Acidose tubulaire rénale

ParL. Aimee Hechanova, MD, Texas Tech University Health Sciences Center, El Paso
Vérifié/Révisé mai 2022
Voir l’éducation des patients

L'acidose tubulaire rénale se caractérise par une acidose et des troubles électrolytiques liés à une diminution de l'excrétion rénale d'ion hydrogène (type 1), à une altération de la résorption du bicarbonate (type 2) ou à une production anormale d'aldostérone ou à une réponse anormale à l'aldostérone (type 4). (Le type 3 est extrêmement rare et ne sera pas abordé.) Le patient peut être asymptomatique, présenter une symptomatologie évocatrice de troubles électrolytiques ou progresser vers une néphropathie chronique. Le diagnostic repose sur les modifications caractéristiques du pH et des électrolytes urinaires en réponse à un test de stimulation. Le traitement corrige le pH et les déséquilibres électrolytiques par l'administration d'agents alcalins, d'électrolytes, et, exceptionnellement, de médicaments.

L'acidose tubulaire rénale correspond à une classe de troubles dans lesquels l'excrétion des ions hydrogènes ou la réabsorption du bicarbonate filtré est diminuée, ce qui entraîne une acidose métabolique chronique associée à un trou anionique normal. Une hyperchlorémie est habituellement présente et des perturbations secondaires touchant d'autres électrolytes sont observées, concernant le potassium (souvent) et le calcium (rarement, voir tableau Caractéristiques des différents types d'acidose tubulaire rénale).

L'acidose tubulaire rénale chronique est souvent associée à des lésions structurelles des tubules rénaux et peut évoluer vers une néphropathie chronique.

Tableau

Acidose tubulaire rénale de type 1 (distal)

L'acidose tubulaire rénale de type 1 (partie distale) correspond à une altération de la sécrétion d'ion hydrogène dans le tubule distal, entraînant un pH urinaire élevé (> 5,5) de façon prolongée et une acidose systémique. Le bicarbonate plasmatique est souvent < 15 mEq/L (15 mmol/L), et une hypokaliémie, une hypercalciurie et une diminution de l'excrétion des citrates sont souvent présentes. L'hypercalciurie est l'anomalie primaire dans certaines formes familiales, avec des lésions tubulo-interstitielles induites par le calcium provoquant une acidose tubulaire rénale distale. Une néphrocalcinose et une lithiase rénale sont les complications possibles de l'hypercalciurie et de l'hypocitraturie si l'urine est relativement alcaline.

Ce syndrome est rare. Des cas sporadiques se développent le plus souvent chez l'adulte et peuvent être primitifs (presque toujours chez la femme) ou secondaires. Les cas familiaux se manifestent en premier durant l'enfance et sont le plus souvent autosomiques dominants. Une acidose tubulaire rénale secondaire de type 1 peut résulter de prises de médicaments, d'une greffe de rein et de divers autres troubles:

Le taux de potassium peut être élevé en cas d'uropathie obstructive chronique ou anémie falciforme.

Acidose tubulaire rénale de type 2 (proximale)

L'acidose tubulaire rénale de type 2 correspond à une altération de la résorption du bicarbonate dans les tubules proximaux, qui induit un pH urinaire > 7 si la concentration plasmatique du bicarbonate est normale et un pH urinaire < 5,5 si la concentration plasmatique du bicarbonate est déjà faible du fait des pertes en cours.

Ce syndrome peut survenir comme élément d'un dysfonctionnement global des tubules proximaux et peut être associé à une excrétion urinaire augmentée de glucose, d'acide urique, de phosphate, d'acides aminés, de citrate, de calcium, de potassium et de protéines. Une ostéomalacie ou une ostéopénie (dont le rachitisme chez l'enfant) peuvent se développer. Les mécanismes peuvent comprendre une hypercalciurie, une hyperphosphaturie, des modifications du métabolisme de la vitamine D et une hyperparathyroïdie secondaire.

L'acidose tubulaire rénale de type 2 est très rare et survient le plus souvent chez les patients qui ont l'un des symptômes suivants:

Parfois, il existe d'autres étiologies, dont une carence en vitamine D, une hypocalcémie chronique secondaire à une hyperparathyroïdie secondaire, une transplantation rénale, une exposition à des métaux lourds et d'autres maladies héréditaires (p. ex., intolérance héréditaire au fructose, maladie de Wilson, syndrome oculocérébrorénal [syndrome de Lowe], cystinose).

Acidose tubulaire rénale de type 4 (généralisée)

L'acidose tubulaire rénale de type 4 (généralisée) résulte d'une insuffisance en aldostérone ou d'une insensibilité des tubules distaux à l'aldostérone. L'aldostérone étant à l'origine de la réabsorption du sodium en échange de potassium et d'hydrogène, on observe une réduction de l'excrétion de potassium, ce qui entraîne une hyperkaliémie, et une réduction de l'excrétion d'acide. L'hyperkaliémie peut diminuer l'excrétion d'ammoniac, contribuant à une acidose métabolique. Le pH urinaire est habituellement normal avec un pH du sérum (habituellement < 5,5 lorsqu'il existe une acidose sérique). Le bicarbonate plasmatique est habituellement > 17 mEq/L (17 mmol/L).

Ce trouble est le type le plus fréquent d'acidose tubulaire rénale. Elle est généralement observée de façon sporadique après une altération de l'axe rénine-aldostérone-tubule rénal (hypoaldostéronisme hyporéninémique) qui se produit en cas de symptômes suivants:

Les autres facteurs qui peuvent contribuer à une acidose tubulaire rénale de type 4 comprennent:

  • L'utilisation d'inhibiteurs de l'ECA

  • La carence en aldostérone synthétase de type I ou II

  • L'utilisation de bloqueurs des récepteurs de l'angiotensine II

  • La maladie rénale chronique, habituellement due à une néphropathie diabétique ou une néphrite interstitielle chronique

  • L'hyperplasie congénitale des surrénales, en particulier déficit en 21-hydroxylase

  • Une maladie grave

  • La prise de cyclosporine

  • L'utilisation d'héparine (y compris les héparines de faible poids moléculaire)

  • La néphropathie à VIH (due peut-être en partie, à l'infection par le Mycobacterium avium complex ou à un cytomégalovirus)

  • Lésion interstitielle rénale (p. ex., due à un lupus érythémateux disséminé, une uropathie obstructive ou une drépanocytose)

  • Médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

  • Une uropathie obstructive

  • D'autres médicaments (p. ex., pentamidine, triméthoprime)

  • Diurétiques épargneurs du potassium (p. ex., amiloride, éplérénone, spironolactone, triamtérène)

  • Une insuffisance surrénalienne primitive

  • Le pseudohypoaldostéronisme (type I ou II)

  • L'expansion volémique (p. ex., dans la glomérulonéphrite aiguë ou dans la néphropathie chronique)

Symptomatologie de l'acidose tubulaire rénale

L'acidose tubulaire rénale est habituellement asymptomatique. Des déséquilibres électrolytiques graves sont rares, mais peuvent menacer le pronostic vital du patient.

Une lithiase urinaire et une néphrocalcinose sont possibles, en particulier en cas d'acidose tubulaire rénale de type 1.

Les signes d'hypovolémie du liquide extra-cellulaire peuvent se développer du fait de la perte d'eau qui accompagne l'excrétion des électrolytes urinaires dans l'acidose tubulaire rénale de type 2.

Les sujets qui ont une acidose tubulaire rénale de type 1 ou 2 peuvent avoir une symptomatologie d'hypokaliémie, dont une faiblesse musculaire, une hyporéflexie et une paralysie. Une atteinte osseuse (p. ex., douleurs osseuses et ostéomalacie chez l'adulte et rachitisme chez l'enfant) peut être observée dans l'acidose tubulaire rénale de type 2 et parfois dans le type 1.

L'acidose tubulaire rénale de type 4 est habituellement asymptomatique et ne s'associe qu'à une acidose légère, mais des troubles du rythme et une paralysie peuvent alors se développer en cas d'hyperkaliémie grave.

Diagnostic de l'acidose tubulaire rénale

  • Suspecté en cas d'acidose métabolique avec trou anionique normal ou d'hyperkaliémie inexpliquée

  • pH sérique et urinaire, taux d'électrolytes et osmolalités

  • Souvent, test après stimulation (p. ex., avec du chlorure d'ammonium, du bicarbonate ou un diurétique de l'anse)

Une acidose tubulaire rénale doit être suspectée chez tout patient présentant une acidose métabolique inexpliquée (bicarbonate plasmatique et pH sanguin bas) avec trou anionique normal. L'acidose tubulaire rénale de type 4 doit être suspectée en cas d'hyperkaliémie persistante sans cause évidente, telle qu'un apport excessif de compléments de potassium, la prise de diurétiques épargneurs du potassium ou une maladie rénale chronique. Un dosage des gaz du sang artériel est effectué pour confirmer une acidose tubulaire rénale et exclure une alcalose respiratoire à l'origine d'acidose métabolique compensatoire. L'ionogramme, l'urée et la créatinine sériques, et le pH urinaire sont mesurés chez tous les patients. D'autres tests et parfois tests de provocation sont pratiqués, selon le type d'acidose tubulaire rénale suspecté:

  • L'acidose tubulaire rénale de type 1 est confirmée par un pH urinaire qui reste > 5,5 au cours d'une acidose systémique. L'acidose peut survenir spontanément ou être induite par un test de charge acide (administration de chlorure d'ammonium, 100 mg/kg par voie orale). Des reins normaux ramènent le pH urinaire < 5,2 dans les 6 heures qui suivent l'acidose.

  • L'acidose tubulaire rénale de type 2 est diagnostiqué par la mesure du pH urinaire et l'excrétion fractionnelle de bicarbonate au cours d'une perfusion d'HCO3 (bicarbonate de sodium 0,5 à 1,0 mEq/kg/h [0,5 à 1,0 mmol/L] IV). Dans le type 2, le pH urinaire augmente à plus de 7,5 et l'excrétion fractionnée du bicarbonate est > 15%. Le bicarbonate IV pouvant contribuer à une hypokaliémie, les suppléments de potassium doivent être administrés en quantité suffisante avant la perfusion.

  • L'acidose tubulaire rénale de type 4 est confirmée par l'anamnèse d'une pathologie qui pourrait être associée à l'acidose tubulaire rénale de type 4, un potassium chroniquement élevé et un bicarbonate normal ou légèrement diminué. Dans la plupart des cas, l'activité rénine plasmatique est basse, la concentration d'aldostérone est basse et le cortisol est normal.

Traitement de l'acidose tubulaire rénale

  • Le traitement varie selon le type

  • Souvent traitement alcalin

  • Traitement des anomalies concomitantes liées au métabolisme du potassium, du calcium et des phosphates

Le traitement comporte la correction du pH et la restauration de l'équilibre électrolytique via l'administration d'une solution alcaline. Le non traitement de l'acidose tubulaire rénale chez l'enfant ralentit la croissance.

Les agents alcalins tels que le bicarbonate de sodium, bicarbonate de potassium ou le citrate sodium permettent d'obtenir une concentration plasmatique de bicarbonate de sodium relativement normale (22 à 24 mEq/L [22 à 24 mmol/L]). Le citrate de potassium peut être remplacé en cas d'hypokaliémie persistante ou, si le sodium augmente l'excrétion de calcium, lorsque des calculs de calcium sont présents.

La vitamine D (p. ex., ergocalciférol, 800 UI par voie orale 1 fois/jour) et des suppléments oraux de calcium (calcium élément 500 mg par voie orale 3 fois/jour p. ex., sous forme de carbonate de calcium, 1250 mg par voie orale 3 fois/jour) peuvent également être nécessaires pour limiter les déformations squelettiques résultant de l'ostéomalacie ou du rachitisme.

Acidose tubulaire rénale de type 1

On administre aux adultes du bicarbonate de sodium ou du citrate de sodium 0,25 à 0,5 mEq/kg (0,25 à 0,5 mmol/L) par voie orale toutes les 6 heures. Chez l'enfant, la posologie journalière totale nécessaire peut aller jusqu'à 2 mEq/kg (2 mmol/L) toutes les 8 heures; cette dose peut être ajustée à mesure que l'enfant grandit. La supplémentation en potassium n'est généralement pas nécessaire lorsque la déshydratation et l'hyperaldostéronisme secondaires sont corrigés par le traitement par du bicarbonate.

Acidose tubulaire rénale de type 2

Le bicarbonate plasmatique ne peut pas atteindre un taux normal, mais l'apport en bicarbonate doit être supérieur à la charge acide du régime alimentaire (p. ex., bicarbonate de sodium, 1 mEq/kg [1 mmol/L] par voie orale toutes les 6 heures chez l'adulte ou 2 à 4 mEq/kg [2 à 4 mmol/L] toutes les 6 heures chez l'enfant) pour maintenir le bicarbonate sérique à environ 22 à 24 mEq/L (22 à 24 mmol/L) parce qu'un taux inférieur risquer de perturber la croissance. Cependant, un supplément en bicarbonate excessif augmente les pertes urinaires de KHCO3 (bicarbonate de potassium). Ainsi, les sels de citrate peuvent être remplacés par du bicarbonate de sodium et être mieux tolérés.

Une supplémentation thérapeutique en potassium ou en citrate de potassium peut être nécessaire chez un patient hypokaliémique auquel on administre du bicarbonate de sodium, mais n'est pas recommandée si la kaliémie est normale ou élevée. Dans les cas difficiles, le traitement par de faibles doses d'hydrochlorothiazide 25 mg par voie orale 2 fois/jour peut stimuler les fonctions du transport tubulaire proximal. En cas de dysfonction tubulaire proximale généralisée, l'hypophosphatémie et les maladies osseuses sont traitées par une supplémentation en phosphate et en vitamine D afin de normaliser la concentration plasmatique en phosphate.

Acidose tubulaire rénale de type 4

L'hyperkaliémie est traitée par une expansion volémique, une restriction alimentaire en potassium et avec des diurétiques épargneurs de potassium (p. ex., furosémide 20 à 40 mg par voie orale 1 ou 2 fois/jour jusqu'à obtention de l'effet). L'alcalinisation est souvent inutile. Quelques patients ont besoin d'un traitement substitutif de minéralocorticoïde (fludrocortisone, 0,1 à 0,2 mg par voie orale 1 fois/jour, souvent plus élevé en cas d'hypoaldostéronisme hyporéninémique); le remplacement par des minéralocorticoïde doit être utilisé avec précautions, parce qu'il peut aggraver l'HTA sous-jacente, l'insuffisance cardiaque ou l'œdème.

Points clés

  • L'acidose tubulaire rénale correspond à une classe de troubles dans lesquels l'excrétion des ions hydrogènes ou la réabsorption des HCO3 filtrés est diminuée, ce qui entraîne une acidose métabolique chronique associée à un trou anionique normal.

  • L'acidose tubulaire rénale est généralement due à une production ou à une réponse à l'aldostérone, anormales (type 4), ou moins souvent, à des troubles de l'excrétion de l'ion hydrogène (type 1) ou à un défaut de la réabsorption du bicarbonate (type 2).

  • Evoquer une acidose tubulaire rénale en cas d'acidose métabolique avec trou anionique normal ou d'hyperkaliémie inexpliquée

  • Vérifier les gaz du sang artériel, l'ionogramme sanguin, l'urée et la créatinine et le pH urinaire.

  • Effectuer d'autres tests pour confirmer le type d'acidose tubulaire rénale (p. ex., test de charge acide pour le type 1, perfusion de bicarbonate pour le type 2).

  • Traiter par des alcalinisants et des mesures visant à corriger l'hypokaliémie dans l'acidose tubulaire rénale de type 2 et parfois l'acidose tubulaire rénale de type 1 et par restriction des apports en potassium ou en utilisant des diurétiques éliminant le potassium dans l'acidose tubulaire rénale de type 4; administrer d'autres électrolytes sériques le cas échéant.

quizzes_lightbulb_red
TESTEZ VOS CONNAISSANCESTake a Quiz!
Téléchargez l’application Manuel MSD. ANDROID iOS
Téléchargez l’application Manuel MSD. ANDROID iOS
Téléchargez l’application Manuel MSD. ANDROID iOS