < 1,3 mg (< 7,1 micromoles), mais la métanéphrine et la normétanéphrine fractionnées sont préférables

  • VMA < 10 mg (< 50 micromoles), qui est à présent rarement utilisé

  • HVA < 15 mg (< 82,4 micromoles); est principalement utilisé pour détecter le neuroblastome chez l'enfant

Dans le phéochromocytome et le neuroblastome, l'excrétion urinaire d'adrénaline, de noradrénaline et de leurs métabolites est augmentée par intermittence. Une excrétion élevée de ces composés peut également se produire dans les cas suivants

  • Autres troubles (p. ex., neuroblastome, coma, déshydratation, apnée du sommeil)

  • Stress extrême

  • Patients traités par des alcaloïdes de RauWolfia, la méthyldopa, des inhibiteurs de la monoamine oxydase ou des catécholamines

  • Ingestion d'aliments contenant de grandes quantités d'acide vanilmandélique (VMA)

Autres examens

La diminution du volume sanguin peut faussement augmenter l'hémoglobine et l'hématocrite. Une hyperglycémie, une glycosurie ou un réel diabète sont possibles, associés à une augmentation des concentrations d'acides gras libres à jeun et de glycérol plasmatique. L'insulinémie est anormalement basse en regard de la glycémie. En post-opératoire d'un phéochromocytome, une hypoglycémie peut survenir, en particulier chez les patients traités par des hypoglycémiants oraux.

Les tests de provocation par l'histamine ou la tyramine sont dangereux et ne doivent pas être utilisés. Une injection IV rapide de glucagon 0,5 à 1 mg occasionne une élévation de la pression artérielle de > 35/25 mmHg en 2 min chez des patients normotendus porteurs d'un phéochromocytome, mais ce test n'est en général pas nécessaire. Le mésylate de phentolamine permet de traiter une crise hypertensive.

Pièges à éviter

  • Les tests de provocation par l'histamine, le glucagon ou la tyramine sont dangereux et ne doivent pas être effectués.

Un test de suppression qui utilise la clonidine orale ou le pentolinium IV peut être effectué en cas d'élévation des catécholamines plasmatiques, mais est rarement nécessaire.

Les examens d'imagerie pour localiser les tumeurs sont généralement effectués en cas de résultats de dépistage anormaux. Ces examens doivent comprendre une TDM et une IRM du thorax et de l'abdomen avec et sans injection de produit de contraste. L'utilisation d'un produit de contraste isotonique ne nécessite pas l'utilisation d'un blocage adrénergique. Le PET scan au fluorodésoxyglucose (FDG) a également été utilisé avec succès, en particulier chez les patients présentant des mutations de l'enzyme succinate déshydrogénase, mais le PET scan au Gallium-68-dotatate est plus utile.

Au cours du cathétérisme de la veine cave, des mesures répétées des concentrations plasmatiques des catécholamines par cathétérisme de la veine cave avec prélèvements à différents niveaux, dont les veines surrénales, peut permettre de localiser la tumeur: on observera une augmentation du taux de noradrénaline dans une veine drainant la tumeur. Le rapport noradrénaline:adrénaline dans la veine surrénale permet de dépister de petites lésions surrénaliennes, mais la détermination de ce rapport est désormais rarement nécessaire.

Les techniques d'imagerie fonctionnelle utilisant des radiopharmaceutiques permettent également de localiser les phéochromocytomes. L'imagerie par radionucléides progresse rapidement et de plus en plus le MIBG I-123 est remplacé par la PET scan au Gallium-68 dotatate.

Il est important de rechercher des symptômes évocateurs d'un syndrome de prédisposition génétique (p. ex., taches café-au-lait dans la neurofibromatose). Une NEM est recherchée par le dosage de la calcitonine sérique et d'autres examens orientés par l'examen clinique. La plupart des centres effectuent systématiquement des tests génétiques, en particulier quand le phéochromocytome touche les paraganglions sympathiques et chez les patients jeunes, mais probablement tous les patients qui ont un phéochromocytome doivent subir des tests génétiques.

Traitement du phéochromocytome

  • Le contrôle de l'HTA repose sur l'association d'alpha- puis de bêta-bloqueurs

  • L'ablation chirurgicale de la tumeur avec un contrôle périopératoire étroit de la pression artérielle et de l'état du volume

Le traitement de choix est la chirurgie. La chirurgie est habituellement faite une fois l'HTA contrôlée par une association d'alpha- et de bêta-bloqueurs (habituellement phénoxybenzamine 20 à 40 mg par voie orale 3 fois/jour et propranolol 20 à 40 mg par voie orale 3 fois/jour). L'objectif de pression artérielle est < 130/80 mmHg; certains suggèrent que l'objectif doit également comprendre une certaine baisse de pression artérielle posturale, mais cela n'est pas essentiel. Le rééquilibrage du système cardiovasculaire nécessite environ 10 à 14 jours, après quoi le blocage est supposé être efficace. Les bêta-bloqueurs ne doivent pas être utilisés avant un blocage des récepteurs alpha. Certains alpha-bloqueurs, comme la doxazosine, sont tout aussi efficaces et mieux tolérés. Le nitroprussiate peut être administré en perfusion en cas de crise hypertensive en pré-opératoire ou peropératoire.

Pièges à éviter

  • Administrer des alpha-bloqueurs avant les bêta-bloqueurs. Le bêta-2-blocage sans opposition peut provoquer une augmentation paradoxale de la pression artérielle en bloquant la vasodilatation médiée par les récepteurs bêta.

Lorsque qu'il existe des lésions surrénaliennes bilatérales (chez un patient présentant une NEM), de l'hydrocortisone (100 mg IV 2 fois/jour) doit être administrée avant et pendant la chirurgie afin d'éviter une insuffisance surrénalienne aiguë secondaire à la surrénalectomie bilatérale.

La plupart des phéochromocytomes sont opérés par voie laparoscopique. La pression artérielle doit être continuellement surveillée par un cathéter intra-artériel, de même que la volémie. L'anesthésie doit être induite par un agent non arythmogène (p. ex., un thiobarbiturate) et poursuivie avec un médicament inhalé (p. ex., enflurane, isoflurane). Au cours de l'intervention, les crises aiguës hypertensives peuvent être contrôlées par l'administration de phentolamine IV de 1 à 5 mg IV ou par des perfusions de nitroprussiate (2 à 4 mcg/kg/min), et les tachyarythmies par du propranolol ou esmolol. Si un myorelaxant est nécessaire, on préférera l'utilisation d'un produit ne libérant pas d'histamine. Il ne faut pas utiliser l'atropine en pré-opératoire.

En pré-opératoire, une transfusion sanguine (1 à 2 unités) permet de prévenir les pertes sanguines. De plus, si la pression artérielle a bien été contrôlée avant l'intervention, un régime alimentaire salé est recommandé afin d'augmenter le volume sanguin. Une perfusion de noradrénaline 4 à 12 mg/L dans une solution contenant du dextrose en commençant avec 0,05 mcg/kg/minute et titrée jusqu'à l'effet désiré peut être envisagée si une hypotension se développe. L'état de certains patients dont l'hypotension ne répond pas bien à la noradrénaline peut être amélioré par l'hydrocortisone 100 mg IV, mais habituellement une compensation liquidienne adéquate est habituellement suffisante.

Le phéochromocytome malin métastatique doit être traité par des alpha- et des bêta-bloqueurs. La tumeur peut être d'évolution indolente et la survie prolongée. Cependant, même en cas de croissance rapide de la tumeur, la pression artérielle peut être contrôlée. I-131 MIBG ou plus récemment le lutétium-177 dotatate peuvent soulager les symptômes en cas de maladie résiduelle. La métyrosine, un inhibiteur de la tyrosine hydroxylase, peut être utilisée pour diminuer la production de catécholamines si la pression artérielle est difficile à contrôler. La radiothérapie peut atténuer les douleurs osseuses due à des métastases. La chimiothérapie est rarement efficace, mais le protocole le plus couramment essayé est l'association de cyclophosphamide, vincristine et dacarbazine. L'agent de chimiothérapie témozolomide et un traitement ciblé par le sunitinib ou éventuellement le cabozantinib peuvent également être efficaces.

Points clés

  • L'hypertension peut être constante ou intermittente.

  • Le diagnostic repose sur la mise en évidence de taux élevés de catécholamines (généralement de métanéphrines plasmatiques libres dans le sérum ou de métanéphrines dans l'urine de 24 heures).

  • Les tumeurs doivent être localisées par des examens d'imagerie, en utilisant parfois des composés radiomarqués.

  • Une association d'alpha- et de bêta-bloqueurs est administrée en attendant l'ablation de la tumeur.

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