Morsures de serpent

ParRobert A. Barish, MD, MBA, University of Illinois at Chicago;
Thomas Arnold, MD, Department of Emergency Medicine, LSU Health Sciences Center Shreveport
Vérifié/Révisé janv. 2022
Voir l’éducation des patients

Il existe environ 3000 espèces de serpent dans le monde, seulement environ 15% à l'échelle mondiale et 20% aux États-Unis sont dangereuses pour l'homme du fait de leur venin ou de leurs sécrétions salivaires toxiques (voir tableau Répartition géographique des serpents venimeux). On compte au moins une espèce de serpent venimeux natif de chacun des États des États-Unis, sauf en Alaska, dans le Maine et à Hawaii. Presque tous sont des crotalidés (également appelés vipères de mine [ou pit viper du fait de leurs fossettes sur chaque côté de la tête et qui correspondent à des organes thermosensibles]):

  • Serpents à sonnette

  • Mocassin à tête cuivrée ou Serpent cuivré (Copperhead, Agkistrodon contortrix)

  • Mocassins d'eau (Cottonmouth, Agkistrodon piscivorus)

Plus de 60 000 morsures et piqûres sont rapportées aux centres antipoison et provoquent environ 100 morts chaque années aux États-Unis. Environ 45 000 sont des morsures de serpent (dont 7000 à 8000 sont venimeuses et provoquent environ 5 décès). Les serpents à sonnette sont responsables de la majorité des morsures de serpent et de presque tous les décès. Les serpents à tête cuivrée et, dans une moindre mesure, les mocassins d'eau (Cottonmouth, Agkistrodon piscivorus) sont responsables de la plupart des autres morsures venimeuses. Les serpents corail (élapidés) et les serpents importés (visibles dans les zoos, les écoles, les élevages de serpents et dans les collections d'amateurs ou de professionnels) sont à l'origine de < 1% de toutes les morsures.

La majeure partie des patients est constituée de jeunes de sexe masculin entre 17 et 27 ans, dont 50% sont intoxiqués et ont volontairement manipulé ou molesté le serpent. La plupart des morsures se produisent au niveau des membres supérieurs. Cinq ou 6 morts se produisent chaque année aux États-Unis. Les facteurs de risque de mort comprennent le très jeune âge ou l'âge très avancé, la manipulation de serpents en captivité (plutôt que des rencontres avec des serpents sauvages), un traitement tardif et un traitement insuffisant.

En dehors des États-Unis, les morsures léthales de serpents sont beaucoup plus fréquentes, représentant > 100 000 décès annuels.

Tableau

Physiopathologie des morsures de serpent

Les venins de serpent sont des substances complexes, principalement composées de protéines ayant une activité enzymatique. Bien que les enzymes jouent un rôle important, les propriétés létales du venin peuvent être dues à des polypeptides de plus petite taille. La plupart des composants du venin se fixent à de multiples récepteurs physiologiques et les tentatives de classification des venins en fonction de leur toxicité vis-à-vis d'un système donné (p. ex., neurotoxine, hémotoxine, cardiotoxine, myotoxine) sont trompeuses et peuvent induire des erreurs d'appréciation clinique.

Crotalidés (pit viper ou vipère de mine ou de fosse)

Le venin complexe de la plupart des crotalidés (pit viper ou vipères de mine) d'Amérique du Nord entraîne des effets locaux, une coagulopathie, ainsi que d'autres effets systémiques. Les effets peuvent comprendre les suivants

  • Lésions tissulaires locales, provoquant œdème et ecchymoses

  • Lésions de l'endothélium vasculaire

  • Hémolyse

  • Un syndrome similaire à une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) (syndrome de défibrination)

  • Des anomalies cardiaques, rénales, et neurologiques

Le venin modifie la perméabilité de la membrane capillaire, avec extravasation d'électrolytes, d'albumine et de globules rouges à travers les parois des vaisseaux vers le siège de l'inoculation du venin. Ce phénomène peut survenir dans les poumons, le myocarde, les reins, le péritoine et, plus rarement, dans le système nerveux central. Les syndromes cliniques fréquents secondaires à une envenimation sévère par venin de vipère de mine (pit viper) comprennent:

  • Œdème: initialement se produisent un œdème, une hypoalbuminémie et une hémoconcentration.

  • Hypovolémie: secondairement, du sang et des liquides peuvent stagner dans la microcirculation, entraînant une hypotension, une acidose lactique, un état de choc et, dans les cas graves, une défaillance polyviscérale. Le volume de sang circulant baisse, ce qui contribue à une défaillance rénale et cardiaque.

  • Saignement: une thrombopénie cliniquement significative (numération plaquettaire < 20 000/mcL) est fréquente dans les morsures graves de serpent à sonnette et peut survenir seul ou avec d'autres coagulopathies. Le venin induit une coagulation intravasculaire qui peut déclencher un syndrome de type CIVD, entraînant des saignements.

  • Insuffisance rénale: l'insuffisance rénale peut résulter d'une hypotension sévère, d'une hémolyse, d'une rhabdomyolyse, des effets néphrotoxiques du venin ou d'un syndrome de type CIVD. Une protéinurie, une hémoglobinurie et une myoglobinurie peuvent survenir en cas de morsures graves de serpent à sonnette.

La plupart des venins de crotalidés Nord-américains (pit vipers ou vipères de mine) ont peu d'effets sur la conduction neuromusculaire, à l'exception de celui du serpent à sonnettes du Mojave ou de l'Eastern Diamondback, qui peuvent entraîner des déficits neurologiques graves.

Serpents corail

Le venin du serpent corail (un élapidé) est principalement constitué d'éléments neurotoxiques entraînant un bloc neuromusculaire présynaptique pouvant être à l'origine de paralysie respiratoire. Le manque d'activité enzymatique protéolytique importante explique le caractère très restreint de la symptomatologie observée au niveau de la morsure.

Symptomatologie des morsures de serpent

Une morsure de serpent, qu'il soit venimeux ou non, entraîne habituellement une grande frayeur chez la victime, avec des manifestations végétatives (p. ex., nausées, vomissements, tachycardie, diarrhée, transpiration), qui peuvent être difficiles à distinguer des manifestations systémiques d'une envenimation.

Une morsure de serpent non venimeux n'entraîne qu'une symptomatologie locale, habituellement une douleur et 2 à 4 rangées d'écorchures faites par la mâchoire supérieure du serpent au niveau de la morsure.

La symptomatologie liée à une envenimation peut être locale et/ou systémique, selon l'importance de l'envenimation et de l'espèce de serpent. L'anaphylaxie peut être observée, en particulier chez des personnes manipulant un serpent et qui ont été préalablement sensibilisés.

Crotalidés (pit viper ou vipère de mine ou de fosse)

Environ 25% des morsures de crotalidés sont dites sèches (sans injection de venin) et ne s'accompagnent ni de symptômes ni de signes généraux.

Les signes locaux comprennent 1 marques de crochet et écorchure. En cas d'envenimation, un œdème et un érythème apparaissent au niveau de la morsure et des tissus adjacents, habituellement dans les 30 à 60 min suivant la morsure. Un suintement de la plaie évoque une envenimation. L'œdème peut progresser rapidement et envahir tout le membre en quelques heures. On peut observer une lymphangite et une hypertrophie douloureuse des ganglions lymphatiques régionaux; on note une augmentation de la température sur la zone de la morsure. En cas d'envenimation modérée ou grave, une ecchymose est fréquente et peut apparaître sur et autour de la morsure dans les 3 à 6 heures. L'ecchymose est la plus grave après les morsures de

  • Diamondbacks de l'est et de l'ouest

  • Cottonmouths

  • Crotales des Prairies, du Pacifique et des bois

La peau autour de la morsure peut paraître tendue et de coloration anormale. Des bulles, séreuses et/ou hémorragiques, apparaissent généralement au niveau de la morsure dans les 8 heures. L'œdème provoqué par les envenimations par le serpent à sonnette d'Amérique du Nord se limite habituellement aux tissus dermiques et sous-cutanés, bien qu'une envenimation sévère entraîne plus rarement un œdème dans le tissu subfascial, entraînant un syndrome des loges (compartimental) (défini par des pressions dans les compartiments 30 mmHg pendant > 1 heures, ou < 30 mmHg en dessous de la pression diastolique). On observe fréquemment une nécrose autour de la morsure après des envenimations par des serpents à sonnette. La plupart des effets du venin sur les tissus mous sont maximaux au bout de 2 à 4 jours.

L'ecchymose est moins fréquente après les morsures par serpents à tête cuivrée (Agkistrodon contortrix) et par le serpent à sonnette Mojave (Crotalus scutulatus).

Les manifestations systémiques de l'envenimation peuvent comprendre des nausées, des vomissements, une diarrhée, une transpiration, une anxiété, une confusion, des hémorragies spontanées, une fièvre, une douleur thoracique, des difficultés respiratoires, des paresthésies, une hypotension et un état de choc. Certaines victimes de morsure de serpent à sonnette développent, au niveau de la bouche, un goût caoutchouteux, mentholé ou métallique. Le venin de la plupart des crotalidés (pit viper ou vipère de mine) d'Amérique du Nord entraîne des modifications mineures de la conduction neuromusculaire, incluant une faiblesse générale, des paresthésies, ou des fasciculations musculaires. Certains patients peuvent avoir des troubles de la conscience. Le venin du serpent à sonnette Mojave et du crotale diamant peut entraîner des déficits neurologiques graves, dont une dépression respiratoire.

Une réaction d'anaphylaxie peut causer des symptômes systémiques immédiatement.

Les envenimations par crotales peuvent entraîner des troubles de la coagulation variés, lesquels comprennent une thrombopénie, une baisse du temps de prothrombine (temps de Quick [TQ]) (évalué par l'INR [international normalized ratio]), un allongement du temps partiel de thromboplastine [= TPP, TCK, TCA, TPP] activé, une baisse du fibrinogène, une augmentation des produits de dégradation de la fibrine ou une association de ces anomalies comparable à une CIVD (coagulation intravasculaire disséminée). La thrombopénie en est habituellement la première manifestation et peut être asymptomatique ou, en cas de coagulopathie de causes multiples, entraîner une hémorragie spontanée. Les patients souffrant de coagulopathie présentent en général une hémorragie au niveau de la morsure, des points de ponction veineuse ou des muqueuses, une épistaxis ou une gingivorragie, une hématémèse, une rectorragie, une hématurie ou plusieurs de ces symptômes. Une hausse de l'hématocrite est un signe précoce secondaire à l'œdème et à l'hémoconcentration. Par la suite, l'hématocrite peut baisser du fait de la compensation des pertes liquidiennes et sanguines en rapport avec un syndrome semblable à la CIVD. Dans les cas graves, l'hémolyse peut entraîner une baisse rapide de l'hématocrite.

Serpents corail

La douleur et le gonflement peuvent être minimes, voire absents et sont souvent transitoires. L'absence de symptomatologie locale évoque parfois à tort une morsure sèche, ce qui est faussement rassurant à la fois pour la victime et pour le médecin.

Pièges à éviter

  • Suspecter une envenimation dans toutes les morsures par des serpents venimeux, même en l'absence de signes d'envenimation peu après la morsure.

La faiblesse du membre mordu peut devenir évidente au bout de quelques heures. Les manifestations systémiques neuromusculaires peuvent être retardées de 12 heures et comprennent une faiblesse et une léthargie; des troubles de la conscience (p. ex., euphorie, somnolence); une paralysie des nerfs crâniens entraînant un ptôsis, une diplopie, une vision floue, une dysarthrie et une dysphagie; une augmentation de la salivation; une flaccidité des muscles; et une détresse ou une insuffisance respiratoire. Une fois les effets neurotoxiques du venin devenus manifestes, il est difficile de les faire régresser et ils peuvent persister 3 à 6 jours. Une paralysie musculaire respiratoire non prise en charge médicalement peut être fatale.

Diagnostic des morsures de serpent

  • Identification du serpent

  • Évaluation de la gravité de l'envenimation

Un diagnostic de certitude d'une morsure de serpent est facilité par l'identification certaine du serpent et des manifestations cliniques en rapport avec l'envenimation. L'anamnèse doit comprendre la détermination du moment de la morsure, la description du serpent, le type de traitement réalisé sur place, les antécédents médicaux, les éventuelles allergies aux produits d'origine équine ou ovine et les antécédents de morsures de serpents venimeux avec leurs traitements respectifs. Un examen clinique complet doit être effectué. Un marqueur doit être utilisé pour indiquer la bordure active de l'œdème sur le membre ou la zone affectés, et l'heure à laquelle la marque a été faite doit être enregistrée.

Une morsure de serpent doit être supposée venimeuse jusqu'à preuve du contraire par l'identification claire de l'espèce ou après une période d'observation.

Identification du serpent

Le patient se souvient rarement des détails concernant l'aspect physique du serpent. Les vipères et les serpents non venimeux peuvent être distingués par certaines caractéristiques physiques (voir figure Identification de la pit viper ou vipère de mine ou de fosse). Une consultation avec un zoo, un aquarium ou un centre antipoison (1-800-222-1222) peut aider à identifier les espèces de serpents.

Identification de la pit viper ou vipère de mine ou de fosse

Les vipères ont les caractéristiques suivantes, qui aident à les différencier des serpents non venimeux:

  • Têtes en forme de flèche (triangulaire)

  • Pupilles elliptiques

  • Présence de fosses thermosensibles entre les yeux et le nez

  • Crochets rétractiles

  • Un seul rang d'écailles sous-caudales allant du cloaque jusqu'à la face inférieure de la queue

Les serpents corail des États-Unis ont des pupilles rondes et un museau noir, mais pas de dépressions faciales. Ils ont une tête plate ou en forme de cigare et des rayures rouges, jaunes (crèmes), et noires alternées, et sont souvent confondus avec le serpent "scarlet king" non venimeux et très répandu, qui a des rayures rouges, noires et jaunes. Le trait distinctif du serpent corail est que les bandes rouges ne sont adjacentes qu’aux bandes jaunes, pas aux bandes noires. (« rouges sur fond jaune, tuent un homme; rouge sur fond noir, pas de venin »). Les serpents corail ont des crochets courts et fixes et injectent leur venin grâce à des mouvements répétés de mastication.

Les traces de crochets sont évocatrices mais ne permettent pas de conclure; les serpents à sonnettes peuvent laisser une ou deux marques de crochets ou d'autres marques de dents, alors que les morsures des serpents non venimeux laissent généralement des traces de dents superficielles et multiples. Cependant, le nombre de marques de dents et le site de la morsure sont variables, car les serpents peuvent attaquer et mordre plusieurs fois.

Une morsure sèche de vipère ne peut être affirmée qu'après une durée exempte de symptômes d'envenimation de 8 heures après la morsure.

Gravité de l'envenimation

La gravité d'une envenimation dépend:

  • De la taille et de l'espèce du serpent (serpents à sonnette > mocassin d'eau) (Cottonmouth, Agkistrodon piscivorus) > mocassin à tête cuivrée ou Serpent cuivré (Copperhead, Agkistrodon contortrix)

  • De la quantité de venin injectée par piqûre (qui ne peut être déterminée par l'histoire)

  • Du nombre de morsures

  • Du siège et de la profondeur de la morsure (p. ex., l'envenimation des morsures à la tête et au tronc tend à être plus grave qu'aux membres)

  • De l'âge, de la corpulence et de l'état de santé du patient

  • Du retard du traitement

  • De la susceptibilité (réponse) du patient au venin

La sévérité de l'envenimation peut être évaluée comme minime, modérée ou sévère en se basant sur les symptômes locaux et généraux, sur les paramètres de l'hémostase et les résultats des examens de laboratoire (voir tableau Gravité de l'envenimation par les pit viper ou vipère de mine). La sévérité est déterminée par le symptôme, le signe ou le résultat de laboratoire le plus grave.

L'envenimation peut rapidement passer de minime à grave et doit constamment être réévaluée.

Si les symptômes systémiques commencent immédiatement, une réaction anaphylactique doit être évoquée.

Tableau

Traitement des morsures de serpent

  • Premiers secours

  • Soins de support

  • Antidote

  • Soins de la plaie

Approche générale

Le traitement d'une morsure de serpent commence immédiatement, avant que les patients ne soient transférés vers un établissement médical.

Sur place, le patient doit se déplacer ou être déplacé hors de portée de l'animal. Il doit éviter tout effort et être rassuré, gardé au chaud, et rapidement transporté vers le centre médical le plus proche. Le membre mordu doit être pansé et immobilisé sans être trop serré, en position fonctionnelle, à peu près au niveau du cœur, et il faudra ôter toutes les bagues, montres et tout vêtement serré. Un point de compression, visant à retarder l'absorption systémique du venin (p. ex., bandes Velpeau autour du membre) peut être approprié pour les morsures de serpent corail, mais n'est pas recommandé aux États-Unis, où les crotalidés sont à l'origine de la plupart des morsures de pit viper ou vipère de mine; le point de compression peut causer une ischémie artérielle et une nécrose.

Les premiers secouristes doivent assurer la perméabilité des voies respiratoires et la respiration, administrer de l'oxygène, obtenir un accès IV sur un membre non touché tout en transportant la victime aussi vite que possible vers le centre médical le plus proche. L'intérêt de toutes les autres interventions pratiquées à l'extérieur d'un hôpital (p. ex., garrots, préparations locales, toute forme d'aspiration du venin avec ou sans incision, cryothérapie, choc électrique) n'a pas été prouvé, mais elles peuvent en outre être délétères et retarder la mise en route d'un traitement adapté. Les garrots déjà en place doivent cependant être maintenus, à moins qu'ils n'entraînent une ischémie susceptible de provoquer la perte du membre et ce jusqu'à ce que le patient soit transporté à l'hôpital et qu'une envenimation ait été éliminée ou qu'un traitement radical ait débuté.

Pièges à éviter

  • Ne pas inciser ou appliquer des garrots sur une morsure de serpent.

L'évaluation et les analyses répétées commencent en service d'urgence. Souligner la marge de l'œdème local avec un marqueur indélébile toutes les 15 à 30 min peut aider les médecins à évaluer la progression de l'envenimation locale. La circonférence de l'extrémité doit aussi être mesurée à l'arrivée et à intervalles réguliers, jusqu'à ce que la progression locale s'amande. Toutes sauf les morsures anodines de vipères de fosse requièrent les examens suivants

  • NFS de base (avec plaquettes)

  • Profil de la coagulation (p. ex., temps de prothrombine, temps de thromboplastine partielle, fibrinogène)

  • Mesure des produits de dégradation de la fibrine

  • Analyse d'urines

  • Parfois, ionogramme, urée et créatinine sériques

En cas d'envenimation modérée et sévère, les patients doivent subir un groupe sanguin et une recherche d'agglutinines irrégulières, un ECG, une rx thorax et un dosage des créatine kinase (CK), répétés en fonction de l'évolution de l'état du patient, souvent toutes les 4 heures pendant les 12 premières heures puis chaque jour. Les effets neurotoxiques du venin de serpent corail font qu'une surveillance de la saturation en oxygène et des épreuves fonctionnelles respiratoires répétées sont nécessaires (c'est-à-dire, débit de pointe, capacité vitale).

La durée de l'observation attentive chez tous les patients qui présentent une morsure de crotalidé (pit viper ou vipère de mine) doit être d'au moins 8 heures. Les patients qui n'ont pas de signes d'envenimation au-delà de 8 heures peuvent être renvoyés au domicile après un traitement de la plaie approprié. Les victimes de morsures de serpent corail doivent être surveillées étroitement pendant au moins 12 heures du fait du risque de paralysie respiratoire. Une envenimation considérée initialement comme légère peut devenir grave en quelques heures.

Le traitement symptomatique peut faire appel à une assistance respiratoire, à des benzodiazépines pour l'anxiété et la sédation, à des opiacés pour la douleur et à une compensation des pertes liquidiennes et à des vasopresseurs en cas de choc. Les transfusions (p. ex., culots de globules rouges, plasma frais congelé, cryoprécipité, plaquettes) sont parfois nécessaires, mais ne doivent pas être administrées avant que le patient n'ait reçu des quantités adéquates de sérum antivenimeux parce que la plupart des coagulopathies répondent à des quantités suffisantes d'antivenin neutralisant. Une anaphylaxie suspectée (p. ex., avec un début immédiat de symptômes systémiques) est traitée par des mesures standards, incluant l'adrénaline. Une trachéotomie peut être nécessaire, notamment en cas de trismus, de spasme laryngé ou d'hypersalivation.

Antidote

En association avec les soins de support intensifs, le sérum antivenimeux constitue la base du traitement des envenimations d'importance non négligeable.

Dans l'envenimation par un crotalidé (pit viper ou vipère de mine) le pivot du traitement aux États-Unis est un antivenin polyvalent d'origine ovine de type FAb (fragments FAb d'IgG purifiées extraites d'un mouton immunisé contre le venin des crotalidés). L'efficacité de cet antivenin dépend du délai et de la dose; il est le plus efficace pour éviter les lésions tissulaires induites par le venin lorsqu'il est administré de façon précoce. Il est moins efficace s'il est retardé, mais il peut inverser les coagulopathies et demeurer efficace même si l'administration débute 24 heures après l'envenimation. Le FAb polyvalent immun de crotalidés est très sûr, bien qu'il puisse entraîner des réactions aiguës (cutanées ou anaphylactiques) et des réactions d'hypersensibilité tardives (maladie sérique). La maladie sérique se développe dans une proportion allant jusqu'à 16% des patients au cours des 1 à 3 semaines après l'administration du produit FAb.

Une dose de charge de 4 à 12 ampoules de FAb polyvalent immun de crotalidé reconstitué, dilué dans 250 mL de sérum physiologique normal, doit être perfusée lentement à un débit de 20 à 50 mL/h pendant les 10 premières min; puis, si aucune réaction indésirable ne survient, le reste est perfusé pendant l'heure suivante. On peut répéter la même dose à 2 reprises pour contrôler initialement les symptômes, traiter la coagulopathie ou corriger les paramètres physiologiques. Chez l'enfant, la posologie n'est pas réduite (p. ex., au vu du poids ou de la taille). La mesure en 3 points différents de la circonférence du membre impliqué en amont de la morsure et la mesure de la limite de l'œdème toutes les 15 à 30 min, peuvent orienter la prescription éventuelle de doses supplémentaires. Une fois les symptômes contrôlés, une dose de 2 ampoules dans 250 mL de sérum physiologique est administrée au bout de 6, 12 et 18 heures pour éviter une récidive de la tuméfaction du membre et des autres effets du venin.

Le Crotalidae immune F(ab')2 (equin) est un antivenin nouvellement disponible d'origine équine constitué de fragments Fab2 immuns reconstitués contre les Crotalidae et est utilisé pour traiter les morsures de serpent à sonnettes en Amérique du Nord chez les adultes et les enfants. La dose initiale recommandée est de 10 flacons dilués dans 250 mL de sérum physiologique et perfusés à 25 à 50 mL/heure pendant les 10 premières minutes, en recherchant d'éventuels signes de réactions allergiques. Si aucune réaction ne se produit, la perfusion peut se poursuivre à la vitesse de 250 mL/heure jusqu'à son terme. Cette dose initiale peut être répétée toutes les heures si nécessaire pour arrêter la progression des symptômes. Les symptômes tardifs ou de réapparition peuvent être traités par 4 doses supplémentaires.

Pièges à éviter

  • Administrer aux enfants envenimés par une vipère des doses adultes de sérum antivenimeux.

La prise en compte de l'espèce de crotalidé peut amener à moduler la dose. L'envenimation par le mocassin d'eau (Cottonmouth, Agkistrodon piscivorus), le mocassin à tête cuivrée ou Serpent cuivré (Copperhead, Agkistrodon contortrix) et le crotale pygmée peut nécessiter des doses de sérum antivenimeux plus faibles. Cependant, le traitement par l'antivenin ne doit pas être refusé sur la base des espèces de serpent et doit être administré en fonction du degré d'envenimation quelles que soient les espèces. Une attention particulière est justifiée chez les enfants, les personnes âgées et les patients qui ont des pathologies médicales (p. ex., diabète sucré, maladies des artères coronaires), qui peuvent être plus sensibles aux effets du venin.

Pour une envenimation par un serpent corail, un antivenin spécifique polyvalent et d'origine équine est administré à la dose de 5 ampoules en cas de suspicion d'envenimation, auxquelles on ajoute 10 à 15 ampoules supplémentaires si des symptômes apparaissent. La dose est similaire pour les adultes et les enfants. Cette recommandation de dosage peut être réduite en cas de pénurie nationale en antivenin spécifique du serpent corail.

Des précautions avant traitement par antivenin doivent être envisagées en cas d'hypersensibilité connue au sérum antivenin de mouton et de cheval et chez les patients qui ont des antécédents d'asthme ou d'allergies multiples. Chez ce type de patient, si l'envenimation est considérée comme étant dangereuse pour la vie du patient ou pour l'intégrité du membre, on peut prescrire des anti-H1 et anti-H2 avant l'administration de l'antidote au sein d'une unité spécialisée et en mesure de traiter l'anaphylaxie. Des réactions anaphylactoïdes précoces au sérum antivenimeux ont été observées et sont généralement dues à une vitesse d'injection trop élevée; le traitement consiste à arrêter de façon temporaire la perfusion et à administrer de l'adrénaline, des bloqueurs-H1 et -H2 et des perfusions IV en fonction de la gravité. En règle générale, l'administration de l'antivenin peut reprendre en le diluant davantage et en l'injectant plus lentement.

La maladie sérique peut se développer et se manifester 7 à 21 jours après le traitement sous forme d'une fièvre, d'une éruption, d'une sensation de malaise, d'une urticaire, d'arthralgies et d'adénopathies. Le traitement consiste à administrer des anti-H1 ainsi qu'un cycle de corticostéroïdes par voie orale.

Mesures adjuvantes

Le patient doit recevoir une prophylaxie antitétanique (anatoxine et parfois Ig) en fonction de ses antécédents (voir tableau Prophylaxie antitétanique dans le traitement des plaies). Les morsures de serpent s'infectent rarement et les antibiotiques ne sont indiqués qu'en cas d'infection cliniquement patente. On peut, si nécessaire, administrer une céphalosporine de 1ère génération (p. ex., céphalexine orale, céfazoline IV) ou une pénicilline à large spectre (p. ex., amoxicilline/acide clavulanique par voie orale, ampicilline/sulbactam IV). Le choix des antibiotiques à administrer ultérieurement dépend des résultats de la culture et de l'antibiogramme des prélèvements faits au niveau des plaies.

Les soins des plaies pour les morsures sont similaires à ceux indiqués pour les autres plaies perforantes. La région est nettoyée et pansée. En cas de morsures d'un membre, celui-ci est immobilisé en position surélevée et de fonction. Les plaies doivent être examinées et nettoyées tous les jours et recouvertes d'un pansement stérile. La mise à plat chirurgicale des bulles, des vésicules hémorragiques ou des zones de nécrose superficielle, sera effectuée entre le 3e et le 10e jour et peut se faire en plusieurs étapes. Des séances de bains stériles en piscine peuvent être indiquées pour le débridement des plaies et la kinésithérapie. Une aponévrotomie (c'est-à-dire, pour un syndrome des loges) est rarement indiquée mais ne doit être envisagée que lorsque la pression au niveau de la loge est 30 mmHg pendant > 1 heure ou < 30 mmHg en-dessous de la pression diastolique, entraîne des lésions vasculaires aiguës, demeure réfractaire à une surélévation du membre ou à l'administration de mannitol 1 à 2 g/kg IV et en cas d'échec du sérum antivenimeux à des doses appropriées. Un œdème massif seul n'est pas une indication de fasciotomie. La mobilité articulaire, la force musculaire, la sensibilité et la circonférence doivent être évaluées dans les 2 jours suivant la morsure. Pour éviter les rétractions, l'immobilisation sera alors entrecoupée de séries d'exercices doux, commençant par une mobilisation passive puis active.

Les centres antipoison régionaux et les jardins zoologiques peuvent être d'une grande utilité en cas de morsures de serpent, y compris celles de serpents exotiques. Ces établissements possèdent une liste actualisée de médecins experts en morsures de serpent ainsi qu'un index des antidotes, publié et régulièrement actualisé par l'American Zoo et l'Aquarium Association et l'American Association of Poison Control Centers. Cet indice recense l'emplacement et le nombre de flacons de sérum antivenimeux disponibles pour tous les serpents venimeux et les espèces locales les plus exotiques. Une ligne d'aide nationale (USA) est disponible au numéro de téléphone 1-800-222-1222.

Points clés

  • Aux États-Unis, les serpents venimeux fréquents sont les serpents à sonnettes et les mocassins à tête cuivrée ou Serpent cuivré (Copperhead, Agkistrodon contortrix) et mocassin d'eau (Cottonmouth, Agkistrodon piscivorus) (tous des vipères), mais les serpents à sonnettes sont à l'origine de la plupart des morsures et de presque tous les décès.

  • L'envenimation par des vipères peut provoquer des effets locaux (p. ex., douleur, gonflement progressif, ecchymoses) et des effets systémiques (p. ex., vomissements, sueurs, confusion, saignements, fièvre, douleurs thoraciques, dyspnée, paresthésies, hypotension).

  • Les caractéristiques qui permettent de différencier les vipères de serpents non venimeux comprennent une pupille elliptique, une tête triangulaire, des crocs rétractables, des fossettes de détection de la chaleur entre les yeux et le nez, et une seule rangée de plaques sous-caudales partant de la plaque anale à la face inférieure de la queue.

  • Dans la nature, déplacer le patient hors de distance de frappe du serpent, organiser un transport rapide, envelopper le membre mordu sans serrer, l'immobiliser dans une position proche du niveau du cœur, et supprimer les constrictions périphériques telles que les bagues et les montres; ne pas inciser les morsures ou appliquer de garrot.

  • Surveiller de manière sériée les patients mordus par des vipères pendant au moins 8 heures, plus longtemps en cas de signes en faveur d'une envenimation.

  • Traiter les blessures et les symptômes, et consulter un centre anti-poison.

  • Administrer un antivenin de façon précoce et à des doses adéquates, y compris des doses d'adultes aux enfants.

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