La fatigue survient le plus souvent dans le cadre d'un complexe symptomatique, mais même quand elle est le seul ou le principal symptômes de présentation, la fatigue est l'un des symptômes les plus courants.
La fatigue est la difficulté à initier et à maintenir l'activité en raison d'un manque d'énergie, elle est accompagnée d'un désir de se reposer. La fatigue est normale après un effort physique, un stress prolongé et la privation de sommeil.
Les patients peuvent se référer à certains autres symptômes comme une fatigue; le diagnostic différentiel avec la fatigue est généralement, mais pas toujours possible au moyen de questions détaillées.
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La faiblesse, un symptôme de troubles du système nerveux ou musculaires, correspond à une force de contraction musculaire insuffisante lors d'un effort maximal. Des troubles tels que la myasthénie et le syndrome de Lambert-Eaton peuvent provoquer une faiblesse qui s'aggrave avec l'activité, simulant une fatigue.
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Une dyspnée à l'effort, un symptôme précoce de troubles cardiaques et pulmonaires, peut diminuer la tolérance à l'exercice, simulant une fatigue. Les symptômes respiratoires peuvent généralement être mis en évidence par un interrogatoire minutieux ou se développer par la suite.
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La somnolence, un symptôme des troubles causant une privation de sommeil (p. ex., rhinite allergique, reflux gastro-œsophagien, troubles musculo-squelettiques douloureux, apnée du sommeil, troubles chroniques sévères), est une envie de dormir exceptionnellement forte. Les bâillements et l'endormissement pendant la journée sont fréquents. Les patients peuvent habituellement faire la différence entre la somnolence et la fatigue. Cependant, la privation de sommeil profond non REM (nonrapid eye movement) peut causer des douleurs musculaires et de la fatigue, et de nombreux patients souffrant de fatigue ont des troubles du sommeil, de sorte que la différenciation entre fatigue et somnolence peut être difficile.
La fatigue peut être classée en différentes catégories temporelles, telles que les suivantes:
Le syndrome de fatigue chronique est l'une des causes de fatigue chronique. Il existe à présent 2 autres termes pour le syndrome de fatigue chronique: encéphalomyélite myalgique et intolérance systémique à l'effort, bien qu'il n'y ait pas de distinction claire entre ces derniers à ce jour.
Étiologie
La plupart des maladies graves (et bon nombre de maladies mineures) aiguës et chroniques provoquent de la fatigue. Cependant, beaucoup d'entre elles ont d'autres manifestations plus importantes (p. ex., douleur, toux, fièvre, ictère) comme plainte initiale cause de consultation. Cette discussion se concentre sur les troubles qui peuvent se manifester principalement sous la forme d'une fatigue.
Les troubles les plus fréquents se manifestant principalement sous forme de fatigue récente (durée < 1 mois) sont les suivants
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Stress et/ou dépression
Les causes les plus fréquentes se manifestent principalement sous forme d'une fatigue prolongée (1 à 6 mois) sont les suivantes
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Troubles du sommeil (p. ex., apnée du sommeil)
Les causes les plus fréquentes qui se manifestent principalement sous forme de fatigue chronique (durée > 6 mois) sont
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Causes psychologiques (p. ex., la dépression)
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Médicaments
Plusieurs facteurs causent ou contribuent souvent à une plainte principale de fatigue, habituellement une fatigue prolongée ou chronique (voir tableau Certains des facteurs contribuant fréquemment à une fatigue prolongée ou chronique).
Certains des facteurs contribuant fréquemment à une fatigue prolongée ou chronique
Catégorie |
Exemples |
Maladies chroniques |
Maladie rénale chronique, des troubles rhumatologiques (p. ex., artérite à cellules géantes, polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé) |
Médicaments |
Antidépresseurs, antihistaminiques (de 1ère génération), antihypertenseurs, arrêt de la consommation de cocaïne (habituellement fatigue récente), diurétiques qui provoquent une hypokaliémie, relaxants musculaires, drogues récréatives, sédatifs |
Troubles endocriniens |
Insuffisance surrénale*, diabète, hyperthyroïdie*(généralement apathique), hypothyroïdie, insuffisance hypophysaire |
Infections |
Infection à cytomégalovirus, endocardite, pneumonies fongiques, hépatite, VIH/SIDA, mononucléose, infections parasitaires*, tuberculose |
Troubles psychologiques |
Anxiété, dépression, violence domestique, toxicomanie, trouble panique, trouble de somatisation |
Troubles de cause inconnue |
Encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique, fibromyalgie, fatigue idiopathique |
Autres causes |
Anémies, cancers, déconditionnement, grossesse*, dénutrition, hypercalcémie*, sclérose en plaques |
*Habituellement ne cause pas de fatigue chronique. |
Bilan
La fatigue peut être très subjective. Les patients diffèrent dans ce qu'ils considèrent comme une fatigue et la façon dont ils la décrivent. Il y a aussi quelques moyens de confirmer objectivement la fatigue ou de déterminer sa sévérité. L'anamnèse et l'examen clinique se concentrent sur l'identification de manifestations subtiles de maladies sous-jacentes (en particulier les infections, des troubles endocriniens et rhumatologiques, une anémie et une dépression) qui peuvent être utilisés pour guider les essais.
Anamnèse
L'histoire de la maladie actuelle comprend des questions ouvertes sur ce qu'est la «fatigue», l'écoute des descriptions qui pourraient suggérer une dyspnée d'effort, une somnolence, ou une faiblesse musculaire. Les relations entre la fatigue, l'activité, le repos et le sommeil doivent être étudiées, de même que l'apparition, l'évolution temporelle et les facteurs qui augmentent ou diminuent la fatigue.
L'examen des systèmes doit être approfondi car les causes potentielles de la fatigue sont très nombreuses et diverses. Parmi les symptômes non spécifiques importants il y a la fièvre, la perte de poids et les sueurs nocturnes (évoque un cancer, un trouble rhumatologique ou une infection). Les antécédents menstruels des femmes en âge de procréer sont recherchés. Sauf si une cause est évidente, les patients doivent être interrogés en utilisant des questionnaires de dépistage des troubles psychologiques (p. ex., dépression, anxiété, toxicomanie, troubles somatoformes, violence domestique).
La recherche des antécédents médicaux doit porter sur des troubles connus. L'historique complet de la consommation de drogues/médicaments doit comprendre les médicaments de prescription, en vente libre, et les drogues récréatives.
L'histoire sociale doit comporter la description de l'alimentation, de l'abus de drogues, et des effets de la fatigue sur la qualité de vie, des relations sociales, familiales et professionnelles.
Examen clinique
Les signes vitaux sont vérifiés en cas de fièvre, de tachycardie, de tachypnée et d'hypotension. L'examen général doit être particulièrement complet, et comprendre l'aspect général et l'examen du cœur, des poumons, de l'abdomen, de la tête et du cou, des seins, du rectum (dont l'examen de la prostate et la recherche de sang occulte), des organes génitaux, du foie, de la rate, des ganglions lymphatiques, des articulations et de la peau. L'examen neurologique doit comprendre des tests, au minimum, de l'état mental, des nerfs crâniens, de l'humeur, des affects, de la force, de la masse et du tonus musculaires, des réflexes, et de la marche. Habituellement, si la fatigue est d'apparition récente, un examen plus ciblé en révèlera la cause. Si la fatigue est chronique, l'examen ne révélera probablement pas la cause; cependant, un examen clinique complet est un moyen important pour établir une relation avec le patient et parfois est utile pour le diagnostic.
Signes d'alarme
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Perte de poids chronique
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Fièvre ou sueurs nocturnes chroniques
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Adénopathies généralisées
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Faiblesse ou douleur musculaire
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Symptômes graves non liés de type fatigue (p. ex., hémoptysie, hématémèse, dyspnée grave, ascite, confusion, idéation suicidaire)
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Implication de > 1 système d'organes (p. ex., éruption cutanée plus arthrite)
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Céphalées nouvelles ou différentes ou perte de la vision, en particulier avec des douleurs musculaires, chez un adulte âgé
Interprétation des signes
En général, une cause est plus susceptible d'être retrouvée quand la fatigue représente l'un des nombreux symptômes que lorsque la fatigue est le seul symptôme. La fatigue qui empire avec l'activité et diminue avec le repos suggère un trouble physique. La fatigue qui est présente en permanence et ne diminue pas avec le repos, en particulier avec des sursauts d'énergie occasionnels, peut indiquer un trouble psychologique.
En l'absence de signes d'alarme, une anamnèse complète, l'examen clinique et des examens de laboratoire de routine (plus des tests réalisés en fonction de signes spécifiques, voir Interprétation de signes sélectionnés dans la détermination du type de fatigue) doivent suffire pour une évaluation initiale. Si les résultats des examens sont négatifs, l'attente vigilante est généralement appropriée; si la fatigue se détériore ou d'autres symptômes et signes se développent, le patient est réévalué.
Plusieurs causes peuvent être évoquées en cas de fatigue chronique ou prolongée et d'autres signes cliniques fréquents ou spécifiques sélectionnés (Interprétation de signes sélectionnés dans la détermination du type de fatigue).
Interprétation de signes sélectionnés dans la détermination du type de fatigue
Symptômes |
Causes possibles |
Causes à évoquer* |
Anorexie, douleurs abdominales, perte de poids ou stéatorrhée |
Dénutrition secondaire à des troubles des voies digestives, cancer |
Endoscopie, IRM de l'abdomen, cholangiopancréatographie par résonance magnétique (CPIRM) |
Anorexie, douleurs abdominales, perte de poids, hypotension orthostatique, hyperpigmentation de la peau |
Insuffisance surrénalienne |
Ionogramme sanguin, cortisol et taux d'ACTH; parfois test de stimulation par l'ACTH 1-24 (Cortrosyn®) synthétique |
Fièvre, sueurs nocturnes, ou perte de poids |
Infection, troubles rhumatologiques (y compris vascularite) |
NFS, VS, hémocultures ou d'autres cultures, facteur rhumatoïde et AAN |
Dyspnée avec toux ou hémoptysie |
VIH/SIDA (pneumonie à Pneumocystis jirovecii), pneumonie fongique, tuberculose |
Rx thorax, TDM ou PET-TDM thoracique, test du VIH, cytologie et/ou culture des expectorations, épreuves fonctionnelles respiratoires, intradermo-réaction à la tuberculine |
Dyspnée, orthopnée, et/ou œdème |
Rx thorax, tests de la fonction rénale, échocardiographie (si orthopnée) |
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Dyspnée, taches de Roth, lésions de Janeway, souffles cardiaques nouveaux ou changeants, utilisation de drogues intraveineuses |
Hémocultures sérielles, échocardiographie |
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Diminution de la tolérance à l'exercice avec dyspnée à l'effort, pâleur |
Anémie |
NFS |
Adénopathies généralisées |
VIH/SIDA, leucémie, lymphome, mononucléose |
Les tests sérologiques pour l'EBV, la NFS et le VIH |
Association d'arthrite, d'éruptions cutanées et/ou de toute autre atteinte organique |
Troubles rhumatologiques (y compris les vascularites) |
NFS, VS, facteur rhumatoïde, AAN |
Ictère, ascite, confusion |
Tests hépatiques, sérologies de l'hépatite virale |
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Polydipsie, polyurie, augmentation de l'appétit, prise ou perte de poids |
Glycémie à jeun, HbA1C, hyperglycémie provoquée par voie orale |
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Intolérance au froid, prise de poids, constipation, peau rugueuse |
Hypothyroïdie, insuffisance hypophysaire |
Tests des fonctions thyroïdiennes |
Perte de poids ou fibrillation auriculaire chez la personne âgée |
Hyperthyroïdie (apathique) |
Tests des fonctions thyroïdiennes |
Une fatigue plus importante avec l'exposition à la chaleur, des symptômes neurologiques antérieurs (p. ex., engourdissement, ataxie, faiblesse), en particulier > 1 épisode |
IRM du cerveau et/ou de la moelle épinière avec contraste |
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Céphalées, claudication de la mâchoire, douleurs ou épaississements de l'artère temporale, et/ou douleurs musculaires chez une personne âgée |
VS, IRM ou TDM, biopsie de l'artère temporale |
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Anxiété, tristesse, anorexie, troubles du sommeil inexpliqués |
Anxiété, dépression, violence domestique, somatisation |
Bilan clinique |
Pharyngites, adénopathies et splénomégalies récentes |
Tests sérologiques de l'EBV; NFS, VS, TSH, examens biochimiques (comme dans le cas d'une suspicion de syndrome de fatigue chronique) |
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Lymphadénopathie, splénomégalie |
Tests sérologiques pour l'EBV, parfois tests anticorps du CMV |
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Infections fréquentes ou opportunistes, candidose, lymphadénopathie, splénomégalie |
Dépistage du VIH |
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Douleur chronique, musculosquelettique, extra-articulaire étendue, zones gâchettes, symptômes du côlon irritable, migraines, anxiété |
VS ou protéine C réactive, TSH, sérologie de l'hépatite C |
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Perte de poids, stéatorrhée, prises orales inadéquates |
Albumine plasmatique, numération des lymphocytes totaux et des CD4, transferrine sérique |
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Constipation, léthargie, douleurs osseuses (p. ex., la nuit) |
Chimie sérique, dont le calcium |
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Malaise après l'effort, sommeil non réparateur, troubles de la concentration ou de la mémoire à court terme, intolérance orthostatique, maux de gorge, myalgies, céphalées |
NFS, VS, TSH, ionogramme, glycémie, calcium et tests des fonctions rénales et hépatiques |
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*Le choix de tests spécifiques est fonction des causes cliniquement suspectées. |
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ACTH = hormone adrénocorticotrope; NFS = numération formule sanguine; CK = créatine kinase; CMV = cytomégalovirus; EBV = virus Epstein-Barr; VS = vitesse de sédimentation érythrocytaire; CPIRM = cholangiopancréatographie par résonance magnétique; PET = tomographie par émission de positrons; TSH = thyroid-stimulating hormone. |
Examens complémentaires
Les examens visent les causes suspectées sur les signes cliniques. Si aucune cause n'est évidente ou suspectée en fonction des signes cliniques, il est peu probable que les examens de laboratoire révèlent une cause. Pourtant, de nombreux médecins recommandent de tester ce qui suit:
La mesure de la créatine kinase (CK) est recommandée en cas de douleur ou de faiblesse musculaire. Le dépistage du VIH et l'intradermo-réaction à la tuberculine sont recommandés si le patient présente des facteurs de risque. Une rx thorax est recommandée en cas de toux ou de dyspnée. D'autres tests, tels que ceux visant à rechercher des infections ou des insuffisances immunologiques, sont déconseillés, sauf en cas de signes cliniques évocateurs.
Le diagnostic d'encéphalomyélite myalgique/maladie d'intolérance à l'effort systémique/syndrome de fatigue chronique nécessite 2 des éléments suivants:
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La fatigue chronique qui affecte la fonction quotidienne, qui n'est pas soulagée par le repos, et n'est pas expliquée par les signes cliniques ou des signes anormaux aux examens de laboratoire mentionnés ci-dessus
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Pour la maladie d'intolérance à l'effort systémique/syndrome de fatigue chronique, un malaise post-effort et un sommeil non réparateur, ainsi que des troubles cognitifs ou une intolérance orthostatique
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Dans l'encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique, la présence de ≥ 4 des éléments suivants: maux de gorge, sommeil non réparateur, difficultés de concentration ou de mémoire à court terme, myalgies, multiples douleurs articulaires sans augmentation de volume des articulations, céphalées nouvelles ou différentes, et ganglions cervicaux ou axillaires douloureux
Traitement
Le traitement est dirigé contre la cause. Patients atteints d'encéphalomyélite myalgique/maladie d'intolérance à l'effort systémique/syndrome de fatigue chronique et de fatigue chronique idiopathique sont traitées de la même façon. On doit les informer clairement que l'étiologie est actuellement inconnue. Le traitement est plus souvent couronné de succès si le praticien est patient et ne porte pas de jugement et reconnaît les effets réels de la fatigue. Les traitements potentiels comprennent la kinésithérapie (p. ex., la thérapie d'exercices progressifs) et le soutien psychologique (p. ex., thérapie cognitivo-comportementale). Se concentrer sur l'amélioration du sommeil et soulager la douleur peut également être utile. Les objectifs comprennent le retour au travail et le maintien de niveaux d'activité normaux.
Bases de gériatrie
La fatigue est le plus souvent le premier symptôme d'un trouble chez les patients âgés. Par exemple, le premier symptôme de la pneumonie chez une femme âgée peut être la fatigue plutôt que les symptômes pulmonaires. Le premier symptôme d'autres affections, telles qu'une maladie de Horton, peut-être aussi une fatigue chez un patient plus âgé. Une maladie grave peut apparaître peu de temps après une fatigue subite chez le patient âgé, la cause doit en être déterminée aussi rapidement que possible. La fatigue est également un peu plus susceptible d'être causée par l'artérite à cellules géantes ou un autre trouble physique grave chez la personne âgée.
Points clés
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La fatigue est souvent le symptôme précoce.
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La fatigue principalement provoquée par un trouble physique augmente avec l'activité et diminue au repos.
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En l'absence de signes cliniques évocateurs, les examens de laboratoire sont peu informatifs.
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Le succès du traitement est plus probable si le praticien est patient et compréhensif.