La maladie de Ménière est un trouble de l'oreille interne qui entraîne des vertiges, des nausées, une perte de l'audition neurosensorielle fluctuante, une sensation de plénitude auriculaire et des acouphènes. Il n'existe pas de test diagnostique de confirmation, mais les audiogrammes et l'IRM peuvent aider à soutenir le diagnostic en excluant d'autres causes. Les vertiges et des nausées sont traités de façon symptomatique par des anticholinergiques ou des benzodiazépines lors de crises aiguës. Les diurétiques et un régime alimentaire pauvre en sel, la première ligne du traitement, diminuent souvent la fréquence et la gravité des épisodes. Dans les cas graves ou réfractaires, une aréflexie vestibulaire peut être obtenue avec de la gentamicine en administration locale ou une intervention chirurgicale.
La maladie de Ménière est un trouble chronique de l'oreille interne qui affecte l'équilibre et l'audition; elle est caractérisée par des épisodes de vertige, d'acouphènes, de perte auditive et une sensation de plénitude auriculaire ou de pression dans l'oreille atteinte. Dans la maladie de Ménière, les modifications de la pression et du volume de l'endolymphe labyrinthique affectent la fonction de l'oreille interne. Les données d'une grande base de données de réclamations/demandes d'assurance médicale aux États-Unis ont rapporté une prévalence de la maladie de Ménière de 190 pour 100 000 adultes (1). L'incidence maximale se situe entre 40 et 60 ans, et la prévalence augmente avec l'âge. Il existe une prédominance féminine.
L'hydrops endolymphatique, une accumulation anormale de liquide endolymphatique dans le labyrinthe membraneux de l'oreille interne, est un processus pathologique observé chez tous les patients atteints de la maladie de Ménière. Cependant, tous les patients atteints d'hydrops endolymphatique ne présentent pas les symptômes de la maladie de Ménière, et cela peut être associé à d'autres conditions telles qu'une maladie auto-immune préexistante de l'oreille interne, des allergies, des traumatismes crâniens ou auriculaires causant des fractures de l'os temporal, et plus rarement, une hypothyroïdie et une otosyphilis.
La maladie de Ménière correspond à la présence de symptômes caractéristiques sans cause connue, tandis que le syndrome de Ménière correspond au même ensemble de symptômes, mais en raison d'une cause connue (p. ex., anomalies congénitales, traumatisme crânien, infection).
Référence
1. Harris JP, Alexander TH. Current-day prevalence of Ménière's syndrome. Audiol Neurootol. 2010;15(5):318-322. doi:10.1159/000286213
Symptomatologie de la maladie de Ménière
Les patients qui ont une maladie de Ménière ont des crises soudaines de vertige qui durent habituellement de 20 minutes à 12 heures; rarement, les crises peuvent durer jusqu'à 24 heures. Habituellement, des nausées et des vomissements sont également présents. D'autres symptômes comprennent la diaphorèse, la diarrhée et l'instabilité de la marche.
L'acouphène dans l'oreille touchée peut être constant ou intermittent, sous forme de sifflement, de bourdonnement ou de ronflement; il n'est pas lié à la position ou au mouvement.
La surdité, touchant généralement les basses fréquences, fait suite à l'attaque. Avant et pendant un épisode, la plupart des patients ressentent une sensation de plénitude ou de pression et une hyperacousie (sensibilité aux sons forts) dans l'oreille affectée. Chez la majorité des patients, une seule oreille est affectée.
Au début, les symptômes ont tendance à disparaître entre les crises; les périodes libres de symptômes peuvent durer > 1 an. À mesure que la maladie progresse, cependant, le déficit auditif fluctue, mais finalement persiste et s'aggrave progressivement, et les acouphènes peuvent être constants, même entre les crises.
Diagnostic de la maladie de Ménière
Principalement l'anamnèse et l'examen clinique
Audiogramme et IRM rehaussée au gadolinium pour exclure d'autres causes
Le diagnostic de la maladie de Ménière est généralement établi cliniquement (1). La concomitance d'une perte auditive neurosensorielle fluctuante sur les basses fréquences, de vertiges épisodiques, d'une sensation de plénitude auriculaire ipsilatérale fluctuante (dans l'oreille atteinte) et d'acouphènes est caractéristique et doit faire suspecter cliniquement cette affection. Des symptômes semblables peuvent résulter d'une migraine vestibulaire, d'une neuronite vestibulaire, d'une labyrinthite virale, d'une tumeur de l'angle pontocérébelleux (p. ex., schwannome vestibulaire) ou d'un accident vasculaire du tronc cérébral. Bien qu'une maladie de Ménière bilatérale puisse survenir, les symptômes bilatéraux augmentent la probabilité d'un autre diagnostic (p. ex., migraine vestibulaire). La migraine vestibulaire (également appelée vertige migraineux) est caractérisée par des épisodes de vertige chez des patients ayant des antécédents de migraines ou présentant d'autres caractéristiques des migraines, telles que des céphalées, une photophobie et une phonophobie ou des auras visuelles; il n'y a pas de perte d'audition.
Entre les crises, l'examen peut être tout à fait normal. Mais pendant une crise aiguë, le patient présente un nystagmus et peut tomber vers le côté atteint. De plus, dans les cas de longue durée ou réfractaires avec hypofonction labyrinthique associée, le test de piétinement de Fukuda (marche sur place les yeux fermés, également connu sous le nom de test d'Unterberger) entraîne une rotation du patient vers l'oreille atteinte, ce qui est compatible avec une lésion labyrinthique unilatérale.
La manœuvre de Halmagyi, ou test d'impulsion de la tête est une autre technique qui est utilisée pour mettre en évidence un dysfonctionnement labyrinthique unilatéral. Dans la manœuvre Halmagyi, l'examinateur demande au patient de fixer une cible droit devant lui (p. ex., le nez de l'examinateur). Puis, tout en observant les yeux du patient, l'examinateur tourne rapidement la tête du patient de 15 à 30° d'un côté.
Lorsque la tête est tournée d'un côté, la fonction vestibulaire de ce côté est normale si les yeux du patient restent fixés sur la cible. Lorsque la fonction vestibulaire est altérée, le réflexe vestibulo-oculaire (un réflexe qui coordonne les mouvements oculaires avec les mouvements de la tête, assurant une vision stable pendant le mouvement de la tête) est absent. Les yeux du patient ne restent pas fixés sur la cible mais suivent de façon transitoire la rotation de la tête, puis rapidement et volontairement retournent à la cible (appelées saccades de rattrapage retardées).
Les patients qui présentent des symptômes évoquant une maladie de Ménière doivent bénéficier d'un audiogramme et d'une IRM du système nerveux central (avec gadolinium) centrée sur les méats acoustiques internes pour éliminer d'autres causes. L'audiogramme montre généralement une perte auditive neurosensorielle sur les fréquences basses au niveau de l'oreille atteinte qui fluctue entre les tests. Les tests de Rinne et de Weber peuvent indiquer une perte auditive neurosensorielle.
Référence pour le diagnostic
1. Basura GJ, Adams ME, Monfared A, et al. Clinical Practice Guideline: Ménière's Disease Executive Summary. Otolaryngol Head Neck Surg. 2020;162(4):415-434. doi:10.1177/0194599820909439
Traitement de la maladie de Ménière
Soulagement des symptômes par des antiémétiques, des antihistaminiques, ou des benzodiazépines
Modifications du régime alimentaire et du mode de vie (p. ex., régime pauvre en sel et éviter la caféine et l'alcool)
Pharmacothérapie (p. ex., diurétiques) en traitement d'entretien
Rarement, décompression du sac endolymphatique, ou ablation vestibulaire par médicaments ou chirurgie
La maladie de Ménière a tendance à se stabiliser d'elle-même. Le traitement d'une crise aiguë vise à soulager les symptômes et est généralement débuté de façon progressive; les mesures les moins invasives sont effectuées en premier, puis les procédures d'ablation sont parfois effectuées en cas d'échec.
Pour le traitement des épisodes aigus, les antiémétiques anticholinergiques (p. ex., la prochlorpérazine ou la prométhazine, tous deux administrés par voie rectale ou orale toutes les 6 à 8 h) peuvent minimiser les symptômes gastro-intestinaux d'origine vagale (1). L'ondansétron est un antiémétique de deuxième intention. Les antihistaminiques (p. ex., diphenhydramine, méclizine ou cyclizine, par voie orale toutes les 6 heures) ou benzodiazépines (p. ex., diazépam par voie orale toutes les 6 à 8 heures) sont utilisés pour mettre au repos le système vestibulaire. Ni les antihistaminiques ni les benzodiazépines ne sont efficaces comme traitement prophylactique. Certains médecins utilisent également de brèves cures de glucocorticoïdes oraux à forte dose (p. ex., prednisone 60 mg par voie orale 1 fois/jour pendant 1 semaine, avec réduction progressive sur une autre semaine), mais ceci est généralement réservé aux patients présentant des symptômes graves ou réfractaires.
Les mesures prophylactiques du mode de vie telles qu'un régime pauvre en sel (< 1,5 g/jour), l'évitement de l'alcool et la limitation de l'apport en caféine sont généralement recommandées pour prévenir la rétention liquidienne; cependant, des données de haute qualité en faveur de leur efficacité font défaut (2).
Les diurétiques (p. ex., hydrochlorothiazide/triamtérène 25 mg/37,5 mg par voie orale 1 fois/jour ou acétazolamide 250 mg par voie orale 2 fois/jour) peuvent également aider à prévenir ou à réduire l'incidence des crises vertigineuses et sont couramment utilisés comme traitement d'entretien. La bétahistine, un autre agent pouvant être utilisé comme traitement d'entretien, est censée réduire la fréquence des vertiges en augmentant le flux sanguin dans l'oreille interne; elle peut être utilisée avec ou sans diurétiques (1). Il n'existe aucune étude bien conçue prouvant clairement l'efficacité de ces mesures dans la maladie de Ménière; cependant, certaines études ont montré un bénéfice et elles sont généralement bien tolérées.
Parce qu'il existe un fort chevauchement entre la maladie de Ménière et les troubles de la migraine, un essai des médicaments traditionnels de prévention de la migraine (p. ex., nortriptyline, venlafaxine) peut également être envisagé pour les épisodes réfractaires ou récidivants. Les médicaments traditionnels de prévention de la migraine (p. ex., les antidépresseurs tricycliques, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline) sont également bénéfiques chez certains patients qui ont une maladie de Ménière.
Bien que plus invasive, la décompression du sac endolymphatique soulage la plupart des patients de leurs vertiges, épargne la fonction vestibulaire et implique un risque minime de surdité. Ainsi, cette procédure est toujours considérée comme un traitement d'épargne vestibulaire.
Les injections intratympaniques en série de glucocorticoïdes (p. ex., la dexaméthasone) peuvent également être utiles chez certains patients et évitent les effets secondaires systémiques des glucocorticoïdes par voie orale (3). L'injection de gentamicine intratympanique (labyrinthectomie chimique) peut également être utilisée, mais comporte un risque élevé de perte auditive. Un suivi par audiométrie sérielle est recommandé après les injections intratympaniques afin de surveiller la perte auditive.
La chirurgie ablative est rarement utilisée et réservée aux patients présentant des épisodes fréquents et gravement invalidants qui ne répondent pas aux modalités moins invasives (c.-à-d., injection intratympanique de gentamicine). La neurectomie vestibulaire (une procédure intracrânienne) soulage les vertiges d'environ 95% des patients et préserve habituellement l'audition. Une labyrinthectomie chirurgicale n'est pratiquée que lorsque la surdité préexistante est profonde.
Malheureusement, il n'existe aucune méthode connue pour prévenir la progression naturelle de la surdité. La plupart des patients peuvent présenter une surdité neurosensorielle modérée à sévère dans l'oreille atteinte en 10 à 15 ans.
Références pour le traitement
1. Basura GJ, Adams ME, Monfared A, et al. Clinical Practice Guideline: Ménière's Disease Executive Summary. Otolaryngol Head Neck Surg. 2020;162(4):415-434. doi:10.1177/0194599820909439
2. Hussain K, Murdin L, Schilder AG. Restriction of salt, caffeine and alcohol intake for the treatment of Ménière's disease or syndrome. Cochrane Database Syst Rev. 2018;12(12):CD012173. Published 2018 Dec 31. doi:10.1002/14651858.CD012173.pub2
3. Ahmadzai N, Cheng W, Kilty S, et al. Pharmacologic and surgical therapies for patients with Meniere's disease: A systematic review and network meta-analysis. PLoS One. 2020;15(9):e0237523. Published 2020 Sep 1. doi:10.1371/journal.pone.0237523
Points clés
La maladie de Ménière provoque généralement un vertige avec des nausées et des vomissements, une plénitude auriculaire ipsilatérale, des acouphènes unilatéraux et chroniques et une perte progressive de l'audition.
Le diagnostic repose principalement sur l'anamnèse et l'examen physique; une évaluation de l'audition par audiogramme est effectuée et une IRM peut être réalisée pour exclure d'autres pathologies.
Les antiémétiques et les antihistaminiques peuvent soulager les symptômes; certains utilisent également des glucocorticoïdes oraux ou transtympaniques ou des médicaments préventifs de la migraine (p. ex., antidépresseurs tricycliques ou inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradénaline).
Les modifications du mode de vie telles qu'un régime pauvre en sel et l'évitement de l'alcool et de la caféine peuvent aider à prévenir les crises.
La pharmacothérapie par des diurétiques ou de la bétahistine est utilisée pour le traitement d'entretien.
Des traitements plus invasifs des cas réfractaires comprennent la décompression du sac endolymphatique, la gentamicine intratympanique et la neurectomie vestibulaire.



