L'urticaire est constituée de plaques cutanées, bien délimitées, érythémateuses, prurigineuses et migratrices.
Une urticaire peut également être accompagnée d'un œdème de Quincke, qui résulte de l'activation des mastocytes et des basophiles dans le derme et les tissus cutanés profonds et se manifeste par un œdème de la face et des lèvres, des extrémités ou des organes génitaux. L'œdème de Quincke peut survenir dans l'intestin et se manifeste sous la forme de douleurs abdominales ressemblant à des coliques. L'œdème de Quincke peut mettre en jeu le pronostic vital lorsque l'obstruction des voies respiratoires est due à un œdème laryngé ou de la langue.
(Voir aussi Évaluation du patient dermatologique.)
Physiopathologie de l'urticaire
L'urticaire résulte de la libération d'histamine, de bradykinine, de kallikréine et d'autres substances vasoactives par les mastocytes et les basophiles dans le derme superficiel, provoquant un œdème intradermique résultant d'une vasodilatation des capillaires veineux et parfois d'une infiltration leucocytaire.
Le processus peut être immunitaire ou non.
L'activation à médiation immunitaire des mastocytes comprend
Les réactions d'hypersensibilité de type I, dans laquelle les anticorps IgE liés à des allergènes se lient à des récepteurs de haute affinité de la surface cellulaire sur des mastocytes et des basophiles
Maladies auto-immunes, dans lesquelles des anticorps antirécepteur d'IgE relient fonctionnellement ces récepteurs d'IgE et provoquent la dégranulation des mastocytes
L'activation non immunitaire des mastocytes comprend
Une activation directe non allergique des mastocytes par certains médicaments ou substances
Une inhibition des médicaments utilisant une cyclo-oxygénase qui active des mastocytes par un mécanisme mal compris
L'activation par des stimuli physiques ou émotionnels; ce mécanisme est encore mal connu mais implique peut-être la libération de neuropeptides qui interagissent avec les mastocytes
Étiologie de l'urticaire
L'urticaire peut être aiguë (< 6 semaines) ou chronique (> 6 semaines); les cas aigus (70%) sont plus fréquents que les cas chroniques (30%).
Urticaire aiguë (voir tableau Certaines causes d'urticaire) résulte le plus souvent de
Réactions d'hypersensibilité de type I
Un élément déclenchant probable (p. ex., pharmacologique, ingestion de nourriture, piqûre ou morsure d'insecte, infection) peut parfois être identifié.
L'urticaire chronique résulte le plus souvent de
Causes idiopathiques
Maladies auto-immunes
L'urticaire chronique dure souvent des mois ou des années et disparaît finalement sans qu'on ait trouvé la cause.
Photo fournie par Thomas Habif, MD.
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Évaluation de l'urticaire
Puisqu'il n'existe pas de tests diagnostiques de certitude de l'urticaire, l'évaluation repose en grande partie sur l'anamnèse et l'examen clinique.
Anamnèse
L'anamnèse de la maladie actuelle doit comprendre un compte rendu détaillé de chaque épisode d'urticaire, concernant sa localisation, taille et l'aspect des lésions; la fréquence d'apparition; la durée de chaque lésion; et tous les épisodes précédents. Les activités et les expositions aux risques pendant, immédiatement avant et dans les 24 heures avant l'apparition d'urticaire doivent être notées. Il convient de s'informer des activités récentes; de l'exposition à des allergènes potentiels (voir tableau Certaines causes d'urticaire), à des insectes ou à des animaux; à un nouveau produit de lessive ou à un nouveau savon; à de nouveaux aliments; à des infections récentes; ou à de récents événements stressants. Il faut interroger le patient sur le délai entre l'allergène suspecté et l'apparition de l'urticaire et quel déclencheur particulier est suspecté. Les symptômes importants associés comprennent le prurit, une rhinorrhée, un œdème de la face et de la langue et une dyspnée.
La revue des systèmes doit rechercher des symptômes en relation avec des troubles en cause, dont fièvre, fatigue, douleur abdominale et diarrhée (infection); intolérance au froid et au chaud, tremblement ou modifications du poids (thyroïdite auto-immune); douleurs articulaires (cryoglobulinémie, lupus érythémateux disséminé); éruption cutanée sur les joues (lupus érythémateux disséminé); sécheresse des yeux et de la bouche (syndrome de Sjögren); ulcères cutanés et lésions hyperpigmentées après la résolution de l'urticaire (vascularite urticarienne); petites papules pigmentées (mastocytose); adénopathies (affection virale, cancer, maladie sérique); diarrhée aiguë ou chronique (entérocolite virale ou parasitaire); et fièvre, sueurs nocturnes ou perte de poids (cancer).
La recherche des antécédents médicaux doit comprendre un exposé détaillé des antécédents allergiques, y compris des épisodes atopiques connus (p. ex., allergies, asthme, eczéma) et les causes possibles (p. ex., maladies auto-immunes, cancer). Tout traitement médicamenteux doit être contrôlé, y compris les médicaments en vente libre et les produits phytothérapiques, et spécifiquement tout agent particulièrement associé à une urticaire (voir tableau Certaines causes d'urticaire). L'anamnèse familiale doit identifier tout antécédent de maladie rhumatoïde systémique, d'autres maladies auto-immunes ou de cancer. Les antécédents sociaux doivent recouvrir tous les voyages effectués récemment et tous les facteurs de risque de transmission de maladies infectieuses (p. ex., hépatite, VIH).
Examen clinique
Il faut rechercher une bradycardie ou une tachycardie et une tachypnée. L'examen général doit immédiatement rechercher tous les signes d'une détresse respiratoire et de cachexie, d'ictère ou d'agitation.
L'examen de la tête doit noter toute augmentation de volume du visage, des lèvres ou de la langue; un ictère conjonctival; une éruption cutanée des joues; une thyroïde douloureuse et augmentée de volume; des adénopathies; ou une sécheresse des yeux et de la bouche. L'oropharynx doit être inspecté et les sinus palpés et transilluminés à la recherche de signes d'infection occulte (p. ex., infection des sinus, abcès dentaire).
L'examen abdominal doit noter toute masse, hépatomégalie, splénomégalie ou sensibilité. L'examen neurologique doit noter tout tremblement, hyperréflexie ou hyporéflexie. L'examen musculosquelettique doit rechercher la présence de toute articulation inflammatoire ou œdémaciée.
L'examen cutané doit noter la présence et la distribution des lésions urticariennes ainsi que toute ulcération cutanée, hyperpigmentation, petites papules ou ictère. Les lésions urticariennes apparaissent habituellement bien délimitées et en relief incluant le derme. Ces tuméfactions sont typiquement érythémateuses et varient en taille d'aspect punctiforme à de larges plaques. Certaines lésions peuvent être très grandes. Dans d'autres cas, des petites lésions urticariennes peuvent devenir confluentes. Cependant, les lésions cutanées peuvent également être absentes au moment de la consultation. Des manœuvres peuvent être faites lors de l'examen pour évoquer une urticaire physique, y compris l'exposition aux vibrations (réglage du diapason), chaleur (diapason tenu sous l'eau chaude), froide (stéthoscope, diapason réfrigéré ou cube de glace), eau ou pression (gratter légèrement une région non touchée avec un ongle).
Signes d'alarme
Les signes suivants sont particulièrement préoccupants:
Un œdème de Quincke (tuméfaction de la face, des lèvres ou de la langue)
Un stridor, wheezing ou autres signes de détresse respiratoire
Des lésions hyperpigmentées, des ulcères ou une urticaire qui persistent > 48 heures
Les signes de maladie systémique (p. ex., fièvre, adénopathie, ictère, cachexie)
Interprétation des signes
Une urticaire aiguë est presque toujours due à certaines expositions à un médicament, à une substance ou à un stimulus physique ou à une maladie infectieuse. Cependant, l'agent déclenchant n'est pas toujours évident dans l'anamnèse, en particulier parce que l'allergie peut se développer sans avertissement à une substance bien tolérée antérieurement.
Le plus souvent l'urticaire chronique est idiopathique. L'autre cause la plus fréquente est une affection auto-immune. La maladie auto-immune en cause est parfois cliniquement apparente. La vascularite urticarienne est parfois associée à des maladies rhumatismales systémiques (en particulier le lupus érythémateux disséminé ou le syndrome de Sjögren). Dans la vascularite urticarienne, l'urticaire est accompagnée de signes de vascularite eucocytoclastique histopathologique; elle doit être évoquée lorsque l'urticaire est plus douloureuse que prurigineuse, durant > 48 heures, ne blanchit pas ou est accompagnée de vésicules ou d'un purpura.
Examens complémentaires
Habituellement, aucun test n'est nécessaire pour un épisode d'urticaire isolé sauf si la symptomatologie suggère une affection spécifique (p. ex., infections).
Les cas persistants, inhabituels ou récurrents justifient une nouvelle évaluation. Des tests allergiques cutanés doivent être effectués, ainsi que les examens biologiques de routine, NFS, examens hématochimiques, bilan hépatique et TSH. Les examens supplémentaires doivent être effectués en fonction de la symptomatologie (p. ex., maladies auto-immunes) et toute anomalie des tests de dépistage (p. ex., sérologies des hépatites et échographie en cas de bilan hépatique anormal; recherche d'œufs et de parasites en cas d'hyperéosinophilie; taux de cryoglobuline en cas d'anomalie du bilan hépatique ou d'élévation de la créatinine; auto-anticorps anti-thyroïde en cas de TSH anormale).
Une biopsie cutanée doit être effectuée au moindre doute diagnostique ou si les œdèmes persistent > 48 heures (afin d'exclure une vascularite urticarienne).
Les médecins doivent être prudents lorsqu'ils recommandent au patient une provocation empirique (p. ex., "essayer tel et tel produit nouveau pour voir si on obtient une réaction") car les réactions ultérieures peuvent être plus sévères.
Traitement de l'urticaire
Toute cause identifiée doit être traitée ou éliminée de l'environnement. Les médicaments ou les aliments impliqués doivent être arrêtés.
Le traitement symptomatique non spécifique (p. ex., prendre des bains froids, éviter l'eau chaude, le grattage et porter des vêtements larges) peut être utile.
Traitement systémique
Les antihistaminiques restent la base du traitement. Ils doivent être pris régulièrement, plutôt que selon les besoins. Les nouveaux antihistaminiques sont souvent préférés du fait d'une prise unique journalière et parce que certains sont moins sédatifs. Les choix appropriés comprennent
La cétirizine 10 mg 1 fois/jour
La fexofénadine 180 mg 1 fois/jour
La desloratadine 5 mg 1 fois/jour
La lévocétirizine 5 mg 1 fois/jour
Les antihistaminiques oraux plus anciens (p. ex., hydroxyzine 10 à 25 mg toutes les 4 à 6 heures; diphenhydramine 25 à 50 mg toutes les 6 heures) sont sédatifs mais peu coûteux et parfois très efficaces.
Les corticostéroïdes systémiques (p. ex., prednisone 30 à 40 mg par voie orale 1 fois/jour) sont administrés en cas de symptômes sévères mais ils ne doivent pas être utilisés à long terme. Les corticostéroïdes ou les antihistaminiques topiques locaux sont inutiles.
Les patients atteints d'urticaire chronique idiopathique souvent ne répondent pas aux antihistaminiques ou à d'autres médicaments couramment utilisés. L'omalizumab, un anticorps monoclonal qui peut supprimer certaines réactions allergiques, peut soulager les symptômes (1).
Œdème de Quincke
Les patients qui ont un œdème de Quincke impliquant l'oropharynx ou une éventuelle atteinte des voies respiratoires doivent recevoir une solution sous-cutanée d'adrénaline 0,3 mL d'1:1000 en sous-cutané et être hospitalisés. À leur sortie, les patients doivent être formés à l'utilisation d'un stylo d'adrénaline auto-injectable qui leur est fourni.
Référence pour le traitement
1. Zhao ZT, Ji CM, Yu WJ, et al: Omalizumab for the treatment of chronic spontaneous urticaria: A meta-analysis of randomized clinical trials. J Allergy Clin Immunol 137(6):1742-1750.e4, 2016. doi: 10.1016/j.jaci.2015.12.1342
Bases de gériatrie: urticaire
Les antihistaminiques oraux plus anciens (p. ex., hydroxyzine, diphenhydramine) sont sédatifs et peuvent provoquer une confusion, une rétention d'urines et un syndrome confusionnel. Ils doivent être utilisés avec précautions pour traiter l'urticaire chez les sujets âgés.
Points clés
Une urticaire peut être causée par des mécanismes allergiques ou éosinophiliques.
La plupart des cas aigus sont provoqués par une réaction allergique à une substance.
La plupart des cas chroniques sont idiopathiques ou résultent de maladies auto-immunes.
Des symptômes concomitants généraux nécessitent un bilan complet de l'étiologie.
Le traitement repose sur la sévérité; les antihistaminiques non sédatifs et l'élimination des éléments déclencheurs sont les traitements de première intention.
Les corticostéroïdes et antihistaminiques locaux sont inutiles.