Les saignements vaginaux anormaux comprennent
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Les règles qui sont excessives (ménorragies ou hyperménorrhée) ou trop fréquentes (polyménorrhée)
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Les hémorragies qui ne sont pas liées aux règles et survenant irrégulièrement entre les règles (métrorragies)
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Les hémorragies excessives pendant les règles et qui surviennent irrégulièrement entre les règles (ménométrorragies)
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Saignement avant la ménarche
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Les hémorragies ménopausiques (c'est-à-dire, > 6 mois après les dernières règles normales)
Des métrorragies peuvent aussi se produire au début de la grossesse ou en fin de grossesse.
Les saignements vaginaux peuvent provenir de n'importe où dans le tractus génital, dont la vulve, le vagin, le col de l'utérus et l'utérus. Lorsque le saignement vaginal prend naissance dans l'utérus, on parle de saignement utérin anormal.
Physiopathologie
La plupart des saignements vaginaux anormaux impliquent
Dans les causes hormonales, le plus souvent, il y a peu ou pas d'ovulation. Pendant un cycle anovulatoire, le corps jaune ne se forme pas et il n'y a plus de sécrétion cyclique de progestérone. En l'absence de progestérone, les œstrogènes entraînent une croissance de l'endomètre exagérée et finalement une augmentation du volume des règles. L'utérus desquame et saigne incomplètement, irrégulièrement et parfois abondamment ou sur une longue période.
Étiologie
Les causes de saignements vaginaux chez l'adulte (voir tableau Certaines causes de saignements vaginaux chez la femme adulte) et les enfants (voir tableau Causes fréquentes de saignement vaginal chez l'enfant) sont variables.
Pendant les années reproductives, les causes courantes de saignement vaginal chez les femmes qui ne sont pas supposées être enceintes comprennent
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Les complications d'une grossesse débutante non diagnostiquée
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Le myome sous-muqueux
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Les métrorragies en milieu de cycle sur syndrome péri-ovulatoire
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Les métrorragies à type de "spottings" en cas de contraception orale
Des saignements utérins anormaux dus à un dysfonctionnement ovulatoire sont la cause la plus fréquente de saignements vaginaux anormaux pendant les années fertiles.
Les causes de saignement utérin anormal chez les femmes non enceintes en âge de procréer peuvent être classées comme structurelles ou non structurelles comme dans le système de classification PALM-COEIN (1, 2). PALM-COEIN est un mnémonique pour les causes structurelles (PALM) et les causes non structurelles (COEIN).
La vaginite, les corps étrangers et les traumatismes sont des causes fréquentes de saignement vaginal avant les premières règles. L'abus sexuel et le cancer sont des causes moins fréquentes; cependant, une évaluation rapide est nécessaire pour exclure ces conditions.
Certaines causes de saignements vaginaux chez la femme adulte
Catégorie |
Pathologies |
Début de grossesse* et complications correspondantes |
Fausse couche spontanée (la patiente peut présenter une complication en cours d'avortement ou plus tard en raison d'une rétention ovulaire) |
Fin de grossesse* et complications correspondantes |
Polypes placentaires |
Troubles gynécologiques spécifiques |
Hyperplasie de l'endomètre Fibromes (sous-séreux ou prolabés) Polypes du col ou de l'utérus |
Autres troubles gynécologiques |
Vaginite atrophique Corps étranger vaginal Lésion du col, du vagin ou de la vulve |
Troubles ovulatoires |
Kystes fonctionnels de l'ovaire (peuvent être un signe d'anovulation) |
Troubles endocriniens |
Troubles thyroïdiens (p. ex., hypothyroïdie) |
Troubles hémorragiques |
Troubles de la coagulation (p. ex., dues à des médicaments, à des troubles hépatiques ou à des troubles héréditaires) |
Contraception et traitement hormonal |
Contraceptifs oraux, en particulier lorsque les doses ne sont pas respectées ou lorsqu'il s'agit d'une administration sans pause ou un progestatif seul |
*Au début, les patientes peuvent ne pas suspecter une grossesse quel que soit le stade de celle-ci (y compris en cas de saignements d'une récente fausse couche spontanée). |
Causes fréquentes de saignement vaginal chez l'enfant
Classe d'âge |
Causes |
Nourrissons |
Stimulation endométriale in utero par passage transplacentaire d' œstrogènes (provoquant des saignements minimes pendant les 2 premières semaines de vie) |
Enfants plus âgés |
Puberté précoce avec règles prématurées Prolapsus du méat urétral Traumatisme (dont violence sexuelle) Tumeurs (p. ex., sarcome botryoïde, adénocarcinome cervical secondaire au syndrome du diéthylstilbœstrol) Corps étranger vaginal Verrues, cervicales ou vaginales |
DES = diéthylstilbœstrol (ou diéthylstilbœstrol). |
Références pour l'étiologie
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1. Practice bulletin no. 128: Diagnosis of abnormal uterine bleeding in reproductive-aged women. Obstet Gynecol 120 (1):197-206, 2012. doi: 10.1097/AOG.0b013e318262e320.
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2. Practice bulletin no. 136: Management of abnormal uterine bleeding associated with ovulatory dysfunction. Obstet Gynecol 122 (1):176-185, 2013. doi: 10.1097/01.AOG.0000431815.52679.bb.
Bilan
La première priorité est de déterminer si le patient présente une hémorragie majeure persistante ou en est à risque (p. ex., en raison d'une grossesse extra-utérine).
Une grossesse méconnue peut saigner et doit être suspectée et diagnostiquée chez toute femme en âge de procréer car elle peut menacer le pronostic vital (p. ex., grossesse extra-utérine).
Anamnèse
L'anamnèse de la maladie actuelle doit comprendre la quantité (p. ex., le nombre de tampons utilisés par jour ou heure) et la durée des saignements, ainsi que la relation de l'hémorragie avec les règles et les rapports. Les médecins doivent poser des questions sur:
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L'anamnèse recherchera l'historique des menstruations et doit comprendre la date des dernières règles, l'âge des premières règles et de la ménopause (si nécessaire), la durée du cycle, leur régularité, la quantité et la durée habituelle du saignement menstruel
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Des épisodes antérieurs de saignement anormaux, avec leur fréquence, leur durée, la quantité et l'aspect (cyclicité) des saignements
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L'anamnèse sexuelle, dont des antécédents possibles de viol ou d'agression sexuelle
La revue des systèmes doit rechercher des symptômes de causes possibles, dont les symptômes suivants:
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Règles manquées, gonflement des seins et nausées: saignements liés à la grossesse
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Douleurs abdominales, vertiges et syncope: grossesse extra-utérine ou rupture d'un kyste de l'ovaire
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Douleur chronique et perte de poids: cancer
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Ecchymoses faciles et saignements anormaux lors du brossage des dents, de lacérations mineures ou de ponction veineuses: un trouble hémorragique
La recherche des antécédents médicaux doit porter sur les maladies connues pour causer des saignements vaginaux dont un avortement spontané ou thérapeutique et des anomalies structurales (p. ex., fibromes utérins, kystes ovariens). Les médecins doivent identifier les facteurs de risque de cancer de l'endomètre, dont l'obésité, le diabète, l'HTA, l' utilisation prolongée d'œstrogènes naturels (c'est-à-dire, en l'absence de progestérone) et le syndrome des ovaires polykystiques. L'anamnèse médicamenteuse doit comprendre des questions spécifiques sur la prise d'hormones.
Si l'abus sexuel d'un enfant est suspecté, un entretien médico-légal structuré basé sur le National Institute of Child Health and Human Development (NICHD) Protocol peut être utilisé. Il permet à l'enfant de rapporter des informations sur l'événement vécu et améliore la qualité de l'information obtenue.
Examen clinique
Les signes vitaux sont analysés à la recherche de signes d'hypovolémie (p. ex., tachycardie, tachypnée, hypotension).
Lors de l'examen général, la clinique recherchera des signes d'anémie (p. ex., pâleur conjonctivale) et de possibles causes de saignements, dont:
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Peau chaude et humide ou sèche, anomalies oculaires, tremblements, anomalies des réflexes ou présence d'un goitre: une affection thyroïdienne
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Hépatomégalie, ictère, astérixis (flapping tremor du poignet) ou splénomégalie: un trouble hépatique
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Écoulement mamelonnaire: hyperprolactinémie
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Bas index de masse corporelle et perte de graisses sous-cutanées: possible anovulation
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Index de masse corporelle élevé et excès de graisse cutanée: excès d'androgènes ou d' œstrogènes ou un syndrome des ovaires polykystiques
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Hirsutisme, acné, obésité et hypertrophie des ovaires: syndrome des ovaires polykystiques
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Tendance aux ecchymoses, pétéchies, purpura ou saignements des muqueuses (p. ex., gingivales): troubles de l'hémostase
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Chez l'enfant, le développement mammaire et la présence de pilosités pubienne et axillaire: puberté
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Chez les enfants, difficulté à marcher ou à s'asseoir; des ecchymoses ou des lacérations autour des organes génitaux, de l'anus ou de la bouche; et/ou un écoulement ou prurit vaginal: abus sexuel
La palpation abdominale recherchera une distension, une sensibilité et la présence d'une masse (en particulier un utérus augmenté de volume). Si l'utérus est augmenté de volume, une auscultation cardio-fœtale est effectuée.
Un examen gynécologique complet est effectué sauf si l'examen abdominal évoque une grossesse à un stade évolué; cependant, l'examen cervical utérin digital reste contre-indiqué pendant la grossesse, tant que la position placentaire est incertaine. Dans tous les autres cas, l'examen au spéculum aidera à identifier les lésions de l'urètre, du vagin et du col. Un examen bimanuel est effectué afin d'évaluer le volume utérin et la taille des ovaires. Si aucun saignement vaginal n'est retrouvé, un toucher rectal recherchera une origine digestive aux saignements.
Si un enfant ne souhaite pas être examiné ou si la source si la cause du saignement de l'enfant est indéterminé, l'enfant peut recevoir une anesthésie avant l'examen, puis une vaginoscopie peut être effectuée pour examiner le vagin et le col.
Signes d'alarme
Les signes suivants doivent alerter:
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Choc hémorragique (tachycardie, hypotension)
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Saignements vaginaux pré-pubertaires ou ménopausiques
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Saignement vaginal chez une femme enceinte
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Saignement excessif
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Chez les enfants, difficulté à marcher ou à s'asseoir; ecchymoses ou lacérations autour des organes génitaux, de l'anus ou de la bouche; et/ou un écoulement ou prurit vaginal: abus sexuel
Interprétation des signes
Une hypovolémie sévère ou un choc hémorragique sont peu probables sauf dans le contexte d'une grossesse extra-utérine rompue ou plus rarement d'un kyste ovarien rompu (en particulier en présence d'une masse ovarienne douloureuse).
Chez la fillette, une puberté précoce est suggérée devant l'apparition prématurée des règles, d'un développement mammaire précoce, de l'apparition de poils pubiens et axillaires. En l'absence de tels signes, la possibilité de violences sexuelles doit être évoquée sauf en cas de lésion due à un corps étranger ou à une autre cause évidente.
Chez la femme en âge de procréer, l'examen doit rechercher une lésion d'origine gynécologique ou des symptômes orientant vers une autre cause. Chez la patiente jeune sous contraception hormonale, l'examen gynécologique est le plus souvent normal. Un saignement (spotting) étant souvent lié au traitement hormonal. Ce n'est que si le saignement menstruel est excessif que l'on doit rechercher une anomalie utérine ou une diathèse hémorragique. Un trouble hémorragique héréditaire se manifeste habituellement par des règles abondantes apparaissant dès la puberté ou durant l'adolescence.
Chez la femme ménopausée, un cancer gynécologique doit être suspecté.
Si le saignement anormal ne résulte pas de l'une des causes habituelles, il peut être lié à des changements dans le contrôle hormonal du cycle menstruel.
Examens complémentaires
Toutes les femmes en âge de procréer doivent bénéficier
Au début de la grossesse (avant 5 semaines), le test urinaire de grossesse peut ne pas être suffisamment sensible. L'urine contaminée par du sang peut conduire à un faux positif. Un dosage qualitatif sérique de la sous-unité bêta de l'hCG (bêta-hCG) doit être effectué si le test d'urine est négatif et une grossesse suspectée. Les saignements vaginaux pendant la grossesse nécessitent une approche spécifique (voir Saignement vaginal en début de grossesse et Saignement vaginal en fin de grossesse).
Tests sanguins NFS si l'hémorragie est anormalement importante (p. ex., > 1 serviette ou tampon/h) ou a duré au moins plusieurs jours ou en cas de symptômes d'anémie ou d'hypovolémie. Si l'on identifie une anémie et qu'elle n'est pas rattachée de façon certaine (p. ex., paramètres des globules rouges en faveur d'une anémie hypochrome microcytaire) à une carence martiale, on réalisera un dosage ferrique.
Un dosage de la TSH et de la prolactine est souvent réalisé, même en l'absence de galactorrhée.
Si l'on suspecte un trouble hémorragique, un déficit du facteur Willebrandt, avec numération plaquettaire, temps de prothrombine (temps de Quick [TQ]) et temps partiel de thromboplastine (= TPP, TCK, TCA, TPP) sera recherché.
Si un syndrome des ovaires polykystiques est suspecté, la testostérone et le sulfate de déhydroépiandrostérone (DHEAS) seront dosés.
L'imagerie comprend l'échographie transvaginale lorsque la femme a l'un des signes suivants:
Un épaississement focal de l'endomètre détecté lors d'une échographie de dépistage peut exiger une hystéroscopie ou une hystérosonographie avec infusion de sérum physiologique pour identifier de petites masses intra-utérines (p. ex., polypes de l'endomètre, myomes sous-muqueux).
Les autres tests comprennent un prélèvement endométrial lorsque l'examen clinique et l'échographie ne sont pas concluants chez la femme qui a n'importe lequel des signes suivants:
Les prélèvements peuvent être effectués par aspiration ou, lorsque le canal cervical nécessite une dilatation, par dilatation & curetage. Chez les femmes ménopausées, l'hystéroscopie avec dilatation est curetage est recommandée afin que toute la cavité utérine puisse être évaluée.
Traitement
Le choc hémorragique doit être traité. En cas d'anémie ferriprive, les femmes peuvent nécessiter du fer par voie orale.
Le traitement radical de l'hémorragie vaginale est le traitement étiologique. Généralement, les hormones, habituellement les contraceptifs oraux, sont le traitement de première intention des saignements utérins anormaux dû à un dysfonctionnement ovulatoire.
Bases de gériatrie
Toute hémorragie de la ménopause (hémorragie > 6 mois après la ménopause) est anormale dans la plupart des cas et nécessite une évaluation approfondie afin d'éliminer un cancer à moins qu'elle soit la conséquence d'un sevrage en hormones exogènes.
Chez la femme ménopausée ne prenant pas d'hormone, la cause la plus fréquente de saignement ménopausique est l'atrophie endométriale et vaginale.
Chez certaines femmes âgées, l'examen clinique du vagin peut être difficile du fait l'absence d'œstrogènes entraînant une augmentation de la friabilité de la muqueuse vaginale, une sténose vaginale et parfois des adhérences. Chez ces patientes, un spéculum pédiatrique peut être plus confortable.
Points clés
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La grossesse doit être éliminée chez la femme en âge de procréer même lorsque l'anamnèse ne la suggère pas.
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Les métrorragies anovulatoires sont la cause la plus fréquente de saignements vaginaux anormaux pendant la vie reproductive.
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La vaginite, les corps étrangers et les traumatismes sont des causes fréquentes de saignements vaginaux avant la ménarche; l'abus sexuel est une cause moins fréquente mais, en cas de suspicion, il doit être rapidement évalué.
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Le saignement vaginal au cours de la ménopause nécessitera un bilan complémentaire afin d'éliminer un cancer.