Aux États-Unis, chaque année on observe environ 80 000 nouveaux cas de cancer de la vessie et près de 17 670 décès (estimations de 2019) qui lui sont liés (1). Le cancer de la vessie est le 4e cancer par ordre de fréquence chez l'homme et est moins fréquent chez la femme; le rapport homme:femme est d'environ 3:1. Le cancer de la vessie est plus fréquent chez les Blancs que chez les Noirs et son incidence augmente avec l'âge.
Les facteurs de risque sont les suivants:
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Tabac (le facteur de risque le plus fréquent en cause dans ≥ 50% des nouveaux cas)
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Utilisation excessive de phénacétine (abus d'antalgiques)
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Administration de cyclophosphamide à long terme
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Irritation chronique (p. ex., dans la schistosomiase, en cas de cathétérisation chronique ou de calculs vésicaux)
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Exposition à des hydrocarbures, à des métabolites du tryptophane ou à des produits chimiques industriels, notamment les amines aromatiques (colorants à base d'aniline, comme la naphtylamine, utilisés dans l'industrie des colorants) et les produits chimiques utilisés dans les industries du caoutchouc, dans l'industrie électrique, celle des câbles, des peintures et des textiles
Les formes de cancers de la vessie sont
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Les carcinomes à cellules transitionnelles (carcinomes urothéliaux), qui représentent > 90% des cancers de la vessie. La plupart sont des carcinomes papillaires, qui tendent à être superficiels et bien différenciés et à s'étendre de façon centrifuge; les tumeurs sessiles sont plus insidieuses, ont tendance à envahir plus précocement et à former des métastases.
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Le carcinome malpighien est moins fréquent et se manifeste habituellement en cas de parasitose vésicale ou d'irritation chronique de la muqueuse.
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L'adénocarcinome de la vessie peut être une tumeur primitive ou une métastase d'un carcinome intestinal. Il faut éliminer les métastases.
Chez > 40% des patients, les tumeurs récidivent au même endroit ou ailleurs en intra-vésical, en particulier si ces tumeurs sont importantes, peu différenciées ou multiples. Le cancer de la vessie a tendance à métastaser vers les ganglions lymphatiques, le poumon, le foie et l'os. L'expression des mutations de l'oncogène p53 peut être associée à la fois à la progression de la maladie et à la résistance à la chimiothérapie.
Dans la vessie, le carcinome in situ est un cancer de haut grade, mais n'est pas invasif et est habituellement multifocal; il a tendance à récidiver.
Références générales
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American Cancer Society: Key statistics for bladder cancer.
Symptomatologie
La plupart des patients présentent initialement une hématurie inexpliquée (macroscopique ou microscopique). Certains patients présentent initialement une anémie et l'hématurie est détectée durant les investigations. Des signes d'irritation mictionnels (dysurie, brûlures, pollakiurie) et une pyurie sont également des symptômes initiaux fréquents. Des douleurs pelviennes sont présentes dans les cancers avancés, au stade où une masse pelvienne est palpable.
Diagnostic
Le cancer de la vessie est suspecté cliniquement. Une cytologie urinaire, qui peut détecter des cellules malignes, peut être réalisée. La cystoscopie et la biopsie des zones anormales ou la résection des tumeurs sont nécessaires pour le diagnostic et la classification par stade clinique. Des tests des Ag urinaires sont disponibles mais leur utilisation n'est pas systématiquement recommandée pour le diagnostic. Ils sont parfois utilisés en cas de suspicion de cancer si les résultats de la cytologie sont négatifs.
La cystoscopie en lumière bleue après instillation intravésicale d'hexylaminolvulinate peut améliorer la détection du cancer de la vessie ainsi que la survie sans récidive. Cependant, cette technique n'a pas été montré augmenter la survie sans progression.
Pour les tumeurs de bas grade (stade T1 ou plus superficielles), qui représentent 70 à 80% des cancers de la vessie, la cystoscopie avec biopsie suffit pour classer le cancer. Cependant, si une biopsie montre que la tumeur est plus invasive qu'une tumeur superficielle plate, une biopsie supplémentaire comprenant des tissus musculaires, est effectuée. Si une tumeur envahit le muscle (≥ stade T2), une TDM abdomino-pelvienne et une rx thorax sont effectuées afin de déterminer l'étendue de la tumeur et d'évaluer les métastases. Les patients qui présentent des tumeurs invasives ont un examen bimanuel (toucher rectal chez l'homme, examen rectovaginal chez la femme) et une cystoscopie avec biopsie sous anesthésie. Le TNM standard (tumeur, ganglion, métastase) est utilisé (voir tableau AJCC/TNM classification par stade du cancer de la vessie et tableau Définitions TNM du cancer de la vessie).
Classification par stades AJCC/TNM* du cancer de la vessie
Définitions TNM du cancer de la vessie
Pronostic
Le cancer superficiel de la vessie (stade Ta ou T1) est rarement mortel. Le carcinome in situ (stade Tis) peut être plus agressif. En cas d'envahissement profond atteignant le muscle vésical, la survie à 5 ans est de près de 50%, mais la chimiothérapie néoadjuvante améliore ces résultats chez les patients dont la tumeur est chimiosensible. Généralement, le pronostic d'un cancer de la vessie invasif évolutif ou récidivant est mauvais. Le pronostic du carcinome malpighien de la vessie ou de l'adénocarcinome est également mauvais, car ces cancers sont habituellement très infiltrants et souvent détectés à un stade avancé.
Traitement
Cancers superficiels
Les cancers superficiels peuvent être complètement retirés par résection transurétrale ou électrocoagulation. Des instillations vésicales itératives de chimiothérapie comme la mitomycine C, gemcitabine +/- docetaxel, peuvent réduire le risque de récidive. Pour le carcinome in situ et les carcinomes urothéliaux superficiels de haut grade, l'immunothérapie telle que l'instillation de bacille Calmette-Guérin (BCG), après résection transurétrale est généralement plus efficace que la chimiothérapie. L'instillation peut être effectuée à intervalles hebdomadaires à mensuels pendant plus de 1 à 3 ans.
Cancers invasifs
Les tumeurs infiltrant le muscle (c'est-à-dire, ≥ stade T2) requièrent habituellement une cystectomie totale (ablation de la vessie et des structures adjacentes) associée à une dérivation urinaire concomitante; une cystectomie partielle n'est possible que chez < 5% des patients. La chimiothérapie néoadjuvante avec un protocole contenant du cisplatine avant la cystectomie est considérée comme la norme de soins chez les patients non éligibles. Une lymphadénectomie au moment de la chirurgie est nécessaire pour la classification par stade et le bénéfice thérapeutique potentiel; cependant, la mesure est discutable. Un essai randomisé de lymphadénectomie limitée versus étendue chez plus de 400 patients n'a montré aucune différence significative dans la survie sans récidive, mais les tendances à l'amélioration de la survie sans récidive, de la survie cas spécifique et de la survie globale sont notées et d'autres études en cours sont susceptibles de contextualiser ultérieurement ces résultats (1).
La dérivation urinaire après cystectomie implique traditionnellement une anastomose à une poche iléale abouchée à une stomie abdominale et un recueil des urines dans une poche externe. D'autres options telles qu'une néovessie orthotopique ou une dérivation cutanée continente sont très souvent adoptées et sont appropriées pour nombre de patients. Pour les 2 procédés, on confectionne un réservoir interne à partir de l'intestin. En cas de néovessie orthotopique, le réservoir est relié à l'urètre. Le patient vide le réservoir par relâchement des muscles du plancher pelvien et en augmentant la pression abdominale de sorte que l'urine passe par l'urètre presque naturellement. La plupart des patients conservent un contrôle mictionnel pendant la journée, mais des épisodes d'incontinence nocturne peuvent survenir. En cas de dérivation cutanée continente, le réservoir est relié à une stomie abdominale continente. Le patient vide le réservoir par autosondage à intervalles réguliers pendant la journée.
Les protocoles de préservation de la vessie qui associent la chimiothérapie et la radiothérapie peuvent être appropriés au cas de certains patients âgés ou qui refusent une chirurgie plus agressive. Ces protocoles peuvent permettre des taux de survie à 5 ans de 36 à 74% avec 10-30% des patients nécessitant une cystectomie de sauvetage.
Le patient doit être surveillé tous les 3 à 6 mois afin de vérifier l'évolutivité ou détecter une éventuelle récidive.
Cancers métastatiques et récidivants
Les métastases nécessitent une chimiothérapie, généralement à base de cisplatine, fréquemment efficace mais rarement curative, à moins que les métastases ne soient limitées qu'aux ganglions lymphatiques. Une association de chimiothérapie peut prolonger la vie du patient métastatique. Dans le cas des patients qui ne sont pas éligibles au cisplatine ou qui ont progressé après un traitement à base de cisplatine, des immunothérapies plus récentes utilisant des inhibiteurs de PD-1 et PD-L1 sont disponibles tels que le pembrolizumab et l'atézolizumab. Le premier traitement ciblé, l'erdafitinib, a également été récemment approuvé par la FDA pour une utilisation chez les patients présentant des mutations de FGFR3 et FGFR2 chez qui le traitement par chimiothérapie a échoué.
Le traitement d'une récidive du cancer dépend du stade clinique, de la localisation de la récidive, et du traitement antérieur. Les récidives après résection transurétrale d'une tumeur superficielle sont généralement traitées par une 2e résection ou par une électrocoagulation. Une cystectomie précoce est recommandée dans les cancers récidivants de la vessie superficiels de haut grade.
Références pour le traitement
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Gschwend JE, Jeck MM, Lehmann J, et al: Extended versus limited lymph node dissection in bladder cancer patients undergoing radical cystectomy: Survival results from a prospective, randomized trial. Eur Urol 75(4):604-611, 2019. doi: 10.1016/j.eururo.2018.09.047.
Points clés
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Le risque de cancer de la vessie augmente avec le tabagisme, la prise de phénacétine ou de cyclophosphamide, l'irritation chronique, ou l'exposition à certains produits chimiques.
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Les carcinomes transitionnels (urothéliaux) représentent > 90% des cancers de la vessie.
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Suspecter un cancer de la vessie en cas d'hématurie inexpliquée ou d'autres symptômes urinaires (en particulier chez des hommes d'âge moyen ou âgés).
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Diagnostiquer le cancer de la vessie par biopsie cystoscopique et, en cas d'invasion musculaire, effectuer une imagerie pour la classification par stade.
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Enlever les cancers superficiels par résection ou fulguration transurétrales, suivies d'instillations de médicaments répétées dans la vessie.
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Si le cancer pénètre dans le muscle, traiter par une chimiothérapie néoadjuvante à base de cisplatine suivie d'une cystectomie radicale avec dérivation urinaire ou, moins fréquemment, d'une radiothérapie et d'une chimiothérapie.
Médicaments mentionnés dans cet article
Nom du médicament | Sélectionner les dénominations commerciales |
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cyclophosphamide |
CYTOXAN (LYOPHILIZED) |
pembrolizumab |
KEYTRUDA |
gemcitabine |
GEMZAR |
docetaxel |
TAXOTERE |