Troubles de la coagulation dus à des anticoagulants circulants

ParMichael B. Streiff, MD, Johns Hopkins University School of Medicine
Reviewed ByJerry L. Spivak, MD; MACP, , Johns Hopkins University School of Medicine
Vérifié/Révisé Modifié juill. 2025
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Les anticoagulants circulants sont habituellement des auto-anticorps qui neutralisent in vivo les facteurs spécifiques de la coagulation (p. ex., un auto-anticorps dirigé contre le facteur VIII ou le facteur V) ou qui inhibent in vitro les protéines associées à des phospholipides (anticorps antiphospholipides). Parfois, ce dernier type d'auto-anticorps provoque des hémorragies en se fixant in vivo aux complexes phospholipides-prothrombine.

(Voir aussi Revue générale des troubles de la coagulation.)

La présence d'anticoagulants circulants doit être suspectée en cas d'hémorragie excessive associée à un allongement du temps partiel de thromboplastine (= TPP, TCK, TCA, TPP) ou du temps de prothrombine (temps de Quick [TQ]) qui ne se corrige pas lorsque le test est répété avec un 1:1 mélange à volume égal de plasma normal et de plasma du patient.

Les auto-anticorps dirigés contre des complexes protéine/phospholipide provoquent généralement une thrombose artérielle et/ou veineuse (le syndrome des antiphospholipides [APS]). La physiopathologie précise de la thrombose dans le syndrome des antiphospholipides est inconnue. Bien que les autoanticorps protéines-phospholipides se lient fréquemment à la bêta2-glycoprotéine-1, on ignore comment cette interaction déclenche la thrombose. Chez un certain nombre de patients, les auto-anticorps se lient aux complexes phospholipides-prothrombine et induisent une hypoprothrombinémie et des hémorragies.

Inhibiteurs du facteur VIII et du facteur IX

Des iso-anticorps antifacteur VIII apparaissent chez près de 30% des patients atteints d'hémophilie A sévère comme complication de l'exposition répétée aux molécules de facteur VIII lors du traitement substitutif (1). Des anticorps antifacteur VIII apparaissent également de façon occasionnelle en dehors de l'hémophilie, p. ex., au cours du post-partum, comme une manifestation d'une maladie auto-immune systémique ou d'une dérégulation immunitaire transitoire, ou chez le sujet âgé sans élément évident en faveur d'une affection sous-jacente. Les patients porteurs d'un inhibiteur du facteur VIII peuvent développer des hémorragies mettant en jeu le pronostic vital.

De même, les patients atteints d'hémophilie B sévère peuvent développer des isoanticorps anti-facteur IX, bien que cela soit moins fréquent et ne survienne que dans environ 2 à 3% des cas (2).

Un plasma contenant un anticorps antifacteur VIII entraîne une prolongation du temps partiel de thromboplastine (= TPP, TCK, TCA, TPP) qui ne se corrige pas lorsqu'un plasma normal ou une autre source de facteur VIII est mélangé à volume égal (1:1) avec le plasma du patient. Le test est effectué immédiatement après mélange puis après incubation. Des tests similaires sont effectués pour l'anticorps contre le facteur IX.

Références générales

  1. 1. Iorio A, Fischer K, Makris M. Large scale studies assessing anti-factor VIII antibody development in previously untreated haemophilia A: what has been learned, what to believe and how to learn more. Br J Haematol. 2017;178(1):20-31. doi:10.1111/bjh.14610

  2. 2. Puetz J, Soucie JM, Kempton CL, Monahan PE. Hemophilia Treatment Center Network (HTCN) Investigators. Prevalent inhibitors in haemophilia B subjects enrolled in the Universal Data Collection database. Haemophilia. 2014;20(1):25-31. doi:10.1111/hae.12229

Traitement des troubles de la coagulation dus à des anticoagulants circulants

  • Chez les patients non hémophiles, le cyclophosphamide, les glucocorticoïdes ou le rituximab sont utilisés pour éliminer les inhibiteurs

  • Chez les patients hémophiles, l'induction de tolérance immunitaire par remplacement du facteur à haute dose à long terme est utilisée pour éliminer les inhibiteurs

Chez les patients non hémophiles qui développent des inhibiteurs de facteur, un traitement par cyclophosphamide, glucocorticoïdes ou rituximab (anticorps monoclonal contre les lymphocytes CD20) est utilisé pour supprimer la production d'auto-anticorps. Chez certains patients, les auto-anticorps peuvent disparaître spontanément.

Chez les patients qui ont une hémophilie A, les inhibiteurs du facteur VIII sont éliminés par induction de tolérance immunitaire en utilisant un remplacement du facteur VIII à haute dose. Certains protocoles comprennent l'immunosuppression en cas de maladie réfractaire.

Chez les patients qui ont une hémophilie B et des inhibiteurs du facteur IX, l'exposition au facteur IX peut provoquer des réactions anaphylactiques et un syndrome néphrotique. La désensibilisation au facteur IX associée à une immunosuppression est une stratégie potentielle facilitant l'induction de la tolérance immunitaire chez ces patients.

Le facteur VIIa humain recombinant est utilisé pour traiter les épisodes hémorragiques aigus chez les patients hémophiles A ou B porteurs d'inhibiteurs ou chez les patients non hémophiles qui développent des auto-anticorps anti-facteur VIII ou IX. Les concentrés de complexe prothrombinique activés peuvent également être utilisés pour traiter les saignements chez les patients qui ont des inhibiteurs du facteur VIII avec ou sans hémophilie A. Les concentrés de complexe prothrombinique activés contiennent du facteur IX, ils ne peuvent donc pas être utilisés pour traiter les patients qui ont des inhibiteurs du facteur IX (1).

L'émicizumab est un anticorps monoclonal bispécifique humanisé recombinant qui se lie à la fois au facteur IX et au facteur X et les relie à un complexe actif du type facteur Xase qui évite d'avoir recours au facteur VIII. L'émicizumab peut être utilisé pour prévenir ou réduire la fréquence des épisodes de saignement chez les patients atteints d'hémophilie A avec ou sans inhibiteurs du facteur VIII. Le concizumab, un anticorps monoclonal contre l'inhibiteur de la voie du facteur tissulaire (TFPI), réduit le taux de TFPI, améliorant l'hémostase malgré la déficience en facteur VIII ou facteur IX. Le concizumab peut être utilisé dans l'hémophilie A ou B avec ou sans inhibiteurs. Le marstacimab, un autre anticorps monoclonal humanisé contre l'inhibiteur de la voie du facteur tissulaire (tissue factor pathway inhibitor, TFPI), fonctionne de manière similaire et est utilisé pour le traitement de l'hémophilie A ou B sans inhibiteurs.

Le fitusiran est un petit ARN inhibiteur dirigé contre l'antithrombine qui inhibe la synthèse d'antithrombine dans le foie. La réduction des taux d'antithrombine rééquilibre l'hémostase malgré la réduction des taux de facteur VIII ou IX. Le fitusiran peut être utilisé chez les patients qui ont une hémophilie A ou B avec ou sans inhibiteurs (2, 3).

Le facteur VIII porcin recombinant est également disponible pour le traitement des patients atteints d'hémophilie A avec des auto-anticorps anti-facteur VIII (4). La structure du facteur VIII porcin diffère du facteur VIII humain. Par conséquent, le facteur VIII porcin peut être efficace pour l'hémostase chez les patients porteurs d'inhibiteurs du facteur VIII, dont les anticorps ne réagissent pas de manière croisée avec le facteur VIII porcin.

Références pour le traitement

  1. 1. Kruse-Jarres R, Kempton CL, Baudo F, et al. Acquired hemophilia A: Updated review of evidence and treatment guidance. Am J Hematol. 2017;92(7):695-705. doi:10.1002/ajh.24777

  2. 2. Sehgal A, Barros S, Ivanciu L, et al. An RNAi therapeutic targeting antithrombin to rebalance the coagulation system and promote hemostasis in hemophilia. Nat Med. 21:492–497, 2015. doi:10.1038/nm.3847

  3. 3. Chowdary P, Lethagen S, Friedrich U, et al. Safety and pharmacokinetics of anti-TFPI antibody (concizumab) in healthy volunteers and patients with hemophilia: A randomized first human dose trial. J Thromb Haemost. 13:743–754, 2015. doi:10.1111/jth.12864

  4. 4. Ellsworth P, Chen S-L,  Kasthuri RS, et al. Recombinant porcine FVIII for bleed treatment in acquired hemophilia A: findings from a single-center, 18-patient cohort. Blood Adv 2020. 4 (24): 6240–6249. doi:10.1182/bloodadvances.2020002977

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