(Voir aussi Revue générale des syndromes coronariens aigus.)
Aux États-Unis, environ 1,0 million d'infarctus du myocarde se produisent chaque année. L'infarctus du myocarde cause la mort de 300 000 à 400 000 personnes (voir aussi Arrêt cardiaque).
L'infarctus aigu du myocarde, ainsi que l'angor instable, sont considérés comme des syndromes coronariens aigus. L'infarctus du myocarde aigu comprend à la fois l'infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (STEMI) et l'infarctus du myocarde sans élévation du segment ST (NSTEMI). La distinction entre NSTEMI et STEMI est essentielle car les stratégies de traitement sont différentes pour ces deux entités.
Physiopathologie
L'infarctus du myocarde est défini comme une nécrose myocardique dans un cadre clinique compatible avec une ischémie myocardique (1). Ces pathologies peuvent être diagnostiquées par une augmentation des biomarqueurs cardiaques (de préférence la troponine cardiaque [cTn]) au-dessus du 99e percentile de la limite supérieure de référence et au moins une des opérations suivantes:
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Symptômes d'ischémie
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Modifications de l'ECG indiquant une nouvelle ischémie (modifications importantes de ST/T ou bloc de branche gauche)
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Développement d'ondes Q pathologiques
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Mise en évidence sur l'imagerie d'une nouvelle perte de myocarde ou d'une nouvelle anomalie des mouvements des parois myocardiques
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Angiographie ou preuve à l'autopsie d'un thrombus intracoronaire
Des critères légèrement différents sont utilisés pour diagnostiquer l'infarctus du myocarde pendant et après une intervention coronarienne percutanée ou un pontage aortocoronarien, et en tant que cause de mort subite.
L'infarctus du myocarde peut également être classé en 5 catégories basées sur l'étiologie et les circonstances:
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Type 1: infarctus du myocarde spontané causé par l'ischémie due à un événement coronarien primaire (p. ex., rupture, érosion ou fissure de plaque; dissection coronarienne)
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Type 2: ischémie due à l'augmentation de la demande en oxygène (p. ex., hypertension), ou à la diminution de l'apport (p. ex., spasme ou embolie coronaires, arythmie, hypotension)
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Type 3: lié à une mort subite inattendue
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Type de 4a: associé à une intervention coronarienne percutanée (signes et symptômes de l'infarctus du myocarde avec des valeurs cTn > 5 × 99e percentile de la limite supérieure de référence)
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Type 4b: associé à une thrombose de stent documentée
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Type 5: associé à un pontage aorto-coronarien (signes et symptômes de l'infarctus du myocarde avec des valeurs de cTn > 10 × 99e percentile de la limite supérieure de référence)
Site de l'infarctus
L'infarctus du myocarde affecte principalement le ventricule gauche, mais des lésions peuvent s'étendre au ventricule droit ou aux oreillettes.
L'infarctus du ventricule droit est habituellement causé par l'obstruction de l'artère coronaire droite dominante ou d'une artère circonflexe gauche dominante; il se caractérise par une pression de remplissage élevée du ventricule droit, souvent associée à une grave insuffisance tricuspidienne et une réduction du débit cardiaque.
Un infarctus inféropostérieur entraîne un certain degré de dysfonctionnement du ventricule droit chez environ la moitié des patients et entraîne des troubles hémodynamiques dans 10 à 15% des cas. Le dysfonctionnement du ventricule droit doit être suspecté chez tout patient qui a un infarctus postéro-inférieur et une hypotension ou un choc avec pression veineuse jugulaire augmentée. L'infarctus du ventricule droit compliquant un infarctus du ventricule gauche augmente significativement le risque de décès.
Les infarctus antérieurs ont tendance à être plus étendus et à avoir un plus mauvais pronostic que les infarctus inféropostérieurs. Ils sont généralement dus à une obstruction de l'artère coronaire gauche, en particulier de l'artère interventriculaire antérieure; les infarctus inféropostérieurs reflètent une obstruction de l'artère coronaire droite ou de la circonflexe gauche.
Importance de l'infarctus
L'infarctus peut être
Les infarctus transmuraux atteignent toute l'épaisseur du myocarde, de l'épicarde à l'endocarde et sont habituellement caractérisés par la présence d'ondes Q pathologiques à l'ECG.
Les infarctus non transmuraux (qui comprennent les sous-endocardiques) ne traversent pas la paroi ventriculaire et n'entraînent que des anomalies du segment ST et de l'onde T (ST-T). Les infarctus sous-endocardiques ne concernent habituellement que le tiers interne du myocarde, où la tension pariétale est maximale et où le débit myocardique est le plus sensible aux troubles circulatoires. Ces infarctus peuvent survenir après une hypotension prolongée.
L'étendue anatomique de la nécrose ne pouvant être déterminée cliniquement avec précision, les infarctus sont habituellement classés comme STEMI ou NSTEMI selon la présence ou l'absence de sus-décalage du segment ST et d'ondes Q à l'ECG. Le volume myocardique détruit peut être estimé par l'importance et la durée de l'élévation des taux de CK ou par les pics des troponines cardiaques plus communément mesurées.
L'infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI, infarctus du myocarde sous endocardique) est une nécrose myocardique (prouvée par la présence de marqueurs cardiaques dans le sang; troponine I ou T et CK élevées) sans élévation aiguë du segment ST. Les anomalies ECG comme le sous-décalage du segment ST et/ou l'inversion de l'onde T peuvent être présentes.
L'infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI, infarctus du myocarde transmural) est une nécrose myocardique avec élévation du segment ST à l'ECG qui n'est pas rapidement supprimée par la nitroglycérine. La troponine I ou la troponine T et CK sont élevés.
Référence pour la physiopathologie
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1. Thygesen K, Alpert JS, Jaffe AS, et al, the Writing Group on behalf of the Joint ESC/ACCF/AHA/WHF Task Force for the Universal Definition of Myocardial Infarction: ESC/ACCF/AHA/WHF Expert Consensus Document Third Universal Definition of Myocardial Infarction. Circulation 126:2020–2035, 2012. doi: 10.1161/CIR.0b013e31826e1058
Symptomatologie
Les symptômes des infarctus du myocarde avec ou sans sus-décalage du segment ST sont identiques. Des jours ou des semaines avant l'infarctus, environ 2/3 des patients ressentent des symptômes prodromiques, qui comprennent un angor instable ou un angor, une dyspnée et une fatigue crescendo.
Généralement, le premier symptôme d'infarctus est une douleur viscérale profonde, rétrosternale, décrite comme une sensation d'oppression douloureuse et irradiant souvent vers le dos, la mâchoire, le bras gauche, le bras droit, les épaules ou toutes ces zones. La douleur est semblable à un angor mais est habituellement plus sévère et de plus longue durée; très souvent accompagnée d'une dyspnée, de sueurs, de nausées et de vomissements; elle est peu ou seulement temporairement soulagée par le repos et la nitroglycérine. Cependant, l'inconfort peut être modéré; environ 20% des infarctus du myocarde aigus sont silencieux (c'est-à-dire, asymptomatiques ou produisant de vagues symptômes non reconnus comme pathologiques par le patient), notamment chez les diabétiques. Le patient interprète souvent sa douleur comme une indigestion, en particulier parce qu'un soulagement spontané peut être faussement attribué à l'éructation ou à la consommation d'antiacides.
Certains patients présentent initialement une syncope.
Les femmes ont plus de risques de présenter une douleur thoracique atypique. Les personnes âgées se plaignent parfois plus d'une dyspnée que d'une douleur thoracique de type ischémique.
Dans les épisodes ischémiques graves, la une douleur est souvent importante et le patient est agité et anxieux. Des nausées et vomissements peuvent survenir, en particulier avec un infarctus du myocarde inférieur. Une dyspnée et une asthénie dues à une insuffisance ventriculaire gauche, un œdème du poumon, un choc ou d'importants troubles du rythme peuvent dominer le tableau clinique.
La peau peut être pâle, froide et couverte de sueur. Il peut y avoir une cyanose périphérique ou centrale. Le pouls peut être filant et la pression artérielle variable, bien que les patients puissent initialement être souvent hypertendus en cas de douleur.
Les bruits cardiaques sont presque toujours un peu assourdis; un 4e bruit du cœur est presque toujours présent. Il peut y avoir un souffle systolique doux, apical (témoignant du dysfonctionnement d'un pilier). La présence pendant l'examen initial d'un frottement péricardique ou d'un souffle inhabituel évoque un trouble cardiaque préexistant ou un autre diagnostic. La détection d'un frottement péricardique dans les heures qui suivent le début de la douleur suggère une péricardite aiguë plutôt qu'un infarctus du myocarde. Cependant des frottements péricardiques, habituellement fugaces, apparaissent fréquemment 2 ou 3 jours après un infarctus du myocarde avec sus-décalage de ST (STEMI). La paroi thoracique est sensible à la palpation chez environ 15% des patients.
Dans l'infarctus du ventricule droit, les signes cliniques comprennent une pression de remplissage du ventricule droit élevée, une turgescence jugulaire (souvent associée à un signe de Kussmaül), des champs pulmonaires indemnes et une hypotension.
Diagnostic
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ECG en série
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Marqueurs cardiaques sériés
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Coronarographie immédiate (sauf si des fibrinolytiques sont administrés) en cas de STEMI ou de complications (p. ex., douleur thoracique persistante, hypotension, élévation nette des marqueurs cardiaques, troubles du rythme instables)
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Coronarographie semi-urgente (24 à 48 heures) en cas d'infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST ou d'angor instable sans complications
(Voir aussi l'algorithme Approche de l'infarctus du myocarde.)
L'évaluation commence par un ECG initial et en série et des mesures en série des marqueurs cardiaques afin de pouvoir distinguer l'angine instable, l'infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (STEMI), et l'infarctus du myocarde sans élévation du segment ST (NSTEMI). Cette distinction représente la clé de l'arbre décisionnel, car la fibrinolyse, bénéfique en cas d'infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI), pourrait augmenter les risques en cas d'infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI) et en cas d'angor instable. De plus, le cathétérisme cardiaque en urgence est indiqué en cas d'infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI) mais pas généralement dans l'infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI).
ECG
L'ECG est l'examen le plus important et doit être effectué dans les 10 min qui suivent l'arrivée du patient aux urgences.
Dans le STEMI, l’ECG initial est généralement diagnostique et montre une élévation du segment ST ≥ 1 mm dans 2 ou plus de dérivations contiguës sous-tendant la zone lésée (voir figures Infarctus aigu du ventricule gauche, Infarctus latéral aigu du ventricule gauche, Infarctus latéral gauche du ventricule (plusieurs jours plus tard), Infarctus ventriculaire gauche aigu inférieur (diaphragmatique), Infarctus ventriculaire gauche inférieur (diaphragmatique), Infarctus ventriculaire gauche inférieur (diaphragmatique) (plusieurs jours plus tard).
Les ondes Q pathologiques ne sont pas nécessaires au diagnostic. L'ECG doit être lu attentivement, car le sus-décalage du segment ST peut être discret, en particulier dans les dérivations inférieures (II, III, aVF); parfois l'attention se focalise à tort sur les dérivations avec un sous-décalage du segment ST. Si les symptômes sont caractéristiques, le sus-décalage du segment ST à l'ECG a une spécificité de 90% et une sensibilité de 45% pour le diagnostic d'infarctus du myocarde. Les ECG répétés (toutes les 8 heures pendant 1 jour, puis quotidiennement) montrent l'évolution progressive vers un aspect plus stable et moins pathologique ou l'apparition en quelques jours d'ondes Q de nécrose confirmant le diagnostic.
En cas de suspicion d'infarctus du ventricule droit, un ECG à 15 dérivations est généralement effectué; les dérivations supplémentaires sont placées en V4-6R, et, pour détecter un infarctus postérieur, en V8 et V9.
Le diagnostic ECG d'infarctus du myocarde est plus difficile lorsqu'un bloc de branche gauche est présent parce que le tracé peut ressembler à celui d'un STEMI (infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST). Un sus-décalage du segment ST concordant avec le complexe QRS suggère fortement un infarctus du myocarde de même qu'un sus-décalage > 5 mm dans au moins 2 dérivations précordiales. Mais généralement, tout patient qui présente des symptômes évocateurs et un bloc de branche gauche d'apparition récente (ou non connu par le passé) doit être traité comme un STEMI (infarctus du myocarde avec sus-décalage de ST).
Marqueurs cardiaques
Les marqueurs cardiaques (marqueurs sériques des lésions des cellules myocardiques) sont des enzymes cardiaques (p. ex., CK-MB) et des contenus cellulaires (p. ex., troponine I, troponine T, myoglobine) qui sont libérés dans le flux sanguin après nécrose d'une cellule myocardique. Les marqueurs apparaissent à différentes périodes après l'infarctus du myocarde et leurs taux diminuent à des vitesses différentes. La sensibilité et la spécificité de ces marqueurs en cas de lésions des cellules du myocarde varie considérablement, mais les troponines (cTn) sont les plus sensibles et spécifiques et sont à présent les marqueurs de choix. Récemment, plusieurs nouveaux tests de la troponine cardiaque (hs-cTn) très sensibles, également très précis, sont devenus disponibles. Ces tests peuvent mesurer de manière fiable des taux de cTn (T ou I) aussi faibles que 0,003 à 0,006 ng/mL (3 à 6 pg/mL); certains dosages en recherche vont jusqu'à 0,001 ng/mL (1 pg/mL).
Les anciens tests de mesure de cTn étaient moins sensibles et avaient peu de chances de détecter un cTn, sauf en cas de trouble cardiaque aigu. Ainsi, un cTn « positif » (c'est-à-dire, au-dessus de la limite de détection) était très spécifique. Cependant, les nouveaux tests hs-cTn peuvent détecter de petites quantités de cTn chez de nombreux sujets en bonne santé. Ainsi, les taux de hs-cTn doivent être rapportés à la normale, et ne sont définis comme "élevés" que lorsqu'ils sont plus élevés que chez 99% de la population de référence. En outre, bien qu'un taux de cTn élevé indique une lésion des cellules du myocarde, il ne précise pas la cause de la lésion (bien que toute élévation de la cTn augmente le risque d'effets indésirables dans de nombreux troubles). En plus d'un syndrome coronarien aigu, de nombreux autres troubles cardiaques et non-cardiaques peuvent élever les taux de hs-cTn (voir tableau Causes d'élévation de la troponine); tous les taux élevés de hs-cTn n'indiquent pas un infarctus du myocarde et toutes les nécroses myocardiques ne résultent pas d'un syndrome coronarien aigu, même lorsque l'étiologie est ischémique. Cependant, la détection de taux de cTn bas, les dosages de hs-cTn permettent une identification plus précoce des infarctus du myocarde que d'autres tests, et ont remplacé d'autres tests de marqueurs cardiaques dans de nombreux centres.
Les patients suspectés d'avoir un infarctus du myocarde doivent avoir leur taux de hs-cTn mesuré lors de la présentation et 3 heures plus tard (à 0 et 6 heures si on utilise un dosage Tn standard).
Tous les examens de laboratoire doivent être interprétés dans le contexte de la probabilité de maladie pré-test (voir aussi Compréhension des examens médicaux et des résultats des examens). Ceci est particulièrement pertinent pour le test hs-cTn, étant donné la très grande sensibilité de ce test, mais s’applique à tous les tests cTn.
Un taux de cTn doit être interprété en fonction de la probabilité pré-test de maladie du patient, qui est estimée cliniquement en fonction de:
Une probabilité pré-test élevée, plus un taux élevé de cTn sont très évocateurs d'un infarctus du myocarde, alors qu'une probabilité pré-test basse, plus un taux normal de cTn ne représentera que peu probablement un infarctus du myocarde. Le diagnostic est plus difficile lorsque les résultats des tests sont contradictoires avec la probabilité pré-test, dans ce cas, les taux de cTn sériés sont souvent utiles. Un patient qui a une faible probabilité pré-test et un cTn initialement légèrement élevé qui reste stable lors de tests répétés a probablement une maladie cardiaque mais pas un syndrome coronarien aigu (p. ex., insuffisance cardiaque, maladie coronarienne stable). Cependant, si le taux de répétition augmente de façon significative (c'est-à-dire, > 20 à 50%) la probabilité d'un infarctus du myocarde devient beaucoup plus élevée. Si un patient qui a une forte probabilité pré-test a un taux de cTn normal qui monte > 50% lorsque le cTc est de nouveau mesuré, un infarctus du myocarde est probable; des taux qui continuent d'être normaux (y compris souvent à 6 heures et au-delà lorsque la suspicion est élevée) incitent à rechercher un autre diagnostic.
Coronarographie
La coronarographie associe le plus souvent le diagnostic au traitement (intervention coronarienne percutanée, stent). Lorsque cela est possible, une angiographie coronarienne et une intervention coronarienne percutanée d'urgence sont effectuées dès que possible après l'apparition de l'infarctus du myocarde aigu (intervention coronarienne percutanée primaire). Dans de nombreux centres de soins spécialisés, cette approche a considérablement réduit la morbidité et la mortalité et amélioré les résultats à long terme. Fréquemment, l'infarctus peut être enrayé lorsque le délai entre la douleur et l'intervention coronarienne percutanée est court (< 3 à 4 heures).
L'angiographie est pratiquée en urgence en cas de STEMI (infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST), de douleur persistante en dépit d'un traitement médical optimisé, et de complications (p. ex., élévation majeure des enzymes cardiaques, choc cardiogénique, insuffisance mitrale aiguë, communication interventriculaire, troubles du rythme). Les patients qui présentent un infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI) non compliqué, dont les symptômes ont disparu requièrent une angiographie au cours des 24 à 48 premières heures d'hospitalisation pour détecter des lésions pouvant nécessiter un traitement.
Après le bilan initial et la mise en route du traitement, la coronarographie peut être réalisée chez les patients qui restent ischémiques (signes ECG ou symptômes), ceux qui présentent une instabilité hémodynamique, une tachyarythmie ventriculaire récidivante ou d'autres anomalies qui évoquent une récidive ischémique. Certains experts recommandent également que l'angiographie soit faite avant la sortie de l'hôpital chez des patients qui ont eu un STEMI (infarctus du myocarde avec un sus-décalage du segment ST) avec une ischémie inductible sur l'imagerie de stress ou une fraction d'éjection < 40%.
Pronostic
Le risque global doit être estimé par des scores de risque cliniques formels (Thrombosis in Myocardial Infarction [TIMI], ou une association des caractéristiques de risque élevé suivantes:
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Angor/ischémie récurrent au repos ou pendant une activité peu intense
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Insuffisance cardiaque
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Aggravation de l'insuffisance mitrale
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Résultat du test d'effort à haut risque (test arrêté à ≤ 5 min en raison de symptômes, anomalies marquées à l'ECG, hypotension, ou troubles du rythme ventriculaires complexes)
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Instabilité hémodynamique
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Tachycardie ventriculaire soutenue
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Diabète sucré
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Intervention coronarienne percutanée au cours des 6 derniers mois
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Antécédents de pontage aortocoronarien
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Fraction d'éjection du ventricule gauche < 0,40
La mortalité globale avant l’ère moderne du traitement fibrinolytique et intervention coronarienne percutanée était d'environ 30%, avec 25 à 30% de ces patients mourant avant leur arrivée à hôpital (le plus souvent du fait d'une fibrillation ventriculaire). La mortalité à l'hôpital est d'environ 10% (essentiellement due au choc cardiogénique) mais varie en fonction de la gravité de l'insuffisance ventriculaire gauche (voir tableau Classification de Killip de l'infarctus du myocarde aigu).
Dans le cas d'un traitement de reperfusion (fibrinolyse ou intervention coronarienne percutanée), la mortalité hospitalière est de 5 à 6%, contre 15% chez les patients éligibles à une reperfusion qui ne reçoivent pas un traitement de reperfusion. Dans les centres dotés de programmes d'intervention coronarienne percutanée primaire, la mortalité hospitalière est < 5%.
La plupart des patients qui décèdent de choc cardiogénique ont un infarctus ou l'association d'un infarctus ancien et d'un récent, atteignant ≥ 50% de la masse du ventricule gauche. Cinq caractéristiques cliniques prédisent 90% de mortalité en cas de STEMI (infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST) (voir tableau Mortalité à 30 jours en cas de STEMI et Risque d'événement grave à 14 jours d'un NSTEMI):
La mortalité tend à être plus élevée chez les femmes et chez les diabétiques.
La mortalité des patients qui survivent à l'hospitalisation initiale est de 8 à 10% dans l'année suivant l'infarctus du myocarde. La plupart des décès se produisent dans les 3 ou 4 premiers mois. Les troubles du rythme ventriculaires, l'insuffisance cardiaque, une mauvaise fonction ventriculaire et l'ischémie récidivante indiquent un risque élevé. De nombreux experts recommandent de réaliser un ECG d'effort avant le retour à domicile ou dans les 6 semaines suivantes. Une bonne tolérance à l'effort sans signes ECG indique un pronostic favorable; une évaluation plus poussée n'est généralement pas nécessaire. Une épreuve d'effort anormale est de mauvais pronostic.
La performance cardiaque après la guérison dépend essentiellement de la proportion de myocarde viable après l'attaque aiguë. La lésion aiguë s'ajoute aux cicatrices d'infarctus précédents. Quand > 50% de la masse ventriculaire gauche sont lésés, une survie prolongée est inhabituelle.
Classification de Killip de l'infarctus du myocarde aigu*
Mortalité à 30 jours en cas de STEMI (infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST)
Risque d'événement grave* à 14 jours d'un NSTEMI (infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST)
Traitement
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Soins préhospitaliers: oxygène, aspirine, nitrates et triage vers un centre médical approprié
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Traitement médicamenteux: médicaments antiplaquettaires, anti-angineux, anticoagulants et, dans certains cas, d'autres médicaments
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Un traitement de reperfusion: fibrinolytiques ou angiographie avec intervention coronarienne percutanée ou pontage aorto-coronarien
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Rééducation et prise en charge chronique de la maladie coronarienne après la sortie
Le choix du traitement médicamenteux et le choix de la stratégie de reperfusion sont traités ailleurs.
Soins préhospitaliers
On doit mettre en place un bon accès IV, administrer de l'oxygène (généralement 2 L par voie nasale) et débuter une surveillance continue de l'ECG à une seule dérivation. Les interventions préhospitalières par le personnel d'urgence (dont ECG, comprimé d'aspirine masticable [325 mg] et la prise en charge de la douleur par des nitrates) peuvent réduire les risques de mortalité et de complications. Les premières données diagnostiques et de réponse au traitement permettent de déterminer la nécessité et le moment de la revascularisation.
Hospitalisation
À l'arrivée en salle d'urgence, le diagnostic du patient est confirmé. Le traitement médicamenteux et le calendrier de revascularisation dépendent du tableau et du diagnostic cliniques.
En cas de STEMI, la stratégie de reperfusion peut comprendre la thérapie fibrinolytique ou l'intervention coronarienne percutanée immédiate. En cas de NSTEMI, l'angiographie peut être effectuée dans les 24 à 48 heures suivant l'admission si le patient est cliniquement stable. Si le patient est instable (p. ex., symptômes en cours, hypotension ou arythmie soutenue), une angiographie doit être immédiatement pratiquée (voir figure Approche de l'infarctus du myocarde).
Approche de l'infarctus du myocarde
Traitement médicamenteux de l'infarctus du myocarde aigu
Tous les patients doivent recevoir des antiagrégants plaquettaires, des anticoagulants et en cas de douleur thoracique, des médicaments anti-angineux. Les médicaments spécifiques utilisés dépendent de la stratégie de reperfusion et d'autres facteurs; leur sélection et leur utilisation sont abordées dans la section Médicaments dans les syndromes coronariens aigus. D'autres médicaments, tels que les bêta-bloqueurs, les inhibiteurs de l'ECA (enzyme de conversion d l'angiotensine) et les statines, doivent être débutés lors de l'admission (voir tableau Médicaments des coronaropathies).
En cas d'infarctus du myocarde aigu, les patients doivent recevoir les médicaments ci-après (sauf contre-indication):
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Médicaments antiplaquettaires: aspirine, clopidogrel ou les deux (le prasugrel ou le ticagrelor sont des alternatives au clopidogrel)
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Anticoagulants: une héparine (héparine non fractionnée ou de bas poids moléculaire) ou bivalirudine
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Inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIa lorsqu'une intervention coronarienne percutanée est effectuée
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Traitement anti-angineux, généralement nitroglycérine
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bêta-Bloqueur
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Inhibiteur de l'ECA
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Statine
On administre à tous les patients 160 à 325 mg d'aspirine (sans revêtement entérique), en l'absence de contre-indication, au début des troubles et 81 mg 1 fois/jour indéfiniment par la suite. Mâcher la 1ère dose avant de la déglutir en accélère l'absorption. L'aspirine réduit la mortalité à court et à long terme. Chez les patients subissant une intervention coronarienne percutanée, une dose de charge de clopidogrel (300 à 600 mg par voie orale 1 fois), de prasugrel (60 mg par voie orale 1 fois) ou de ticagrelor (180 mg par voie orale 1 fois) améliore les résultats, en particulier lorsqu'ils sont administrés 24 heures à l'avance. En cas d'intervention coronarienne percutanée en urgence, le prasugrel et le ticagrélor ont un début d'action rapide et peuvent être préférables.
On administre en routine soit une héparine de bas poids moléculaire soit une héparine non fractionnée, ou de la bivalirudine, chez les patients sauf en cas de contre-indication (p. ex., hémorragie active). L'héparine non fractionnée est plus compliquée à utiliser car son dosage doit être fréquemment (toutes les 6 heures) ajusté pour atteindre le temps partiel de thromboplastine (= TPP, TCK, TCA, TPP) activé (aTCA) cible. L'héparine de bas poids moléculaire a une meilleure biodisponibilité, et est administrée en fonction du poids sans surveillance du temps partiel de thromboplastine (= TPP, TCK, TCA, TPP) (aTCA) et titration de la dose; elle présente moins de risque de thrombopénie induite par l'héparine. La bivalirudine est recommandée en cas d'anamnèse connue ou suspectée de thrombopénie induite par l' héparine. Les anticoagulants sont poursuivis pendant:
Envisager un inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIa lors de l'intervention coronarienne percutanée en cas de lésions à haut risque (p. ex., gros thrombus, pas de reperfusion). L'abciximab, tirofiban et eptifibatide semblent avoir une efficacité équivalente et le choix du médicament dépend d'autres facteurs (p. ex., coût, disponibilité, familiarité). Ce traitement doit être suivi pendant 6 à 24 heures.
La douleur thoracique peut être traitée par la nitroglycérine ou parfois la morphine. La nitroglycérine est préférée à la morphine qui doit être utilisée à bon escient (p. ex., si un patient présente une contre-indication à la nitroglycérine ou a des douleurs malgré un traitement maximal par la nitroglycérine). La nitroglycérine est initialement administrée par voie sublinguale, suivie d'une perfusion IV continue si nécessaire. La morphine 2 à 4 mg IV, répétée toutes les 15 min à la demande, est très efficace, mais elle a une action dépressive respiratoire, peut réduire la contractilité myocardique et est un puissant vasodilatateur. Des preuves suggèrent également que la morphine interfère avec certains inhibiteurs du récepteur P2Y12. Un grand essai rétrospectif a montré que la morphine pouvait augmenter la mortalité chez les patients présentant un infarctus aigu du myocarde (1, 2). L'hypotension et la bradycardie secondaires à la morphine peuvent habituellement être jugulées en surélevant les membres inférieurs.
Le traitement standard de tous les patients présentant un angor instable comprend les bêta-bloqueurs, les inhibiteurs de l'ECA et les statines. Les bêta-bloqueurs sont recommandés à moins d'être contre-indiqués (p. ex., bradycardie, trouble de conduction, hypotension ou asthme), en particulier chez le patient à haut risque. Les bêta-bloqueurs réduisent la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la contractilité, diminuant ainsi la charge de travail cardiaque et le besoin en oxygène. Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine procurent une cardioprotection à long terme en améliorant la fonction endothéliale. Si un inhibiteur de l'ECA est mal toléré du fait d'une toux ou d'une éruption (mais pas d'un œdème de Quincke, ni d'un dysfonctionnement rénal), un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II peut lui être substitué. Les statines représentent également le traitement standard quel que soit le taux de lipides et doivent être poursuivies à vie.
Thérapie de reperfusion dans l'infarctus du myocarde aigu
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Chez les patients atteints d'un STEMI (infarctus du myocarde sus-décalage du segment ST): intervention coronarienne percutanée ou fibrinolytiques immédiatement
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Chez les patients atteints de NSTEMI: intervention coronarienne percutanée immédiate chez les patients instables ou dans les 24 à 48 heures chez les patients stables
Dans le cas des patients qui ont un STEMI (segment elevation myocardial infarction), l'intervention coronarienne percutanée en urgence est le traitement préféré de l'infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST lorsqu'elle est disponible, avec un timing optimal (porte à inflation du ballonnet < 90 min) et un opérateur expérimenté. Si la disponibilité de l'intervention coronarienne percutanée ne peut être que tardive, la thrombolyse doit être tentée chez les patients qui entrent dans les critères d'un STEMI (infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST) (voir Importance de l'infarctus). La reperfusion par les fibrinolytiques est plus efficace si elle est administrée dans les premières minutes/heures après le début de l'infarctus du myocarde. Plus un fibrinolytique est commencé tôt, mieux c'est. L'objectif est de ne pas dépasser un intervalle de temps entre l'admission et le traitement de 30 à 60 min. Les plus grands bienfaits se produisent dans les 3 heures, mais les médicaments peuvent être efficaces jusqu'à 12 heures. Les caractéristiques et la sélection des médicaments fibrinolytiques sont traitées ailleurs.
Les patients NSTEMI instables (c'est-à-dire, ceux qui ont des symptômes persistants, une hypotension, ou une arythmie soutenue) doivent être transférés directement au laboratoire de cathétérisme cardiaque pour identifier les lésions coronaires nécessitant une intervention coronarienne percutanée ou un pontage aorto-coronarien.
Dans me cas des patients NSTEMI non compliqués, la reperfusion immédiate n'est pas aussi urgente car un infarctus provoqué par une artère coronaire complètement occluse au début des troubles est rare. Ces patients subissent généralement une angiographie dans les 24 à 48 heures pour identifier les lésions coronaires nécessitant une intervention coronarienne percutanée ou un pontage aortocoronarien.
Les fibrinolytiques ne sont pas indiqués chez tous les NSTEMI (infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST). Les risques dépassent les bienfaits potentiels.
Le choix de la stratégie de reperfusion est traité plus avant dans Revascularisation dans les syndromes coronariens aigus.
Rééducation et traitement après le retour à domicile
Les patients qui n'ont pas subi de coronarographie à l'admission, qui ne sont pas à haut risque (p. ex., insuffisance cardiaque, angor récidivant, tachycardie ou fibrillation ventriculaire après 24 heures, complications mécaniques telles que nouveaux souffles, choc) et qui ont une fraction d'éjection > 40% qu'ils aient ou non reçu des fibrinolytiques doivent habituellement effectuer un test d'effort de quelque forme que ce soit avant ou peu après la sortie de l'hôpital (voir tableau Bilan fonctionnel après infarctus du myocarde).
Bilan fonctionnel après infarctus du myocarde
La maladie aiguë et le traitement du syndrome coronarien aigu doivent être utilisés pour motiver fortement le patient à modifier les facteurs de risque. Il est possible d'améliorer le pronostic en évaluant l'état physique et émotionnel du patient et en discutant avec lui, lui donnant des conseils sur le mode de vie (p. ex., tabagisme, régime alimentaire, travail, effort) et en gérant agressivement les facteurs de risque.
Lors de leur sortie, tous les patients doivent prendre des antiplaquettaires, des statines, des angineux appropriés et d'autres médicaments en fonction des comorbidités.
Références pour le traitement
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1. Meine TJ, Roe MT, Chen AY, et al: Association of intravenous morphine use and outcomes in acute coronary syndromes: results from the CRUSADE Quality Improvement Initiative. Am Heart J 149(6):1043–1049, 2005. doi 10.1016/j.ahj.2005.02.010
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2.Kubica J, Adamski P, Ostrowska M, et al: Morphine delays and attenuates ticagrelor exposure and action in patients with myocardial infarction: the randomized, double-blind, placebo-controlled IMPRESSION trial. Eur Heart J 37(3):245–252, 2016. doi: 10.1093/eurheartj/ehv547
Points clés
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L'infarctus du myocarde aigu est une nécrose du myocarde provoquée par l'obstruction aiguë d'une artère coronaire.
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Les symptômes de l'infarctus du myocarde aigu comprennent une douleur thoracique avec ou sans dyspnée, des nausées et une transpiration.
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Les femmes et les patients diabétiques sont davantage susceptibles de présenter des symptômes atypiques et 20% des infarctus aigus du myocarde sont silencieux.
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Le diagnostic repose sur l'ECG et sur les marqueurs cardiaques.
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Le traitement immédiat comprend de l'oxygène, des anti-angineux, des antiplaquettaires et des anticoagulants.
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Chez les patients présentant un STEMI (non-ST-segment elevation MI), réaliser une angiographie immédiate avec intervention coronarienne percutanée; si l'intervention coronarienne percutanée immédiate n'est pas possible, administrer des fibrinolytiques.
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Chez les patients présentant un NSTEMI (non-ST-segment elevation MI) et qui sont stables, réaliser une angiographie dans les 24 à 48 heures; chez ceux qui sont instables, réaliser une angiographie immédiate avec intervention coronarienne percutanée.
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Après récupération, commencer ou poursuivre un traitement par des médicaments antiplaquettaires, des bêta-bloqueurs, des inhibiteurs de l'ECA et des statines.
Médicaments mentionnés dans cet article
Nom du médicament | Sélectionner les dénominations commerciales |
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eptifibatide |
INTEGRILIN |
clopidogrel |
PLAVIX |
ticagrelor |
BRILINTA |
abciximab |
REOPRO |
tirofiban |
AGGRASTAT |
prasugrel |
EFFIENT |
morphine |
DURAMORPH PF, MS CONTIN |