Mesure des échanges gazeux

ParKaren L. Wood, MD, Grant Medical Center, Ohio Health
Vérifié/Révisé avr. 2022
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Les échanges gazeux sont mesurés par plusieurs moyens, dont

  • Capacité de diffusion du monoxyde de carbone

  • Oxymétrie pulsée

  • Prélèvement des gaz du sang artériel

Capacité de diffusion du monoxyde de carbone

La capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) est une mesure de la capacité de transfert des gaz des alvéoles jusqu'aux globules rouges à travers l'épithélium alvéolaire et l'endothélium des capillaires. La DLCO dépend non seulement de la surface et de l'épaisseur de la barrière alvéolo-capillaire. Elle dépend également du volume de sang dans les capillaires pulmonaires. La répartition du volume alvéolaire et la ventilation affectent également la mesure.

La DLCO est mesurée par prélèvement du monoxyde de carbone en fin d'expiration (CO) après que le patient ait inspiré une petite quantité de monoxyde de carbone (CO), retenu sa respiration puis expiré. La DLCO mesurée doit être ajustée en fonction du volume alvéolaire (qui est estimée à partir de la dilution de l'hélium) et l'hématocrite du patient. La DLCO est évaluée en mL/min/mmHg et en pourcentage de la valeur théorique.

Oxymétrie pulsée

L'oxymétrie pulsée transcutanée estime la saturation en oxygène (SpO2) du sang capillaire en mesurant l'absorption de la lumière de diodes positionnées au niveau d'un doigt et fixée par une pince ou une bande adhésive. Les estimations sont généralement très précises et sont corrélées à 5% près à la saturation en oxygène du sang artériel mesurée (SaO2). Les résultats peuvent être moins précis dans les cas suivants

  • Peau très pigmentée

  • Troubles du rythme

  • Hypotension

  • Vasoconstriction systémique profonde

Les résultats de l'oxymétrie de pouls sont également moins précis chez les patients portant des vernis à ongles.

L'oxymétrie de pouls ne peut détecter que l'oxyhémoglobine ou l'hémoglobine réduite, mais pas d'autres types d'hémoglobine (p. ex., la carboxyhémoglobine, la méthémoglobine); ces types sont reconnus comme de l'oxyhémoglobine ce qui élève faussement la mesure de la SpO2.

Prélèvement des gaz du sang artériel

Le prélèvement des gaz du sang artériel est effectué afin d'obtenir des mesures précises de la pression partielle d'oxygène artériel (PaO2), de la pression partielle du dioxyde de carbone artériel (PaCO2), et du pH artériel; ces variables ajustées en fonction de la température du patient permettent le calcul du taux de HCO3 (qui peut également être mesuré directement dans le sang veineux) et la SaO2. Le dosage des gaz du sang artériel permet également une mesure précise de la carboxyhémoglobine et de la méthémoglobine.

C'est habituellement l'artère radiale qui est utilisée. Une ponction artérielle pouvant dans de rares cas entraîner une thrombose et altérer la perfusion des tissus en aval, le test d'Allen peut être effectué pour s'assurer que la circulation collatérale est suffisante. Dans cette manœuvre, le pouls radial et le pouls cubital sont bloqués de façon simultanée jusqu'à ce que la main du patient devienne pâle. Le pouls cubital est ensuite décomprimé alors que la compression radiale est maintenue. Un blush localisé à toute la main dans les 7 s suivant la libération du pouls cubital témoigne d'un flux artériel correct dans l'artère cubitale.

De manière aseptique, une aiguille de calibre 22 à 25 reliée à une seringue traitée à l'héparine est insérée au niveau du battement maximal du pouls artériel radial. L'aiguille est avancée légèrement en profondeur dans l'artère jusqu'au retour du sang artériel. La pression artérielle systolique est habituellement suffisante pour repousser le piston de la seringue. Après avoir prélevé 3 à 5 mL de sang, l'aiguille est rapidement retirée et une pression ferme est appliquée au niveau du point de ponction pour favoriser l'hémostase. Simultanément, l'échantillon des gaz du sang artériel est placé sur de la glace afin de réduire la consommation d'oxygène et la production de dioxyde de carbone par les globules blancs. L'échantillon est alors envoyé au laboratoire.

Oxygénation

L'hypoxémie est la diminution de la pression partielle d'oxygène (PO2) du sang artériel; l'hypoxie est une diminution de la PO2 dans les tissus. Le dosage des gaz du sang artériel permet de mettre en évidence précisément une éventuelle hypoxémie, généralement définie comme une PaO2 qui réduit la SaO2 en dessous de 90% (c'est-à-dire, PaO2 < 60 mmHg). Les anomalies de l'hémoglobine (p. ex., méthémoglobine), une élévation de la température, une baisse du pH et une hausse des taux de 2,3-diphosphoglycérates réduisent la saturation de l'HbO2 malgré une PaO2, correcte, comme le montre la courbe de dissociation de l'oxyhémoglobine.

Courbe de dissociation de l'oxyhémoglobine

La saturation artérielle de l'hémoglobine est liée à la PO2. La PO2 à une saturation de 50% (P50) est normalement de 27 mmHg.

La courbe de dissociation est déviée à droite sous l'effet d'une augmentation de la concentration en ions hydrogène (H+), d'une augmentation du 2,3-diphosphoglycérate (DPG) des globules rouges, d'une augmentation de la température (T) et de la PCO2.

La diminution des taux d'H+, de DPG, de la température et de la PCO2 dévie la courbe vers la gauche.

L'hémoglobine caractérisée par une déviation à droite de la courbe de dissociation de l'hémoglobine a une affinité diminuée pour l'oxygène, et celle caractérisée par une déviation à gauche une affinité plus élevée pour l'oxygène.

Les causes d'hypoxémie peuvent être classées selon que le gradient alvéolo-artériel de PO2 [(A-a)DO2] défini comme la différence de la pression alvéolaire en oxygène (PAO2) et PaO2, est élevée ou normale. La PAO2 est calculée comme suit:

equation

où FiO2 est la fraction d'oxygène inspirée (p. ex., 0,21 en air ambiant), Patm est la pression atmosphérique ambiante (p. ex., 760 mmHg à niveau de la mer), PH2O est la pression partielle de la vapeur d'eau (p. ex., habituellement 47 mmHg), PaCO2 est la pression partielle artérielle de dioxyde de carbone mesurée et R est le quotient respiratoire, qui est supposé être de 0,8 chez un patient au repos avec une alimentation normale.

Au niveau de la mer et en respirant de l'air ambiant, la FiO2 = 0,21, et l'(A-a)DO2 peut être simplifiée comme suit:

equation

où (A-a)DO2 est généralement < 20 mais augmente avec l'âge (du fait de la détérioration de la fonction respiratoire liée à l'âge) et avec l'augmentation de FiO2 (car, bien que l'hémoglobine soit saturée à 100% à une PaO2 de près de 150 mmHg, l'oxygène est soluble dans le sang et la teneur en oxygène dans le plasma continue d'augmenter avec la hausse de la FiO2). Estimations de la valeur normale de (A-a)DO2 comme < (2,5 + [FiO2 × âge en années]) ou comme moins que la valeur absolue de la FiO2 (p. ex., < 21 en air ambiant; < 30 à 30% de FiO2) corrigé de ces effets.

Calculateur clinique 

Hypoxémie avec augmentation de (A-a)DO2

L'hypoxémie avec augmentation de (A-a)DO2 est causée par

  • Rapport ventilation/perfusion (V/Q) bas (un type de déséquilibre du rapport V/Q)

  • Un shunt cardiaque droit-gauche

  • Une capacité de diffusion gravement compromise

Un faible rapport V/Q est l'une des causes les plus fréquentes d'hypoxémie et contribue à l'hypoxémie survenant dans la BPCO et l'asthme. Dans le poumon normal, la perfusion régionale correspond étroitement à la ventilation régionale car la vasoconstriction artériolaire survient en réponse à l'hypoxie alvéolaire. En cas de pathologie, le dysfonctionnement entraîne la perfusion d'unités alvéolaires qui reçoivent une ventilation incomplète (déséquilibre V/Q). Par conséquent, le sang veineux systémique traverse donc les capillaires pulmonaires sans atteindre des taux normaux de PaO2. Une discordance V/Q peut également survenir en cas d'augmentation du débit sanguin, même lorsque la ventilation est normale, comme dans une maladie du foie. La supplémentation en oxygène peut corriger l'hypoxémie due à un rapport V/Q bas par augmentation de la PAO2, bien que l'augmentation de la (A-a)DO2 persiste.

Le shunt droit gauche est un exemple extrême de rapport V/Q bas. En cas de shunt, le sang artériel pulmonaire désoxygéné arrive dans la partie gauche du cœur sans être passé par des segments pulmonaires ventilés. Le shunt peut se produire au niveau du parenchyme pulmonaire en cas de connexions anormales entre les circulations pulmonaires artérielle et veineuse ou au niveau de communications intracardiaques (p. ex., foramen ovale perméable). L'hypoxémie par shunt droit gauche ne répond pas à une supplémentation en oxygène.

La diminution de la capacité de diffusion est rarement isolée; généralement, elle s’associe à un important déséquilibre V/Q. L'oxygène saturant complètement l'hémoglobine après seulement un bref contact du sang avec les gaz alvéolaires, l'hypoxémie due à une baisse de la capacité de diffusion ne se produit que lorsque le débit cardiaque est augmenté (p. ex., pendant l'effort), lorsque la pression atmosphérique est basse (p. ex., en altitude) ou lorsque > 50% du parenchyme pulmonaire est détruit. Comme dans le cas d'un ratio V/Q faible, la (A-a)DO2 est augmentée, mais la PaO2 peut être augmentée en augmentant la FiO2. L'hypoxémie liée à un trouble de la capacité de diffusion répond à une supplémentation en oxygène.

Hypoxémie avec normalité de (A-a)DO2

L'hypoxémie avec normalité de (A-a)DO2 est causée par

  • Une hypoventilation

  • De basses pressions partielles d'oxygène inspiré (PIO2)

L'hypoventilation (ventilation alvéolaire réduite) diminue la PAO2 et augmente la PaCO2, diminuant donc la PaO2. En cas d'hypoventilation pure, la (A-a)DO2 est normale. Les causes d'hypoventilation comprennent la baisse de la fréquence ou de la profondeur de la respiration (p. ex., du fait d'une maladie neuromusculaire, d'une obésité sévère, d'un surdosage médicamenteux ou d'une compensation d'une alcalose métabolique) ou l'augmentation de l'espace mort chez le patient ayant déjà atteint sa limite ventilatoire maximale (p. ex., une aggravation d’une BPCO sévère). L'hypoxémie par hypoventilation répond à la supplémentation en oxygène.

La diminution de la PIO2 est une cause rare d'hypoxémie qui, dans la plupart des cas, ne se produit qu'à haute altitude. Bien que la FiO2 ne change pas avec l’altitude, la pression de l’air ambiant diminue de façon exponentielle; la PIO2 diminue donc également. Par exemple, la PIO2 n'est que de 43 mmHg au sommet du Mont Everest (altitude 8848 m). La (A-a)DO2 reste normale. La stimulation hypoxique de la commande respiratoire augmente la ventilation alvéolaire et diminue le niveau de la PaCO2. Ce type d'hypoxémie répond à une supplémentation en oxygène.

Dioxyde de carbone

La PCO2 est habituellement maintenue entre 35 et 45 mmHg. Une courbe de dissociation similaire à celle de l'oxygène existe pour le dioxyde de carbone mais elle est presque linéaire par rapport au niveau physiologique de la PaCO2. Une PCO2 anormale est presque toujours liée à des troubles de la ventilation (à moins qu'elle ne se produise en compensation d'une anomalie métabolique) et est toujours associée à des modifications acido-basiques.

Hypercapnie

L'hypercapnie correspond à une PCO2 > 45 mmHg. Les causes de l'hypercapnie sont les mêmes que celles de hypoventilation (p. ex., des troubles qui diminuent la fréquence ou la profondeur respiratoire ou augmentent l'espace mort chez les patients déjà à leur limite ventilatoire maximale). Les troubles qui augmentent la production de dioxyde de carbone (p. ex., hyperthyroïdie, fièvre), lorsqu'ils sont associés à une incapacité d'augmenter la ventilation, provoquent également une hypercapnie.

Hypocapnie

L'hypocapnie est définie par une PCO2 < 35 mmHg. L'hypocapnie est toujours provoquée par une hyperventilation d'origine pulmonaire (p. ex., œdème du poumon, embolie pulmonaire), cardiaque (p. ex., insuffisance cardiaque), métabolique (p. ex., acidose), induite par des médicaments (p. ex., aspirine, progestérone), système nerveux central (p. ex., infection, tumeur, hémorragie, augmentation de la pression intracrânienne) ou encore physiologique (p. ex., douleur, grossesse). On pense que l'hypocapnie augmente directement la bronchoconstriction et abaisse le seuil de l'ischémie myocardique et cérébrale, peut-être par ses effets sur l'équilibre acide-base.

Carboxyhémoglobinémie

Le CO se lie à l'hémoglobine avec une affinité 210 fois supérieure à celle de l'oxygène et empêche le transport de l'oxygène. Les taux de carboxyhémoglobine cliniquement toxiques sont le plus souvent dus à l'exposition à des émanations toxiques ou à l'inhalation de fumée, bien que les fumeurs de cigarettes aient également des taux de carboxyhémoglobine détectables.

Les patients souffrant d'intoxication par le CO peuvent présenter initialement des symptômes non spécifiques tels que sensation de malaise, céphalées et nausées. L'intoxication se produit souvent pendant les mois les plus froids (à cause de l'utilisation de chauffages intérieurs à combustibles), les symptômes peuvent alors être confondus avec un syndrome viral tel qu'une grippe. Les médecins doivent être attentifs à la possibilité d’intoxication par le CO et mesurer les taux de carboxyhémoglobine si cela est nécessaire. La carboxyhémoglobine peut être mesurée directement à partir du sang veineux; un prélèvement artériel n'est pas nécessaire. La saturation en oxygène déterminée par l'oxymétrie pulsée sera normale et ne peut être utilisée pour dépister une intoxication par le monoxyde de carbone. La carboxyhémoglobine peut être mesurée par co-oxymétrie.

Le traitement consiste à administrer de l'oxygène à 100% (qui raccourcit la demi-vie de la carboxyhémoglobine) parfois associé à l'utilisation d'un caisson hyperbare.

Pièges à éviter

  • Les taux de carboxyhémoglobine peuvent être mesurés directement sur du sang veineux, un prélèvement artériel est inutile.

Méthémoglobinémie

La méthémoglobine est de l'hémoglobine dans laquelle le fer est oxydé de son état ferreux (Fe2+) à son état ferrique (Fe3+). La méthémoglobine ne transporte pas d'oxygène et déplace la courbe normale de dissociation de l'oxyhémoglobine vers la gauche, limitant ainsi la libération de l'oxygène dans les tissus.

La méthémoglobinémie peut être provoquée par certains médicaments (p. ex., dapsone, anesthésiques locaux, dérivés nitrés, primaquine, sulfamides) et, moins fréquemment, par certains produits chimiques (p. ex., colorants à l'aniline, dérivés du benzène).

Le taux de méthémoglobine peut être directement évalué par co-oxymétrie (émission d'une lumière de 4 longueurs d'onde capable de détecter la méthémoglobine, l'HbCO, l'hémoglobine et l'HbO) ou bien peut être estimé par la différence entre la saturation en oxygène (SaO2) calculée à partir de la mesure de la PaO2 et la mesure directe de la SaO2. La saturation en oxygène mesurée par oxymétrie pulsée sera imprécise en présence d'une méthémoglobinémie.

Les patients qui ont une méthémoglobinémie présentent le plus souvent une cyanose asymptomatique. Dans les cas sévères, la libération d'oxygène est diminuée à un point tel que des symptômes d'hypoxie tissulaire, tels qu'une confusion, un angor et des myalgies, apparaissent. L'arrêt du médicament en cause ou de l'exposition chimique est souvent suffisant. Rarement, le bleu de méthylène (un agent réducteur, en solution à 1% est administré lentement 1 à 2 mg/kg IV) ou bien une exsanguinotransfusion est nécessaire.

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