Artérite de Takayasu

(Maladie de Takayasu; maladie des femmes sans pouls; thrombo-aortopathie occlusive; syndrome de la crosse de l'aorte)

ParAlexandra Villa-Forte, MD, MPH, Cleveland Clinic
Vérifié/Révisé juin 2022
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L'artérite de Takayasu est une maladie inflammatoire de cause inconnue touchant l'aorte et ses grosses branches. Elle se manifeste préférentiellement chez la femme jeune. L'étiologie est inconnue. L'inflammation vasculaire peut provoquer une sténose, occlusion, dilatation artérielle ou des anévrismes. Les patients peuvent se présenter avec des pressions différentielles ou des mesures de pression artérielle différentes entre les membres (p. ex., entre les membres de côtés opposés ou entre le bras et la jambe du même côté), une claudication d'un membre, des symptômes de diminution de la perfusion cérébrale (p. ex., des troubles visuels transitoires, des accidents ischémiques transitoires, des accidents vasculaires cérébraux), et une hypertension ou ses complications. Le diagnostic repose sur l'artériographie aortique ou angio-IRM. Le traitement repose sur les corticostéroïdes et autres immunosuppresseurs et, en cas d'ischémie menaçant certains organes, des interventions vasculaires telles que des pontages.

(Voir aussi Revue générale des vascularites.)

L'artérite de Takayasu est rare. Elle est beaucoup plus fréquente chez les Asiatiques mais est cosmopolite. Le rapport femme/homme est de 8:1 et l'âge de début de la maladie est généralement entre 15 et 30 ans. En Amérique du Nord l'incidence est estimée à 2,6 cas/million.

Étiologie de l'artérite de Takayasu

La cause de l'artérite de Takayasu est inconnue. Des mécanismes immunitaires à médiation cellulaire peuvent être touchés.

Physiopathologie de l'artérite de Takayasu

L'artérite de Takayasu touche principalement les grosses artères élastiques. Les artères les plus souvent touchées sont

  • Artère innominée et artère sous-clavière

  • L'aorte (principalement l'aorte ascendante et l'arc aortique)

  • Artères carotides primitives

  • Artères rénales

La plupart des patients ont des sténoses ou occlusions artérielles. Des anévrismes peuvent survenir chez environ 1/3 des patients. Habituellement, la paroi de l'aorte ou ses branches s'épaissit de manière plus ou moins irrégulière. Lorsque la crosse de l'aorte est touchée, les ostia des artères principales émergentes de l'aorte peuvent être nettement réduits, voire occlus par l'épaississement intimal. Dans la moitié des cas environ, les artères pulmonaires sont également atteintes. Parfois, les branches de diamètre moyen des artères pulmonaires sont impliquées.

Histologiquement, les premières modifications consistent en un infiltrat de l'adventice par des cellules mononucléées avec constitution d'un manchon périvasculaire autour des vasa vasorum. Plus tard, il existe une inflammation mononucléaire de la média, parfois accompagnée de modifications granulomateuses, de cellules géantes et de nécrose parcellaire de la média. Ces modifications morphologiques peuvent être indiscernables de celles de l'artérite à cellules géantes. Ces infiltrats inflammatoires peuvent provoquer un épaississement marqué des artères touchées et causer un rétrécissement luminal et des occlusions.

Symptomatologie de l'artérite de Takayasu

La plupart des patients ne présentent initialement que des signes locaux qui reflètent une hypoperfusion de l'organe touché ou d'un membre.

Environ 50% des patients font état de symptômes constitutionnels tels qu'une fièvre, une sensation de malaise, des sueurs nocturnes, une perte de poids, une fatigue, et/ou des arthralgies.

Les mouvements répétitifs et l'élévation soutenue des bras peuvent causer des douleurs et de la fatigue dans le bras. Les pouls périphériques aux bras et aux jambes peuvent être diminués ou absent de façon asymétrique. Les extrémités peuvent avoir des signes d'ischémie (p. ex., froideur, claudication). Des souffles sont souvent audibles au-dessus des artères sous-clavières (au-dessus de la clavicule dans la fosse sus-claviculaire), des artères brachiales, des carotides, de l'aorte abdominale ou des artères fémorales. Une réduction de la pression artérielle dans l'un ou les deux bras est fréquente.

En cas d'atteinte des artères carotides et vertébrales, le débit sanguin cérébral diminue, ce qui conduit à des étourdissements, des syncopes, une hypotension orthostatique, des céphalées, des troubles visuels transitoires, des accidents ischémiques cérébraux transitoires ou des accidents vasculaire cérébraux.

Les sténoses de l'artère sous-clavière près de l'origine de l'artère vertébrale peuvent provoquer des symptômes neurologiques ischémiques postérieurs ou des syncopes lorsque le bras est utilisé (syndrome du vol sous-clavier). Les mécanismes consistent en un flux rétrograde dans l'artère vertébrale pour alimenter l'artère sous-clavière en aval de la sténose et une vasodilatation du lit artériel dans le membre supérieur à l'effort.

Un angor ou un infarctus du myocarde peuvent résulter d'un rétrécissement des artères coronaires lié à une aortite ou à une artérite coronarienne. Une insuffisance aortique peut survenir s'il existe une importante dilatation de l'aorte ascendante. Une insuffisance cardiaque peut se développer.

Une obstruction de l'aorte thoracique descendante déclenche parfois des signes de coarctation de l'aorte (p. ex., HTA, céphalées, claudication). Une HTA rénovasculaire peut se développer en cas de sténose de l'aorte abdominale ou des artères rénales. Une claudication intermittente du bras ou de la jambe peut se développer.

Les artères pulmonaires sont touchées, parfois cause d'hypertension artérielle pulmonaire. L'atteinte des branches moyennes des artères pulmonaires peut provoquer des infarctus pulmonaires. L'artérite de Takayasu étant chronique, une circulation collatérale peut se développer. Ainsi, les ulcérations ou la gangrène ischémique due à une obstruction aiguë des artères des membres sont rares.

Diagnostic de l'artérite de Takayasu

  • Angiographie par résonance magnétique, parfois angio-TDM ou artériographie aortique

Le diagnostic d'artérite de Takayasu est suspecté lorsque les symptômes suggèrent une ischémie des organes alimentés par l'aorte ou de ses branches ou lorsque les pouls périphériques sont diminués ou absents chez les patients à faible risque d'athérosclérose et d'autres troubles aortiques, en particulier chez les jeunes femmes. Chez ces patients, des souffles artériels et des discordances gauche-droite ou entre les membres supérieurs inférieurs, des pouls ou de la pression artérielle sont également très évocateurs.

Le diagnostic était anciennement confirmé par l'artériographie aortique; cependant, à présent une angio-IRM ou une angio-TDM permettent d'évaluer toutes les branches de l'aorte. Les manifestations caractéristiques comprennent rétrécissements, occlusions, irrégularités des lumières artérielles, des dilatations poststénotiques, un développement de nombreuses collatérales autour de vaisseaux occlus, et des anévrismes.

La pression artérielle est mesurée au niveau de tous les membres. Cependant, la mesure précise de la pression artérielle peut être difficile. Si les deux artères sous-clavières sont sévèrement touchées, la pression artérielle systémiques ne peut être mesurée avec précision qu'au niveau des jambes. Si les deux artères sous-clavières sont touchées et si le patient présente aussi une coarctation de l'aorte descendante et/ou une atteinte des artères iliaques ou fémorales, la pression artérielle ne peut pas être mesurée précisément en périphérie. Dans ce cas, la pression artérielle centrale doit être mesurée par angiographie pour détecter une HTA occulte, qui peut entraîner des complications.

D'autres indices d'hypertension occulte peuvent être des signes de rétinopathie hypertensive au fond d'œil et/ou des signes échocardiographiques d'hypertrophie concentrique ventriculaire gauche. Lorsque l'hypertension sévère n'est pas reconnue, les complications peuvent être confondues avec des signes de vascularite provoquant une ischémie d'organes.

Les examens complémentaires ne sont pas spécifiques et sont généralement sans intérêt pour le diagnostic. Les signes fréquents comprennent une anémie par inflammation chronique, un taux de plaquettes élevé, parfois une élévation de la numération des globules blancs, de la VS et de la protéine C réactive.

Ci-après les indicateurs de l'activité de la maladie dans l'artérite de Takayasu:

  • Symptomatologie: nouveaux symptômes systémiques (fièvre, fatigue, perte de poids, anorexie, sueurs nocturnes), symptômes suggérant une vascularite impliquant de nouveaux territoires artériels (p. ex., claudication), de nouveaux souffles et/ou de nouveaux changements des mesures de PA

  • Examens de laboratoire: inflammation détectée par les examens sanguins (mais les marqueurs de l'inflammation peuvent être normaux en cas d'artérite active)

  • Examens d'imagerie: développement d'une sténose ou d'anévrismes sur des artères auparavant épargnées (évalués par imagerie périodique [généralement par angio-IRM])

Cependant, l'artérite de Takayasu peut évoluer silencieusement même lorsque les examens cliniques et de laboratoire suggèrent une rémission complète. Par conséquent, il faut obligatoirement effectuer une imagerie périodique de l'aorte et des grosses artères. La pression artérielle doit être mesurée régulièrement au niveau d'un membre non touché.

Tableau

Les pathologies qui simulent une artérite de Takayasu doivent être exclues. Elles comprennent

Tous ces troubles peuvent affecter les gros vaisseaux.

Pronostic de l'artérite de Takayasu

Chez 20% des patients, l'évolution est monophasique. Pour les autres, les rechutes sont fréquentes ou bien l'évolution est chronique et progressive. Même lorsque les symptômes et les examens suggèrent une phase de quiescence de la maladie, de nouvelles lésions vasculaires peuvent se développer et sont visibles sur les imageries. Une progression des lésions et la présence de complications (p. ex., HTA, insuffisance aortique ou cardiaque, anévrismes) sont associées à un pronostic moins favorable.

Traitement de l'artérite de Takayasu

  • Corticostéroïdes

  • Parfois, d'autres immunosuppresseurs

  • Antihypertenseurs et/ou interventions vasculaires au besoin

Médicaments

Les corticostéroïdes sont la pierre angulaire du traitement de l'artérite de Takayasu. La dose optimale, le schéma de décroissance et la durée optimale du traitement ne sont pas connus et varient largement selon les médecins. Le traitement corticostéroïde à lui seul induit une rémission chez la plupart des patients. La prednisone est habituellement utilisée. La dose initiale est de 1 mg/kg par voie orale 1 fois/jour pendant 1 à 3 mois; la dose est ensuite réduite progressivement sur plusieurs mois. Des doses initiales plus faibles sont parfois utilisées. La moitié des patients rechutent quand le traitement est stoppé, malgré une bonne réponse initiale.

Le méthotrexate, le cyclophosphamide, l'azathioprine, le mycophénolate mofétil et les inhibiteurs du tumor necrosis factor (TNF) (p. ex., l'infliximab) et tocilizumab ont été utilisés avec succès chez certains patients (1, 2). Ils peuvent être essayés si les corticostéroïdes sont insuffisants ou ne peuvent pas être arrêtés. La dose initiale de méthotrexate est de 0,3 mg/kg 1 fois/semaine, augmentée jusqu'à 25 mg/semaine. Le mycophénolate mofétil peut également être utilisé. L'utilisation du cyclophosphamide doit être envisagée en cas de vascularite coronaire ou d'autres complications graves dues à une artérite active.

Un antiagrégant antiplaquettaire (p. ex., aspirine 325 mg par voie orale 1 fois/jour) est fréquemment utilisé car une occlusion médiée par des plaquettes peut jouer un rôle dans la progression de l'ischémie. L'HTA doit être traitée de manière vigoureuse; les inhibiteurs de l'ECA (enzyme de conversion de l'angiotensine) peuvent être efficaces.

Procédures

Une intervention vasculaire, habituellement un pontage, peut être nécessaire pour rétablir le flux sanguin vers les tissus ischémiques, si un traitement médicamenteux est inefficace. Les indications comprennent:

  • Insuffisance aortique

  • Sténose de l'artère coronaire entraînant une maladie de l'artère coronaire symptomatique ou une cardiomyopathie ischémique

  • Dissection d'un anévrisme de l'aorte qui augmente de volume

  • Hypertension sévère secondaire à une sténose de l'artère rénale réfractaire au traitement médical

  • Une ischémie d'un membre qui perturbe les activités quotidiennes

  • Ischémie cérébrale

  • Coarctation de l'aorte

  • Incapacité à mesurer la pression artérielle avec précision (au niveau de tout membre)

Un pontage avec une greffe autologue a un meilleur taux de perméabilité. L'anastomose doit être effectuée en sites sains pour éviter la formation d'anévrismes et d'occlusion; les vaisseaux qui sont susceptibles d'être utilisés à l'avenir, tels que les artères sous-clavières, ne sont généralement pas utilisés pour la revascularisation.

L'angioplastie coronarienne transluminale percutanée est peu risquée et peut être efficace pour des lésions courtes. Cependant, les taux de resténose à long terme semblent beaucoup plus élevés que chez ceux ayant eu un pontage. Les stents vasculaires ne sont habituellement pas recommandés parce que le taux de resténose est élevée.

En cas d'insuffisance aortique, une chirurgie valvulaire avec remplacement de la racine de l'aorte peut être nécessaire.

Références pour le traitement

  1. 1. Mekinian A, Neel A, Sibilia J, et al: Efficacy and tolerance of infliximab in refractory Takayasu arteritis: French multicentre study. Rheumatology 51:882–886, 2012. doi: 10.1093/rheumatology/ker380

  2. 2. Mekinian A, Comarmond C, Resche-Rigon A, et al: Efficacy of biological-targeted treatments in Takayasu arteritis: Multicenter, retrospective study of 49 patients. Circulation 132:1693–1700, 2015. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.114.014321

Points clés

  • L'artérite de Takayasu est une artérite rare qui touche principalement les femmes âgées de 15 à 30 ans.

  • Une lésion de l'aorte, de l'artère pulmonaire, et de leurs branches peuvent causer des manifestations telles que des pouls ou des mesures de pression artérielle asymétriques, une claudication d'un membre, des symptômes de diminution de la perfusion cérébrale (p. ex., troubles visuels transitoires, attaques ischémiques transitoires, accidents vasculaires cérébraux), et hypertension (systémique et pulmonaire) ou de ses complications.

  • Diagnostiquer par angio-IRM ou parfois TDM ou angiographie conventionnelle.

  • Traiter par des corticostéroïdes, d'autres immunosuppresseurs, l'aspirine, et, si indiqué, des antihypertenseurs.

  • Adresser les patients pour intervention vasculaire si, malgré le traitement pharmacologique, ils ont de graves complications vasculaires (p. ex., ischémie des organes cibles; dissection, coarctation, ou insuffisance aortique).

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