L'insuffisance cardiaque est un syndrome clinique dans lequel le cœur n'est plus en mesure de répondre aux besoins métaboliques du corps en raison d'une anomalie cardiaque structurelle et/ou fonctionnelle, entraînant une réduction du débit cardiaque, une pression de remplissage ventriculaire élevée, ou les deux. L'insuffisance cardiaque aiguë comprend à la fois l'insuffisance cardiaque de nouvelle apparition et l'insuffisance cardiaque aiguë décompensée (une exacerbation de l'insuffisance cardiaque chronique). Dans les deux cas, il existe des signes ou des symptômes progressifs de congestion cardiaque, de bas débit, ou les deux. Une intervention médicale opportune, visant à réduire les symptômes et à traiter la cause, est nécessaire.
(Voir aussi Revue générale de l'insuffisance cardiaque.)
L'insuffisance cardiaque aiguë ne fait pas référence uniquement au moment de la présentation clinique au cours de l'évolution globale de la maladie, mais à l'importance d'une intervention médicale opportune (1). Elle peut comprendre une insuffisance cardiaque d'apparition nouvelle (de novo) ou une décompensation aiguë d'une insuffisance cardiaque antérieurement diagnostiquée. L'insuffisance cardiaque aiguë est classée phénotypiquement et fait l'objet d'une stratification des risques supplémentaire en fonction de la gravité générale de la maladie, de l'altération de la perfusion (« chaude » par rapport à « froide »), de la présence d'une congestion (« sèche » par rapport à « mouillée »), et d'autres caractéristiques de la présentation clinique (2, 3).
Références générales
1. Mebazaa A, Yilmaz MB, Levy P, et al. Recommendations on pre-hospital & early hospital management of acute heart failure: a consensus paper from the Heart Failure Association of the European Society of Cardiology, the European Society of Emergency Medicine and the Society of Academic Emergency Medicine. Eur J Heart Fail. 2015;17(6):544-558. doi:10.1002/ejhf.289
2. Arrigo M, Jessup M, Mullens W, et al. Acute heart failure. Nat Rev Dis Primers. 2020;6(1):16. Published 2020 Mar 5. doi:10.1038/s41572-020-0151-7
3. Hollenberg SM, Warner Stevenson L, Ahmad T, et al. 2019 ACC Expert Consensus Decision Pathway on Risk Assessment, Management, and Clinical Trajectory of Patients Hospitalized With Heart Failure: A Report of the American College of Cardiology Solution Set Oversight Committee [published correction appears in J Am Coll Cardiol. 2020 Jan 7;75(1):132. doi: 10.1016/j.jacc.2019.11.020.]. J Am Coll Cardiol. 2019;74(15):1966-2011. doi:10.1016/j.jacc.2019.08.001
Symptomatologie de l'insuffisance cardiaque aiguë
Les manifestations de l'insuffisance cardiaque varient en fonction de la mesure dans laquelle le ventricule gauche et le ventricule droit sont initialement affectés. L'insuffisance ventriculaire droite aiguë est discutée séparément.
Anamnèse
Dans l'insuffisance ventriculaire gauche, les symptômes les plus fréquents sont la dyspnée et la fatigue dues à l'augmentation des pressions veineuses pulmonaires avec ou sans œdème pulmonaire, et au bas débit cardiaque (au repos ou l'incapacité à augmenter le débit cardiaque à l'effort). La dyspnée peut être d'effort ou survenir au repos, selon la gravité de la maladie. Le choc cardiogénique, s'il est présent, peut entraîner des anomalies de l'état mental et de la fonction des systèmes d'organes.
Examen
L'examen général peut détecter des signes de troubles systémiques ou cardiaques qui causent ou aggravent une insuffisance cardiaque (p. ex., anémie, hyperthyroïdie, alcoolisme, hémochromatose, fibrillation auriculaire avec fréquence rapide, insuffisance mitrale).
Une tachycardie et une tachypnée peuvent se produire dans l'insuffisance ventriculaire gauche. La fréquence cardiaque est généralement augmentée en tant que mécanisme compensatoire, mais une bradycardie peut survenir lors d'une décompensation ou s'il existe une bradyarythmie sous-jacente. La pression artérielle peut être élevée, normale ou basse, selon les modifications du débit cardiaque, de l'état volémique et de la résistance vasculaire systémique dues à la maladie sous-jacente, et la réponse compensatoire. Le patient qui présente une grave insuffisance ventriculaire gauche peut sembler franchement dyspnéïque ou cyanosé, hypotendu et confus ou agité du fait de l'hypoxie et de la mauvaise perfusion cérébrale. Certains de ces symptômes plus spécifiques (p. ex., confusion) sont plus fréquents chez les personnes âgées.
La cyanose centrale (affectant tout le corps, dont les parties chaudes telles que la langue et les muqueuses) reflète une hypoxémie sévère. La cyanose périphérique des lèvres, des doigts et des orteils reflète un flux sanguin bas avec augmentation de l'extraction de l'oxygène. Si un massage vigoureux améliore la couleur du lit unguéal, la cyanose peut être périphérique; l’augmentation du flux sanguin local n'améliore pas la couleur si la cyanose est centrale.
Les signes cardiaques dans l'insuffisance cardiaque aiguë à fraction d'éjection réduite comprennent:
Choc de pointe diffus, soutenu et déplacé latéralement
3e (B3) et 4e (B4) bruits audibles et parfois palpables
Composante pulmonaire accentuée (P2) du 2e bruit cardiaque (B2)
Ces bruits cardiaques anormaux peuvent également se produire dans l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée ou dans l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection modérément réduite. Un souffle pansystolique d'insuffisance mitrale à l'apex peut survenir, en particulier si le ventricule gauche (VG) est significativement dilaté. La distention veineuse jugulaire indique une pression auriculaire droite élevée. Le pouls alternant (une impulsion alternant entre des battements forts et faibles) peut accompagner une fonction systolique du VG sévèrement réduite et a historiquement été considérée comme un signe de mauvais pronostic (1, 2).
Les signes cliniques pulmonaires comprennent des crépitements inspiratoires précoces des bases qui ne disparaissent pas en toussant et, en cas d'épanchement pleural, une matité à la percussion et une diminution du murmure vésiculaire aux bases pulmonaires. Des sifflements (wheezing) ou des stridors peuvent être présents en raison de l'inflammation des voies aériennes plus petites résultant d'un œdème pulmonaire, ou en raison de la compression des voies aériennes plus grandes par des structures cardiaques hypertrophiées (c.-à-d., l'oreillette gauche ou les gros vaisseaux).
Références pour la symptomatologie
1. Aslanger E, Aggül B, Albayrak DG. Pulsus Alternans: Caught in Action. Catheter Cardiovasc Interv. 2025;105(1):270-271. doi:10.1002/ccd.31295
2. Schaefer S, Malloy CR, Schmitz JM, Dehmer GJ. Clinical and hemodynamic characteristics of patients with inducible pulsus alternans. Am Heart J. 1988;115(6):1251-1257. doi:10.1016/0002-8703(88)90017-8
Diagnostic de l'insuffisance cardiaque aiguë
L'anamnèse et l'examen clinique
Radiographie thoracique
Échocardiographie
Évaluation biologique, incluant des biomarqueurs neurohormonaux tels que le peptide natriurétique cérébral (de type B) (BNP) ou le N-terminal-pro-BNP (NT-pro-BNP)
Parfois, l'ECG, la scintigraphie cardiaque, l'IRM cardiaque, le cathétérisme cardiaque et d'autres tests pour déterminer l'étiologie et évaluer l'effet sur la fonction des organes cibles
La symptomatologie (p. ex., dyspnée d'effort et fatigue, orthopnée, œdème, tachycardie, râles crépitants pulmonaires, existence d'un S3, turgescence des jugulaires) suggère une insuffisance cardiaque mais n'est pas apparente au début. Certains des symptômes similaires peuvent être dus à une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou à des pneumonies récurrentes ou peuvent être attribués par erreur à l'âge ou à une obésité. La suspicion d'insuffisance cardiaque doit être élevée en cas d'antécédent d'infarctus du myocarde, d'HTA ou de troubles valvulaires, de souffles valvulaires, et doit être modérée chez tout patient âgé ou diabétique.
Le bilan doit comprendre une radiographie de thorax, un ECG et un test objectif de la fonction cardiaque, généralement une échocardiographie (voir figure Diagnostic de l'insuffisance cardiaque d'apparition aiguë). Les examens sanguins, sauf le taux de peptide natriurétique de type B (BNP), ne sont pas utilisés pour le diagnostic mais sont utiles pour identifier la cause et les effets systémiques (1, 2). De même, les analyses sanguines, incluant l'acide lactique, les électrolytes, la fonction rénale et la fonction hépatique, peuvent identifier les effets sur la perfusion tissulaire et des organes.
Radiographie thoracique
Les signes à la radiographie de thorax en faveur d'une insuffisance cardiaque comprennent un élargissement de la silhouette cardiaque, un épanchement pleural, la présence de liquide dans la grande scissure et des lignes horizontales dans la périphérie des bases pulmonaires (stries B de Kerley). Ces signes témoignent d'une élévation chronique de la pression auriculaire gauche et correspondent à l'épaississement chronique des septa intralobulaires du fait de l'œdème. Une congestion veineuse pulmonaire et interstitielle du lobe supérieur ou un œdème alvéolaire peuvent également être présents. L'examen attentif de la silhouette cardiaque sur un cliché de profil peut identifier une dilatation des cavités ventriculaires et auriculaires. Les radiographies peuvent également suggérer certains diagnostics (p. ex., BPCO, pneumonie, fibrose pulmonaire idiopathique, cancer du poumon).
ECG
Les signes ECG ne sont pas diagnostiques, mais un ECG anormal, notamment qui montre des antécédents d'infarctus du myocarde, une hypertrophie ventriculaire gauche, un bloc de branche gauche ou une tachyarythmie (p. ex., fibrillation auriculaire rapide), augmente la suspicion d'insuffisance cardiaque et permet d'identifier la cause. Une hypertrophie auriculaire gauche ou droite peut être présente. L'hypertrophie ventriculaire gauche peut refléter une dilatation du ventricule gauche, ou bien les voltages peuvent être réduits en cas de dysfonction systolique du ventricule gauche sévère.
Autre imagerie cardiaque
L'échocardiographie peut être utile afin d'évaluer les dimensions cavitaires, la fonction des valvules, la fraction d'éjection du ventricule gauche, les anomalies de la cinétique pariétale, l'existence d'une hypertrophie du ventricule gauche, la fonction diastolique, la pression artérielle pulmonaire, les pressions de remplissage du ventricule gauche et du ventricule droit, le fonctionnement du ventricule droit et un épanchement péricardique. Les thrombi intracardiaques, les tumeurs et les calcifications des valvules cardiaques, de l'anneau mitral et les anomalies de la paroi aortique peuvent être détectés. Des troubles de la cinétique segmentaire ou des anomalies localisées du mouvement pariétal suggèrent fortement une coronaropathie sous-jacente mais peuvent également être en rapport avec des foyers de myocardite.
L'échocardiographie Doppler ou Doppler couleur détectent avec précision les valvulopathies et les shunts. L'association de l'évaluation Doppler de l'afflux mitral avec l'imagerie Doppler tissulaire de l'anneau mitral permet d'identifier et de quantifier le dysfonctionnement diastolique du ventricule gauche et les pressions de remplissage du ventricule gauche.
La mesure de la fraction d'éjection du ventricule gauche permet de distinguer une insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée prédominant (fraction d'éjection ≥ 50%) et une insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite (fraction d'éjection ≤ 40%). Il est important de souligner à nouveau qu'une insuffisance cardiaque peut être observée avec une fraction d'éjection du ventricule gauche normale.
L'échocardiographie par marqueurs acoustiques ("speckle-tracking" ou tavelures qui sont de petits points naturels visibles dans l'image échographique du cœur, également appelée "écho-strain" ou "échocardiographie de déformation") est utile pour détecter une dysfonction systolique infraclinique et identifier des profils spécifiques de dysfonctionnement myocardique et fournir des informations utiles sur le profil d'atteinte myocardique de la cardiomyopathie, et donc des informations sur la cause.
La scintigraphie peut également permettre d'évaluer la fonction systolique et diastolique, les antécédents d'infarctus du myocarde et une ischémie ou une hibernation myocardiques inductibles. Elle est utilisée le plus souvent pour évaluer la présence et/ou la gravité d'une cardiopathie ischémique et peut également être utilisée pour quantifier la fraction d'éjection du ventricule gauche.
L'IRM cardiaque avec imagerie par injection de gadolinium avec étude du rehaussement tardif (également appelée imagerie de la fibrose ou cicatricielle) permet d'évaluer la cause de la maladie myocardique et de détecter une fibrose myocardique focale et diffuse. L'amyloïdose cardiaque, la sarcoïdose, l'hémochromatose et la myocardite sont des causes d'insuffisance cardiaque qui peuvent être détectées ou suspectées sur les résultats de l'IRM cardiaque. Les patients présentant une insuffisance cardiaque aiguë doivent être stabilisés afin de subir une IRM cardiaque, car cet examen nécessite une durée prolongée en position allongée et une apnée coordonnée (ou, dans certains cas, une anesthésie générale avec support ventilatoire).
Analyses de sang
Les taux plasmatiques de peptide natriurétique cérébral (NP/BNP) sont souvent élevés dans l’insuffisance cardiaque; ces signes peuvent être utiles lorsque les signes cliniques ne sont pas clairs ou que d'autres diagnostics (p. ex., BPCO) doivent être éliminés. Ils peuvent être particulièrement utiles en cas d'antécédents de troubles pulmonaire et cardiaque. Le NT-pro-BNP, une fraction inactive produite par le clivage du pro-BNP, peut être utilisé de la même manière que le BNP. Cependant, un taux de BNP normal n'exclut pas le diagnostic d'insuffisance cardiaque, en particulier en cas d'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée et/ou d'obésité. Dans l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée, les taux de BNP tendent à être environ 50% de ceux associés à l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite (pour un degré similaire de symptômes), et jusqu'à 30% des patients qui ont une insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection aiguë ont un taux de BNP inférieur au seuil couramment utilisé de 100 pg/mL (100 ng/L). L'obésité, une comorbidité fréquente dans l'insuffisance cardiaque, est associée à une production réduite de BNP et à une clairance accrue du BNP ce qui provoque une baisse des taux.
Outre le BNP, les examens sanguins recommandés comprennent la NFS, le dosage de la créatinine, de l'urée, l'ionogramme sérique (dont magnésium, calcium), de la glycémie, de l'albuminémie et le bilan hépatique. Les tests des fonctions thyroïdiennes sont recommandés en cas de fibrillation auriculaire et chez certains patients, en particulier chez les personnes âgées.
Autres examens
L'échographie thoracique est une méthode non invasive de détection de la congestion pulmonaire en cas d'insuffisance cardiaque. L'artefact en queue de comète échographique sur l'échographie thoracique correspond à la constatation radiographique des lignes B de Kerley.
La coronarographie ou la coronarographie TDM est indiquée en cas de suspicion de coronaropathie ou lorsque l'étiologie de l'insuffisance cardiaque est incertaine.
Le cathétérisme cardiaque avec mesure des pressions intracardiaques (évaluation hémodynamique invasive) peut être utile au diagnostic des cardiomyopathies restrictives et de la péricardite constrictive. Les mesures hémodynamiques invasives sont également très utiles lorsque le diagnostic d'insuffisance cardiaque est équivoque, en particulier en cas d'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée. De plus, perturber le fonctionnement du système cardiovasculaire (p. ex., tests d'effort, stimulation volémique, stimulations médicamenteuses [p. ex., nitroglycérine, nitroprussiate]) peut s'avérer très utile lors des tests hémodynamiques invasifs pour diagnostiquer l'insuffisance cardiaque.
La biopsie endomyocardique est parfois effectuée quand une cardiomyopathie infiltrante ou une myocardite à cellules géantes est fortement suspectée mais ne peut pas être confirmée par l'imagerie non invasive (p. ex., l'IRM cardiaque).
Références pour le diagnostic
1. McDonagh TA, Metra M, Adamo M, et al: 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: Developed by the Task Force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC) with the special contribution of the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. Eur Heart J 42(36):3599-3726, 2021. doi: 10.1093/eurheartj/ehab368
2. Heidenreich PA, Bozkurt B, Aguilar D, et al: 2022 AHA/ACC/HFSA Guideline for the Management of Heart Failure: A report of the American College of Cardiology/American Heart Association Joint Committee on Clinical Practice Guidelines. Circulation 145:e876–e894, 2022, doi: 10.1161/CIR.0000000000001062
Traitement de l'insuffisance cardiaque aiguë
Pharmacothérapie
Support respiratoire et des autres systèmes organiques selon les besoins
Identification et traitement de la cause
Parfois, dispositif thérapeutique (p. ex., cardioverteur-défibrillateur implantable, thérapie de resynchronisation cardiaque, support circulatoire mécanique)
Parfois, transplantation cardiaque
Soins multidisciplinaires
Une hospitalisation immédiate est nécessaire en cas d'insuffisance cardiaque aiguë ou d'aggravation due à certains troubles (p. ex., infarctus du myocarde aigu, fibrillation auriculaire avec fréquence ventriculaire très rapide, HTA sévère, insuffisance valvulaire aiguë), ainsi qu'en cas d'œdème pulmonaire, de symptômes graves, d'insuffisance cardiaque d'apparition récente ou d'insuffisance cardiaque qui ne répond pas au traitement ambulatoire. Le patient qui présente des poussées modérées d'insuffisance cardiaque antérieurement diagnostiquée peut être traité à domicile.
Le premier objectif est de diagnostiquer et corriger ou traiter la maladie qui a entraîné l'insuffisance cardiaque.
Les objectifs du traitement aigu comprennent le soulagement des symptômes et l'amélioration de l'hémodynamique (optimisation de la précharge, équilibre de la fonction ventriculaire et des besoins en oxygène du myocarde et réduction appropriée de la postcharge); éviter l'hypokaliémie, le dysfonctionnement rénal et l'hypotension symptomatique; et corriger l'activation neurohumorale.
Le traitement pharmacologique de l'insuffisance cardiaque aiguë repose principalement sur la thérapie décongestionante par diurétiques, notamment les diurétiques de l'anse (p. ex., furosémide, torsémide, bumétanide) sous forme orale ou intraveineuse. (Voir Œdème pulmonaire pour une discussion plus détaillée.) Les diurétiques de l'anse peuvent être augmentés en ajoutant d'autres classes de diurétiques tels que les thiazides (p. ex., métolazone). La réduction de la postcharge utilisant à la fois des vasodilatateurs artériels oraux et intraveineux (p. ex., nitroprussiate) peut également être utilisée pour améliorer l'insuffisance cardiaque aiguë. Les vasodilatateurs pulmonaires (p. ex., les nitrothérapies) peuvent également être utilisés pour réduire les symptômes de congestion en phase aiguë. L'insuffisance cardiaque à bas débit, particulièrement dans le contexte du choc cardiogénique, nécessite souvent un traitement aigu par des agents inotropes intraveineux (p. ex., milrinone, dobutamine). Le traitement de la cause de l'insuffisance cardiaque peut également être indiqué en phase aiguë, notamment pour certaines causes telles que l'ischémie aiguë ou l'arythmie.
Dans le cas de l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite en phase aiguë, la thérapie médicale selon les lignes directrices en utilisant un inhibiteur du co-transporteur sodium-glucose 2 (SGLT2), un bêta-bloquant, un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine/néprilysine et un antagoniste des récepteurs des minéralocorticoïdes doit être initiée une fois que le patient est stabilisé (1, 2). Les doses de médicaments sont augmentées rapidement jusqu'aux doses cibles pendant l'hospitalisation et les 6 premières semaines du suivi pour réduire le risque de mortalité et de réadmission. Voir Insuffisance cardiaque chronique et Médicaments de l'insuffisance cardiaque pour des informations plus détaillées sur ces médicaments.
D'autres médicaments, tels que le nésirétide (un peptide natriurétique de type B), le levosimendan (un inotrope sensibilisant le calcium), la vésnarinone (un inotrope qui a plusieurs mécanismes) et l'ibopamine (un agoniste des récepteurs dopaminergiques et adrénergiques), peuvent fournir une amélioration symptomatique ou hémodynamique à court terme mais n'améliorent pas, et dans certains cas peuvent aggraver, les résultats à long terme par rapport à la thérapie standard (dans les essais randomisés, la mortalité était plus élevée avec la vesnarinone et l'ibopamine et était similaire avec le nésirétide (3, 4, 5,6). La sérélaxine (une forme recombinante de l'hormone de grossesse humaine relaxine-2) a été étudiée, mais les avantages n'ont pas été démontrés dans une grande étude randomisée internationale (7). L'omécamtiv mécarbil (un activateur oral de la myosine cardiaque) a réduit un critère composite d'événement d'insuffisance cardiaque ou de décès mais n'a pas réduit la mortalité cardiovasculaire globale dans un grand essai randomisé. (8).
Voir Médicaments de l'insuffisance cardiaque pour des informations plus détaillées sur des classes de médicaments spécifiques.
La pression positive dans les voies aériennes par canule nasale à haut débit, pression positive continue dans les voies aériennes, pression positive biniveaux dans les voies aériennes, ou intubation endotrachéale réduisent généralement la postcharge ventriculaire gauche en augmentant la pression intrathoracique et en réduisant la pression transmurale du ventricule gauche.
Traitement des arythmies
Les troubles du rythme pouvant aggraver l'insuffisance cardiaque, il est important d'identifier et de traiter la cause de l'arythmie.
Les électrolytes sont normalisés.
Les fréquences auriculaire et ventriculaire sont contrôlées.
Parfois, des médicaments antiarythmiques sont administrés.
La tachycardie sinusale, une modification compensatrice fréquente dans l'insuffisance cardiaque, disparaît habituellement quand le traitement de l'insuffisance cardiaque est efficace. Si ce n'est pas le cas, il faut rechercher une étiologie associée (p. ex., hyperthyroïdie, embolies pulmonaires, fièvre, anémie, douleur). Si la tachycardie sinusale persiste malgré la correction des causes, le recours à un bêta-bloqueur, administré en augmentant progressivement les doses peut être utile chez certains patients sélectionnés. Cependant, abaisser la fréquence cardiaque au moyen d'un bêta-bloqueur peut être préjudiciable en cas d'insuffisance cardiaque avancée avec fraction d'éjection préservée (p. ex., dans la cardiomyopathie restrictive), car le volume systolique est fixe en raison d'un dysfonctionnement diastolique sévère. Chez ces patients, le débit cardiaque dépend de la fréquence cardiaque et l'abaissement de la fréquence cardiaque peut donc diminuer le débit cardiaque au repos avec l'effort, ou les deux.
Une fibrillation auriculaire avec une fréquence ventriculaire rapide doit être traitée; l’objectif de fréquence ventriculaire est généralement < 80 battements/minute. Les bêta-bloqueurs sont le traitement de choix, bien que les inhibiteurs calciques bradycardisants, utilisés avec prudence, puissent être préférables si la fonction systolique est conservée. Ajouter de la digoxine, une faible posologie d'amiodarone, ou d'autres médicaments pour contrôler le taux et/ou le rythme peut aider certains patients. La régularisation en rythme sinusal et son maintien ne se sont pas révélés supérieurs au contrôle de la fréquence cardiaque dans des essais randomisés (9). Cependant, il est préférable de faire cette détermination au cas par cas car certains patients s'améliorent significativement avec la restauration d'un rythme sinusal normal. Si la fibrillation auriculaire rapide ne répond pas aux médicaments, la pose d'un stimulateur cardiaque permanent avec ablation totale ou partielle du nœud auriculoventriculaire, ou d'autres procédures d'ablation de la fibrillation auriculaire, peut être envisagée pour restaurer un rythme sinusal ou régulier chez certains patients.
Les extrasystoles ventriculaires isolées, fréquentes dans l'insuffisance cardiaque, ne nécessitent pas de traitement spécifique, bien que dans de rares cas, des extrasystoles ventriculaires très fréquentes (> 15 000/jour) aient été démontrées comme pouvant déclencher une insuffisance cardiaque (qui s'inverse avec la suppression). Cependant, l'optimisation des traitements de l'insuffisance cardiaque et la correction des troubles hydro-électrolytiques (en particulier potassium et magnésium) réduisent le risque de troubles du rythme ventriculaires.
Une tachycardie ventriculaire soutenue qui persiste malgré la correction de la cause (p. ex., potassium ou magnésium bas, ischémie) et un traitement médical optimal de l'insuffisance cardiaque peut exiger un médicament antiarythmique. L'amiodarone les bêta-bloqueurs et le dofétilide sont les médicaments de choix car d'autres antiarythmiques ont des effets indésirables proarythmiques en cas de dysfonctionnement systolique du ventricule gauche.
L'amiodarone augmentant les taux de digoxine et de warfarine, les doses de digoxine et de warfarine doivent être diminuées de moitié ou arrêtées. Le taux de digoxine sérique et l'INR (international normalized ratio) doivent être surveillés régulièrement. Cependant, une intoxication médicamenteuse peut survenir même à des niveaux thérapeutiques. Le traitement à long terme par l’amiodarone peut provoquer des effets indésirables, une dose faible sera donc utilisée, lorsque cela est possible; on pratique un bilan hépatique et un dosage de la TSH tous les 6 mois. Si la radiographie de thorax est anormale ou si la dyspnée s’aggrave significativement, on effectue annuellement une radiographie de thorax et des épreuves fonctionnelles respiratoires pour détecter une fibrose pulmonaire. En cas de troubles du rythme ventriculaires soutenus, l'amiodarone peut être nécessaire; afin de réduire le risque de mort subite, une dose de charge par voie orale est administrée 2 fois/jour pendant 1 à 3 semaines jusqu'à ce que le contrôle du rythme soit suffisant, puis la dose est diminuée en 1 mois jusqu'à une dose d'entretien 1 fois/jour.
Thérapie par dispositif et assistance circulatoire mécanique
La thérapie par dispositif, incluant le défibrillateur cardioverteur implantable (DCI) et la thérapie de resynchronisation cardiaque (TRC), est principalement utilisée pour l'insuffisance cardiaque chronique. Cependant, la thérapie de resynchronisation cardiaque peut constituer un traitement d'urgence pour certains patients sélectionnés, lorsqu'une arythmie réfractaire provoque ou aggrave l'insuffisance cardiaque.
L'ultrafiltration (filtration veinoveineuse) peut être utile chez des patients hospitalisés sélectionnés qui ont un syndrome cardio-rénal avec une surcharge volémique réfractaire au traitement diurétique. Cependant, l'ultrafiltration ne doit pas être utilisée systématiquement car les preuves ne montrent pas clairement de bénéfice clinique à long terme (10).
Une pompe à ballonnet de contrepulsion intra-aortique est utile chez certains patients en insuffisance cardiaque aiguë qui ont de bonnes chances de guérison (p. ex., insuffisance cardiaque due à un infarctus aigu du myocarde) ou chez ceux chez qui est nécessaire une solution plus permanente comme une chirurgie cardiaque (p. ex., pour traiter une valvulopathie sévère ou pour revasculariser une coronaropathie multivaisseaux), un dispositif d'assistance du ventricule gauche ou une transplantation cardiaque.
D'autres formes de soutien circulatoire mécanique temporaire en cas d'insuffisance cardiaque aiguë et de choc cardiogénique comprennent les dispositifs implantés chirurgicalement tels que l'oxygénation extracorporelle par membrane (ECMO, typiquement canulation veino-artérielle chez les patients avec insuffisance cardiaque) et les dispositifs d'assistance ventriculaire à flux centrifuge qui peuvent soutenir le ventricule gauche, le ventricule droit, ou les deux et peuvent également être associés à un oxygénateur pour fournir un soutien cardiopulmonaire complet. Des dispositifs percutanés tels que des dispositifs d'assistance ventriculaire microaxiale intravasculaire sont disponibles pour le support du ventricule gauche et du ventricule droit. Le choix des dispositifs de support circulatoire mécanique temporaire est basé principalement sur la disponibilité et l'expérience du centre médical local.
Veuillez voir la thérapie par dispositif pour l'insuffisance cardiaque chronique pour plus d'informations.
Pronostic de l'insuffisance cardiaque aiguë
Généralement, les patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë ont un mauvais pronostic, à moins que la cause ne soit correctible. La survie globale combinée à 5 ans est estimée à 34%, et la survie à 10 ans à 17%, dans le cas des patients après une hospitalisation initiale pour tous types d'insuffisance cardiaque (1).
Référence pour le pronostic
1. Hariharaputhiran S, Peng Y, Ngo L, et al. Long-term survival and life expectancy following an acute heart failure hospitalization in Australia and New Zealand. Eur J Heart Fail. 2022;24(9):1519-1528. doi:10.1002/ejhf.2595
Points clés
Évoquer une insuffisance cardiaque aiguë chez les patients présentant une aggravation ou un début récent de dyspnée ou de fatigue à l'effort, d'orthopnée, et/ou d'œdème, en particulier en cas d'antécédents d'infarctus du myocarde, d'hypertension, ou de troubles ou de souffles valvulaires.
Effectuer une radiographie thoracique, un ECG, des mesures du taux de peptide natriurétique de type B (BNP), une échocardiographie et des tests supplémentaires selon les besoins.
Traiter avec une thérapie médicale dirigée par les lignes directrices appropriée au type d'insuffisance cardiaque avant la sortie de l'hôpital.
Le traitement comprend le contrôle des troubles sous-jacents, les médicaments, parfois des dispositifs implantables (thérapie de resynchronisation cardiaque, défibrillateurs automatiques implantables), l'éducation et les modifications du mode de vie.



