Anomalies systémiques dans les hépatopathies

ParDanielle Tholey, MD, Sidney Kimmel Medical College at Thomas Jefferson University
Vérifié/Révisé sept. 2023
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Les hépatopathies provoquent souvent des symptômes et anomalies systémiques.

(Voir aussi Structure et fonction du foie et Évaluation du patient présentant un trouble hépatique.)

Anomalies de l'appareil circulatoire

En cas d'insuffisance hépatique avancée une hypotension peut contribuer à un dysfonctionnement rénal. La physiopathologie de la circulation hyperdynamique (augmentation du débit cardiaque et de la fréquence cardiaque) et de l'hypotension qui se développent au cours de l'insuffisance hépatique avancée ou de la cirrhose est mal comprise mais est en partie un mécanisme de compensation de la vasodilatation splanchnique périphérique étendue. Les facteurs qui peuvent contribuer à une cirrhose peuvent inclure une altération du tonus sympathique, la production d'oxyde nitrique et d'autres vasodilatateurs endogènes, et une activité accrue des facteurs humoraux (p. ex., glucagon).

Pour les troubles spécifiques de la circulation hépatique (p. ex., syndrome de Budd-Chiari), voir Troubles vasculaires hépatiques.

Anomalies endocriniennes

Une intolérance au glucose, un hyperinsulinisme, une résistance à l'insuline, et une hyperglucagonémie sont souvent présents en cas de cirrhose; l'élévation des taux d'insuline reflète une diminution de la dégradation hépatique plutôt qu'une augmentation de la sécrétion, alors que l'inverse est vrai pour l'hyperglucagonémie. Des tests anormaux de la fonction thyroïdienne peuvent refléter une altération du métabolisme des hormones thyroïdiennes et des modifications des taux des protéines plasmatiques plutôt que des anomalies thyroïdiennes.

Les effets sexuels sont fréquents. Les hépatopathies chroniques perturbent fréquemment les menstruations et la fertilité. Les hommes atteints de cirrhose, en particulier les alcooliques, présentent souvent à la fois un hypogonadisme (avec atrophie testiculaire, troubles de l'érection, diminution de la spermatogenèse) et une féminisation (gynécomastie, morphologie gynoïde). La base biochimique n'est pas entièrement comprise. La réserve hypothalamo-hypophysaire en gonadotrophines est souvent faible. Les taux circulants en testostérone sont bas, en raison principalement de la diminution de la synthèse, mais aussi de la conversion périphérique accrue en œstrogènes. Les taux d'œstrogènes autres que l'œstradiol sont généralement augmentés, mais la relation entre œstrogènes et féminisation est complexe. Ces changements sont plus fréquents dans l'hépatopathie alcoolique que dans la cirrhose d'étiologie différente, ce qui suggère que l'alcool, plutôt que l'hépatopathie puisse en être la cause. En fait, des preuves indiquent que l'alcool lui-même est toxique pour les testicules.

Anomalies hématologiques

L'anémie est fréquente dans les hépatopathies. Les facteurs favorisants peuvent inclure une perte de sang, un déficit en folates (acide folique), une hémolyse, une myélosuppression par l'alcool, et un effet direct de l'hépatopathie chronique.

Une leucopénie et une thrombopénie accompagnent souvent une splénomégalie dans l'hypertension portale avancée.

Les troubles de la coagulation sont fréquents et complexes. Un dysfonctionnement hépatocellulaire et une absorption insuffisante de vitamine K peuvent perturber la synthèse hépatique des facteurs de coagulation. Un temps de prothrombine (temps de Quick [TQ]) anormal, variant selon la sévérité de la dysfonction hépatocellulaire, peut répondre à la phytonadione parentérale (vitamine K1) 5 à 10 mg 1 fois/jour pendant 2 à 3 jours. Une thrombopénie, une coagulation intravasculaire disséminée et des anomalies du fibrinogène contribuent également aux troubles de la coagulation chez de nombreux patients.

Troubles rénaux et hydro-électrolytiques

Les troubles rénaux et hydro-électrolytiques sont fréquents, surtout chez les patients présentant une ascite.

L'hypokaliémie peut résulter d'une perte urinaire excessive de potassium due à une augmentation des taux circulants d'aldostérone, à une rétention rénale de l'ion ammonium échangé avec du potassium, à une acidose tubulaire rénale secondaire, ou un traitement diurétique. La prise en charge consiste à administrer des suppléments oraux de chlorure de potassium (KCl) et à éliminer les diurétiques favorisant l'élimination du potassium.

L'hyponatrémie est fréquente, même en cas de rétention de sodium importante par le rein (voir Ascite: physiopathologie); elle survient généralement en cas d'insuffisance hépatocellulaire avancée qu'il est difficile de corriger. Une surcharge hydrique relative est plus souvent en cause qu'une perte corporelle totale en sodium; une perte en potassium peut également y contribuer. Une restriction hydrique et des suppléments en potassium peuvent être utiles; les diurétiques qui augmentent la clairance de l'eau libre peuvent être utilisés dans les cas aigus ou réfractaires. Une solution physiologique IV n'est indiquée que si une hyponatrémie profonde provoque des convulsions ou si une déplétion totale du sodium corporel est suspectée; elle doit être évitée en cas de cirrhose et de rétention d'eau, car elle aggrave l'ascite et n'augmente que temporairement la natrémie.

Une insuffisance hépatique avancée peut modifier l'équilibre acido-basique, causant habituellement une alcalose métabolique. Les taux d'albumine sanguine sont souvent bas du fait d'une altération de la synthèse hépatique; les saignements gastro-intestinaux entraînent des élévations du fait d'une augmentation de la charge entérique plutôt que d'une insuffisance rénale. Lorsque l'hémorragie gastro-intestinale élève l'urée sérique, des valeurs normales de la créatinine tendent à confirmer une fonction rénale normale.

L'insuffisance rénale en cas d'hépatopathie peut refléter

  • Des maladies rares qui touchent directement les reins et le foie (p. ex., une intoxication par le tétrachlorure de carbone)

  • Une insuffisance circulatoire avec diminution de la perfusion rénale, avec ou sans nécrose tubulaire aiguë franche

  • Une insuffisance rénale fonctionnelle, souvent appelée syndrome hépato-rénal

Syndrome hépatorénal

Ce syndrome consiste en

  • Oligurie et azotémie progressive en l'absence de lésions structurelles des reins

Le syndrome hépatorénal survient habituellement en cas d'hépatite alcoolique ou de cirrhose avancée avec ascite. La pathogénie est supposée due à une vasodilatation extrême de la circulation artérielle splanchnique, conduisant à une diminution du volume artériel central et à une vasoconstriction des vaisseaux rénaux. Une réduction du contrôle neuronal ou humoral sur le flux sanguin rénocortical s'ensuit, ce qui conduit à un débit de filtration glomérulaire diminué. Une faible concentration urinaire de sodium et la présence de sédiments bénins le distinguent de la nécrose tubulaire aiguë, mais il peut être plus difficile de distinguer une azotémie prérénale; dans les cas équivoques, une réponse à une charge volémique doit être évaluée.

Une fois établie, l'insuffisance rénale due au syndrome hépato-rénal non traité est habituellement rapidement progressive et fatale (syndrome hépato-rénal de type 1), bien que certains cas soient moins graves, avec insuffisance rénale de moindre grade stable (type 2).

La thérapie d'association avec des vasoconstricteurs (typiquement, midodrine, octréotide, ou terlipressine) et l'expansion volumique (typiquement, l'albumine) peut être efficace. La perfusion de noradrénaline peut être utilisée dans les cas réfractaires et adaptée à la diurèse et aux pressions artérielles moyennes.

Si le syndrome hépatorénal ne répond pas au traitement médical, les patients doivent être adressés pour transplantation hépatique.

Anomalies pulmonaires

Le syndrome hépato-pulmonaire est une hypoxémie provoquée par une vasodilatation microvasculaire pulmonaire en cas d’hypertension portale. Le syndrome hépato-pulmonaire a une mortalité élevée et le pronostic est mauvais sans transplantation hépatique (le seul remède contre cette maladie). Par conséquent, les patients présentant un syndrome hépatopulmonaire doivent être adressés rapidement pour une transplantation hépatique. La stratification du risque de la greffe consiste à mesurer le degré d'hypoxémie dans les gaz du sang artériel en air ambiant. Si les patients ont une PaO2 en air ambiant entre 50 et 60, ils peuvent atteindre des points d'exception MELD (model for end-stage liver disease) et augmenter leur score sur la liste de transplantation hépatique et les aider à accéder plus rapidement à la transplantation.

L'hypertension portopulmonaire est une hypertension artérielle pulmonaire en cas d'hypertension portale sans cause secondaire. Une évaluation minutieuse de l'hémodynamique par cathétérisme cardiaque droit est nécessaire pour distinguer l'hypertension portopulmonaire de l'hypertension pulmonaire traditionnelle et déterminer le rôle de la transplantation hépatique.

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