L'atteinte de certains nerfs crâniens peut toucher l'œil, la pupille, le nerf optique, les muscles oculaires et leur innervation; par conséquent, ils peuvent être considérés comme des troubles des nerfs crâniens et/ou des troubles neuro-ophtalmologiques. Les troubles neuro-ophtalmologiques peuvent également être le fait de dysfonctionnement des voies centrales qui contrôlent et intègrent les mouvements oculaires et la vision. Les troubles des nerfs crâniens peuvent également entraîner des troubles de l'odorat, de la vision, de la mastication, de la sensibilité et de l'expression de la faciale, du goût, de l'audition, de l'équilibre, de la déglutition, de la phonation, des mouvements en rotation de la tête et de l'élévation des épaules, ou des mouvements de la langue (voir tableau Nerfs crâniens). Un ou plusieurs nerfs crâniens peuvent être atteints.
(Voir aussi Syndrome de Claude-Bernard-Horner, Troubles du nerf optique et Approche du patient neurologique.)
Nerfs crâniens
Nerf |
Fonction |
Signes anormaux possibles |
Causes possibles* |
Olfactif (1er) |
Transmet des données sensorielles pour l'odorat |
Anosmie |
Traumatisme crânien Affections nasales (p. ex., rhinite allergique) Troubles neurodégénératifs (p. ex., maladie d'Alzheimer ou de Parkinson) Sinusite paranasale Tumeurs de la base du crâne, de la cavité nasale et des sinus de la face |
Optique (2e) |
Transmet des données sensorielles pour la vision |
Amaurose fugace (cécité monoculaire transitoire), perte unilatérale du champ visuel supérieur ou inférieur |
Embolie des artères ophtalmiques Maladie de la carotide interne homolatérale Embolie des artères rétiniennes |
Neuropathie optique antérieure ischémique |
Morphologie du disque optique gonflée (appelé disque à risque) Complications après extraction de cataracte Connectivite cause d'artérite (p. ex., artérite [temporale] à cellules géantes, syndrome des Ac anti-phospholipides) Hypotension ou hypovolémie sévère Obstruction de la carotide interne homolatérale Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (PDE5) (p. ex., sildénafil, tadalafil, vardénafil) |
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Névrite optique (papillite et rétrobulbaire) |
Maladie démyélinisante aiguë (p. ex., sclérose en plaques, neuromyélite optique) Infections bactériennes (p. ex., tuberculose, syphilis, maladie de Lyme) Encéphalomyélite disséminée ou post-infectieuse Uvéite Infections virales (p. ex., VIH, herpes simplex, hépatite B, cytomégalovirus) |
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Neuropathie optique toxique ou nutritionnelle (amblyopie toxique) |
Médicaments (chloramphénicol, éthambutol, isoniazide, streptomycine, sulfamides, digitaliques, chlorpropamide, ergot de seigle, disulfirame [Antabuse]) Ingestion de méthanol Privation nutritionnelle si sévère Mercure organique Carence en vitamine B12 |
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Hémianopsie bitemporale |
Crâniopharyngiome Méningiome de la selle turcique Anévrisme sacculaire dans le sinus caverneux Extension suprasellaire d'un adénome de l'hypophyse |
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Oculomoteur (3e) |
Élève les paupières Fait bouger les yeux en haut, en bas et médialement Ajuste la quantité de lumière pénétrant les yeux Permet l'accomodation visuelle |
Paralysies |
Anévrisme de l'artère communicante postérieure Ischémie du 3e nerf crânien (souvent due à une atteinte des petits vaisseaux comme dans le diabète) ou de son fascicule dans le mésencéphale Engagement transtentoriel dû à une masse intracrânienne (p. ex., hématome sous-dural, tumeur, abcès) |
Trochléaire (4e) |
Fait bouger l'œil en dedans et vers le bas par l'intermédiaire du muscle oblique supérieur |
Paralysies |
Souvent idiopathique Ischémie souvent due à une atteinte des petits vaisseaux (p. ex., dans le diabète) Méningiome tentoriel Pinéalome |
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Para |
Myokymie du muscle oblique supérieur (généralement avec de brefs mouvements épisodiques oculaires qui causent une impression visuelle subjective de flottement, un tremblement oculaire, et/ou une vision inversée) |
Compression du nerf pathétique par une boucle vasculaire (similaire à la physiopathologie de la névralgie du trijumeau) |
Trijumeau (5e) |
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Transmet la sensibilité de la face, de la cornée, des glandes lacrymales, du cuir chevelu, du front et des paupières supérieures |
Névralgie |
Boucle vasculaire comprimant la racine nerveuse Sclérose en plaques (parfois) Lésions du sinus caverneux ou de la fissure orbitaire supérieure |
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Transmet la sensibilité des dents, gencives, lèvres, muqueuse palatine et de la peau de la face inférieure |
Névralgie |
Lésions du sinus caverneux ou de la fissure orbitaire supérieure Sclérose en plaques (parfois) Boucle vasculaire comprimant la racine nerveuse |
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Commande les muscles masticateurs (mastication, grincement des dents) |
Neuropathie |
Méningite carcinomateuse ou lymphomateuse Troubles du tissu conjonctif Méningiomes, schwannomes ou tumeurs métastatiques de la base du crâne |
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Nerf abducteur (6e) (nerf moteur oculaire externe) |
Déplace le regard vers l'extérieur (abduction) par l'intermédiaire du muscle droit latéral |
Souvent idiopathique Hypertension intracrânienne Infarctus (parfois dans le cadre d'une multinévrite) Infections ou tumeurs touchant les méninges Carcinome nasopharyngé Tumeurs pontiques ou cérébelleuses Infarctus pontique |
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Nerf facial (7e) |
Commande les muscles de l'expression faciale Branches proximales: innervent les glandes lacrymales et les glandes salivaires et transmettent les informations sensorielles du goût des 2/3 antérieurs de la langue |
Paralysies |
Schwannome vestibulaire Fracture de la base du crâne Infarctus et tumeurs de la protubérance Syndrome de Melkerson-Rosenthal Syndrome de Ramsay Hunt (herpès zoster oticus) Tumeurs qui envahissent l'os temporal Fièvre uvéoparotidienne (syndrome d'Heerfordt) |
Boucle artérielle comprimant la racine nerveuse |
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Cochléovestibulaire (8e) |
Transmet les entrées sensorielles de l'équilibre et de l'audition |
Acouphène, vertige, sentiment d'oreille bouchée et perte auditive |
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Agrégation otolithique dans le canal semi-circulaire postérieur ou horizontal liée au vieillissement et/ou à un traumatisme Infection (occasionnellement) |
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Infection virale |
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Perte ou troubles auditifs |
Vieillissement Barotraumatisme Tumeurs de l'angle pontocérébelleux Exposition à des bruits intenses Maladies héréditaires Méningite Infection virale (probablement) Médicaments ototoxiques (p. ex., aminosides) |
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Nerf glossopharyngien (9e) |
Transmet les informations sensorielles issues du pharynx, des amygdales, de la langue postérieure et des artères carotides |
Artère ectasique ou tumeur (plus rare) comprimant le nerf |
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Déplace les muscles de la déglutition et contrôle la sécrétion de la glande parotide Permet de réguler la PA |
Neuropathie glossopharyngée |
Tumeur ou anévrisme de la fosse postérieure ou du foramen jugulaire (syndrome du foramen jugulaire) |
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Nerf vague (10e) |
Commande les cordes vocales et les muscles de la déglutition Transmet des impulsions au cœur (ralentit le cœur) et aux muscles lisses des viscères (régule le péristaltisme) |
Raucité de la voix, dysphonie et dysphagie Syncope vasovagale |
Compression du nerf récurrent laryngé par tumeur médiastinale Méningite infectieuse ou carcinomateuse Tumeurs médullaires ou ischémie (p. ex., syndrome médullaire latéral) Tumeur ou anévrisme de la fosse postérieure ou du foramen jugulaire (syndrome du foramen jugulaire) |
Accessoire (11e) |
Rotation de la tête Haussement des épaules |
Paralysie partielle ou complète du sternocléïdomastoïdien et du trapèze supérieur |
Iatrogène (p. ex., conséquence d'une biopsie ganglionnaire dans le triangle postérieur du cou) Idiopathique Traumatisme Tumeur ou anévrisme de la fosse postérieure ou du foramen jugulaire (syndrome du foramen jugulaire) |
Hypoglosse (12e) |
Active la motricité de la langue |
Atrophie et fasciculations de la langue |
Lésions intramédullaire (p. ex., troubles du motoneurone, tumeurs) Lésions des méninges de la base du crâne ou des os occipitaux (p. ex., platybasie, maladie de Paget de la base du crâne) Traumatisme chirurgical (p. ex., conséquence d'une endartériectomie) Maladie du motoneurone supérieur (p. ex., sclérose latérale amyotrophique) |
*Les troubles qui provoquent une paralysie motrice diffuse (p. ex., myasthénie, botulisme, syndrome de Guillain-Barré et apparentés, poliomyélite avec atteinte bulbaire) touchent souvent les nerfs crâniens. |
Les causes et les symptômes des affections des nerfs crâniens et des troubles neuro-ophtalmologiques se recouvrent. Les deux types de troubles peuvent être le fait de tumeurs, d'inflammation, de traumatismes, de maladies systémiques et dégénératives ou d'autres processus; il peut alors exister une combinaison variable de symptômes comme une diminution de l'acuité visuelle, une diplopie, un ptôsis, des anomalies pupillaires, des douleurs périoculaires, faciales ou des céphalées.
Diagnostic
(Voir aussi Comment évaluer les nerfs crâniens).
L'évaluation des troubles neuro-ophtalmologiques et des nerfs crâniens comprend les éléments suivants:
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Questions détaillées sur les symptômes
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Tests visant à détecter un nystagmus
L'examen du système visuel comprend une ophtalmoscopie et la mesure de l'acuité visuelle, l'examen du champ visuel, des pupilles et le mouvement des yeux (motilité oculaire). Lors de cet examen sont donc explorés les 2e, 3e, 4e et 6e nerfs crâniens. Une neuro-imagerie par TDM ou IRM est souvent nécessaire.
Les éléments suivants de l'examen visuel sont particulièrement importants dans le diagnostic des troubles neuro-ophtalmologiques et des nerfs crâniens.
La taille, l'égalité et la régularité des bords des pupilles sont examinées. Normalement, les pupilles se contractent rapidement (en moins d'1 s) et de manière égale lors de l'accommodation, de l'exposition à la lumière directe et lors de l'illumination de la pupille controlatérale (réflexe consensuel). L'analyse des réponses pupillaires au réflexe consensuel par le passage alternatif d'un faisceau lumineux d'un œil à l'autre peut permettre de détecter un dysfonctionnement. Normalement, le degré de constriction pupillaire ne se modifie pas lorsque le faisceau lumineux passe d'un œil à l'autre.
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En cas d'une lésion au niveau des afférences visuelles (déficit de l'afférence pupillaire, ou pupille de Marcus Gunn [anomalie du réflexe photomoteur consensuel]) la pupille se dilate de façon paradoxale lorsque le faisceau illumine la pupille du côté de la lésion. Une pupille déafférentée se contracte lors du réflexe consensuel (illumination de l'œil controlatéral) mais pas à la lumière directe.
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En cas de lésion de la voie efférente, la pupille répond lentement ou ne répond pas tant à la stimulation lumineuse directe que lors du réflexe consensuel (illumination de l'œil controlatéral).
Anomalies fréquentes de la pupille
L'oculomotricité extrinsèque est examinée en demandant au patient de tenir sa tête droite tout en fixant le doigt du médecin qui se déplace vers la droite, la gauche, le haut et le bas, en diagonale de chaque côté et vers le nez du patient (afin d'évaluer l'accommodation). Cependant, cet examen peut ne pas objectiver une paralysie oculomotrice peu sévère néanmoins responsable d'une diplopie.
Une diplopie peut être le fait d'un déficit de la coordination des mouvements conjugués des yeux (p. ex., au niveau des voies internucléaires) ou au niveau du 3e (oculomoteur commun), du 4e (trochléaire) ou du 6e (abducens) nerf crânien. Si la diplopie persiste lorsqu'un œil est fermé (diplopie monoculaire), la cause est probablement un trouble oculaire non neurologique. Si la diplopie disparaît lorsqu'un des yeux est fermé (diplopie binoculaire), la cause est probablement un trouble de l'oculomotricité. Les 2 images sont le plus éloignées, lorsque le patient regarde dans la direction contrôlée par le muscle de l'œil parétique (p. ex., vers la gauche quand le muscle droit latéral gauche est parétique). L'œil qui, lorsqu'il est fermé, élimine l'image la plus périphérique est parétique. Placer un verre rouge sur un œil permet d'identifier l'œil parétique. Lorsque le verre rouge recouvre l'œil parétique, l'image la plus périphérique est rouge.
Troubles oculomoteurs fréquents
Signes cliniques |
Syndrome |
Causes fréquentes |
Parésie |
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Parésie du regard horizontal dans une direction |
Lésion du centre pontique homolatéral du regard horizontal ou du cortex frontal controlatéral |
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Parésie unilatérale du regard horizontal dans les deux directions |
Paralysie (bilatérale) du regard horizontal |
Encéphalopathie de Wernicke Lésion pontique large bilatérale qui affecte les deux centres du regard horizontal |
Parésie bilatérale de tous les mouvements du regard horizontal sauf l'abduction de l'œil controlatéral à la lésion; la convergence n'est pas affectée |
Lésion du faisceau longitudinal médial et du centre homolatéral pontique du regard horizontal |
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Paralysie unilatérale ou bilatérale de l'adduction dans le regard horizontal latéral mais pas pendant la convergence |
Lésion dans le faisceau longitudinal médial |
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Parésie bilatérale des mouvements oculaires vers le haut avec les pupilles dilatées, perte de la réponse pupillaire à la lumière en dépit de la préservation de l'accommodation et de la constriction pupillaire lors de la convergence, regard spontanément vers le bas et nystagmus battant vers le bas |
Syndrome de Parinaud (un type de paralysie du regard conjugué vertical) |
Tumeur pinéale Infarctus du mésencéphale dorsal |
Parésie bilatérale des mouvements du regard vers le bas |
Paralysie supranucléaire progressive |
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Déviation unilatérale de l'œil (la position spontanée est en bas et en dehors); parésie unilatérale de l'adduction de l'œil, de l'élévation et du regard vers le bas; ptôsis; et souvent une pupille dilatée paralysie du |
Anévrismes Ischémie du nerf oculomoteur commun ou du mésencéphale Traumatisme Engagement transtentoriel |
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Parésie unilatérale des mouvements oculaires vers le bas et en dedans (nasales), l'atteinte peut être discrète provoquant des symptômes fonctionnels (difficulté à regarder vers le bas et en dedans) Signe d'inclinaison de la tête (le patient incline la tête du côté opposé à l'œil atteint) |
Idiopathique Traumatisme crânien Ischémie Congénitale |
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Parésie unilatérale de l'abduction des yeux |
Idiopathique Infarctus Vascularite Hypertension intracrânienne Encéphalopathie de Wernicke Sclérose en plaques |
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"Skew deviation" (non alignement vertical des yeux) |
Implication partielle et inégale du 3e nerf crânien, du centre du regard vertical ou du faisceau longitudinal médian |
Lésion du tronc cérébral pouvant aller du mésencéphale à la moelle allongée |
Faiblesse ou restriction de tous les muscles extraoculaires |
Ophtalmoplégie externe |
Dysfonctionnement des muscles de l'œil ou de la jonction neuromusculaire Habituellement provoquée par les affections suivantes: |
Mouvements anormaux ou involontaires |
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Mouvements involontaires rythmiques, habituellement bilatéraux |
De nombreuses causes: |
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Saccades rapides vers le bas et retour vers la position médiane |
Balancements oculaires |
Vaste destruction ou dysfonctionnement pontique |
Regard trop "poussé" suivi par plusieurs oscillations |
Dysmétrie oculaire |
Troubles des voies cérébelleuses |
Accès de rapides oscillations horizontales autour d'un point de fixation |
Flutter oculaire |
De nombreuses causes: |
Mouvements rapides, conjugués, multidirectionnels, chaotiques, souvent accompagnés de myoclonies généralisées |
Opsoclonie |
De nombreuses causes (les mêmes que pour le flutter oculaire, décrit ci-dessus) |
Traitement
Médicaments mentionnés dans cet article
Nom du médicament | Sélectionner les dénominations commerciales |
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cyclopentolate |
AKPENTOLATE, CYCLOGYL |
chlorpropamide |
DIABINESE |
pilocarpine |
ISOPTO CARPINE, PILOPINE HS, SALAGEN |
tropicamide |
MYDRIACYL, TROPICACYL |
homatropine |
TUSSIGON |
tadalafil |
CIALIS |
atropine |
ATROPEN |