Aménorrhée

ParJoAnn V. Pinkerton, MD, University of Virginia Health System
Reviewed ByOluwatosin Goje, MD, MSCR, Cleveland Clinic, Lerner College of Medicine of Case Western Reserve University
Vérifié/Révisé Modifié août 2025
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L'aménorrhée (l'absence de menstruation) peut être primaire ou secondaire.

L'aménorrhée primaire correspond à l'absence de règles à l'âge de 15 ans chez des patientes qui ont une croissance normale et des caractères sexuels secondaires (1). De plus, l'absence de ménarche et de développement du sein à l'âge de 13 ans doit inciter à rechercher une puberté retardée avec aménorrhée primaire.

L'aménorrhée secondaire consiste dans l'absence de règles pendant 3 mois en cas de cycles menstruels précédemment réguliers ou pendant ≥ 6 mois en cas de règles précédemment irrégulières (2).

Références générales

  1. 1. Yatsenko SA, Witchel SF, Gordon CM. Primary Amenorrhea and Premature Ovarian Insufficiency. Endocrinol Metab Clin North Am. 2024;53(2):293-305. doi:10.1016/j.ecl.2024.01.009

  2. 2. Gordon CM, Ackerman KE, Berga SL, et al. Functional hypothalamic amenorrhea: An Endocrine Society clinical practice guideline. Clin Endocrinol Metab 102 (5):1413–1439, 2017. doi: 10.1210/jc.2017-00131

Physiopathologie de l'aménorrhée

Normalement, l'hypothalamus produit des impulsions de l'hormone de libération des gonadotrophines (GnRH). La GnRH stimule l'hypophyse pour produire des gonadotrophines, l'hormone folliculo-stimulante (FSH) et l'hormone lutéinisante (LH) (voir figure Cycle menstruel normal), qui sont libérées dans la circulation sanguine. Les gonadotrophines stimulent les ovaires pour produire des œstrogènes (principalement l'œstradiol), des androgènes (principalement la testostérone) et de la progestérone. Ces hormones comprennent:

  • L'hormone folliculo-stimulante active l'aromatase dans les cellules de la granulosa ovarienne qui entourent les ovocytes en développement pour convertir les androgènes en œstradiol.

  • L'hormone lutéinisante augmente pendant le cycle menstruel; cette poussée favorise la maturation de l'ovocyte dominant, la libération de l'ovocyte et la formation du corps jaune (qui produit de la progestérone).

  • Les œstrogènes stimulent l'endomètre (revêtement de la cavité utérine), qui prolifère.

  • La progestérone modifie l'endomètre et le transforme en une structure sécrétoire, et le prépare pour l'implantation de l'ovule fécondé (décidualisation de l'endomètre).

Si l'ovulation se produit et que l'ovocyte n'est pas fécondé, la production d'œstrogènes et de progestérone diminue et l'endomètre desquame, ce sont les menstruations. La menstruation survient 14 jours après l'ovulation dans un cycle menstruel de 28 jours.

Cycle menstruel normal

Cette figure montre les variations cycliques idéales des gonadotrophines hypophysaires, de l'œstradiol (E2), de la progestérone (P), et de l'endomètre utérin pendant le cycle menstruel normal

En cas de dysfonctionnement d'une partie de ce système, des troubles ovulatoires se produisent; le cycle de production des œstrogènes stimulés par les gonadotrophines ainsi que les modifications endométriales cycliques sont perturbés entraînant une anovulation et le flux menstruel ne se produit pas.

Étiologie de l'aménorrhée

L'aménorrhée peut être classée en fonction d'un certain nombre de critères différents, tels que:

  • Type : primaire ou secondaire

  • Dysgénésie gonadique, structurelle ou endocrinologique

L'aménorrhée primaire peut être causée par une dysgénésie gonadique, des anomalies congénitales de l'appareil reproducteur ou des anomalies endocrinologiques.

Une aménorrhée secondaire peut être provoquée par des anomalies structurelles acquises de l'appareil reproducteur qui perturbent la fonction menstruelle ou obstruent le flux menstruel ou des anomalies endocrinologiques.

Le dysfonctionnement ovulatoire est la cause la plus fréquente d'aménorrhée, en particulier d'aménorrhée secondaire.

La dysgénésie gonadique (développement gonadique anormal) due à des anomalies géniques ou chromosomiques comprend ce qui suit:

Les patients qui présentent ces troubles ont souvent des gonades incomplètement formées (gonades rudimentaires) et une insuffisance ovarienne primaire (insuffisance ovarienne prématurée), entraînant une aménorrhée primaire et une infertilité. Les anomalies génétiques qui comportent un chromosome Y augmentent le risque de cancer de l'ovaire.

Les causes structurales de l'aménorrhée comprennent:

  • Anomalies congénitales de l'appareil reproducteur (p. ex., septum vaginal, agénésie vaginale [le plus souvent due à une agénésie müllérienne, ou syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser], hymen imperforé)

  • Anomalies structurales acquises (p. ex., adhérences intra-utérines [syndrome d'Asherman], sténose cervicale)

Il existe de nombreuses causes endocrinologiques potentielles. Les causes endocrinologiques fréquentes comprennent:

  • Le retard pubertaire constitutionnel

  • Le syndrome des ovaires polykystiques

  • L'hyperprolactinémie (p. ex., due à un adénome hypophysaire, l'aménorrhée de l'allaitement, la prise d'antipsychotiques)

  • L'aménorrhée hypothalamique fonctionnelle (p. ex., due à des exercices excessifs, à des troubles du comportement alimentaire, à des troubles alimentaires désordonnés ou au stress [1, 2])

  • Insuffisance ovarienne primaire (p. ex., due à une maladie auto-immune, chimiothérapie ou radiothérapie)

  • La grossesse (cause la plus fréquente chez la femme en âge de fertilité)

  • Médicaments hormonaux (p. ex., contraceptifs oraux, médroxyprogestérone)

Les contraceptifs contenant seulement un progestatif (pilules, injections, implants et dispositifs intra-utérins) causent souvent des menstruations irrégulières ou une aménorrhée. Les contraceptifs combinés œstro-progestatifs peuvent provoquer une aménorrhée s'ils sont utilisés en continu (les pilules placebo sont ignorées et les pilules hormonales sont prises tous les jours) ou pendant une longue période (en raison d'un endomètre atrophique).

Les causes endocrinologiques moins fréquentes incluent des troubles des récepteurs ou des enzymes (p. ex., syndrome d'insensibilité androgénique complète, déficit en 5-alpha-réductase).

Aménorrhée due à un dysfonctionnement ovulatoire

L'aménorrhée due à un dysfonctionnement ovulatoire est habituellement secondaire mais peut être primaire si l'ovulation ne commence jamais, p. ex., en raison d'une dysgénésie gonadique ou d'un trouble endocrinologique. Les patientes présentant une aménorrhée primaire due à un dysfonctionnement ovulatoire présentent habituellement un retard pubertaire.

Les causes les plus fréquentes de dysfonctionnement ovulatoire impliquent une perturbation de l'axe hypothalamo-hypophyso-ovarien (Voir tableau Quelques étiologies de dysfonctionnement ovulatoire). Ainsi, les causes comprennent:

Un dysfonctionnement hypothalamique peut entraîner une diminution de la production de GnRH, qui à son tour peut entraîner une diminution de la production de gonadotrophines. Une cause fréquente est un apport énergétique insuffisant dû à une restriction diététique, une dénutrition, ou un exercice intense ou un stress émotionnel. Les femmes qui présentent une aménorrhée due à un dysfonctionnement hypothalamique ont des taux de leptine sérique inférieurs (une hormone anorectique produite par les cellules adipeuses); des taux plus faibles peuvent contribuer à la diminution de la production de gonadotrophines (3).

Axe du système nerveux central, hypothalamo-hypophyso-gonadique

Les hormones ovariennes ont un effet direct et indirect sur les autres tissus (p. ex., os, peau, muscles).

FSH = hormone folliculo-stimulante; GnRH = gonadotropin-releasing hormone (gonadolibérine); LH = hormone lutéinisante.

Tableau
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Aménorrhée due à des anomalies structurelles de l'appareil reproducteur

Chez les patientes qui ont des anomalies anatomiques ou d'autres anomalies structurelles de l'appareil reproducteur, les menstruations sont absentes car soit:

  • Le sang menstruel n'est pas produit: l'utérus est absent (dû à une agénésie congénitale de l'utérus) ou l'endomètre ne fonctionne pas (p. ex., dû à des adhérences intra-utérines)

  • Le flux menstruel est bloqué: l'utérus, le col de l'utérus, ou le vagin sont bloqués (dû à des anomalies congénitales ou à une obstruction acquise [p. ex., sténose cervicale])

L'agénésie müllérienne (syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser) est un syndrome qui implique des anomalies congénitales de l'appareil reproducteur féminin, parfois avec des anomalies associées de l'appareil urinaire (4). C'est la cause la plus fréquente d'aménorrhée primaire, survenant chez environ 1 femme sur 5000 (5). L'aménorrhée primaire provoquée par des anomalies obstructives est habituellement accompagnée d'une fonction hormonale normale, ainsi, les organes génitaux externes et d'autres caractères sexuels secondaires se développent normalement.

De même, les patientes qui ont une aménorrhée secondaire due à des anomalies structurelles ont habituellement une fonction endocrinienne reproductive normale.

Tableau
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L'obstruction entraîne une accumulation de sang dans l'appareil génital, ce qui peut causer les complications suivantes:

  • Hématomètre (accumulation de sang dans l'utérus), qui peut provoquer une douleur pelvienne et une distension utérine qui peut être notée comme une masse pelvienne ou un bombement du col de l'utérus

  • Hématocolpos (accumulation de sang menstruel dans le vagin), qui peut provoquer des douleurs vaginales ou pelviennes et un bombement des tissus obstructifs (p. ex., imperforation de l'hymen)

Certains troubles congénitaux (p. ex., ceux qui sont accompagnés par une aplasie vaginale ou un septum vaginal) sont également associés à des anomalies urinaires et squelettiques. (Voir tableau Certaines causes d'aménorrhée dues à des anomalies de l'appareil génital.)

Références pour l'étiologie

  1. 1. Gordon CM, Ackerman KE, Berga SL, et al. Functional hypothalamic amenorrhea: An Endocrine Society Clinical Practice Guideline. J Clin Endocrinol Metab 102 (5):1413–1439, 2017. doi: 10.1210/jc.2017-00131

  2. 2. Saadedine M, Kapoor E, Shufelt C. Functional Hypothalamic Amenorrhea: Recognition and Management of a Challenging Diagnosis. Mayo Clin Proc. 2023;98(9):1376-1385. doi:10.1016/j.mayocp.2023.05.027

  3. 3. Bouzoni E, Perakakis N, Mantzoros CS. Circulating profile of activin-follistatin-inhibin axis in women with hypothalamic amenorrhea in response to leptin treatment. Metabolism 113:154392, 2020. doi: 10.1016/j.metabol.2020.154392 Epub 2020 Oct 10.

  4. 4. Committee on Adolescent Health Care. ACOG Committee Opinion No. 728: Müllerian Agenesis: Diagnosis, Management, And Treatment. Obstet Gynecol. 2018;131(1):e35-e42. doi:10.1097/AOG.0000000000002458

  5. 5. Herlin M, Bjørn AM, Rasmussen M, Trolle B, Petersen MB. Prevalence and patient characteristics of Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser syndrome: a nationwide registry-based study. Hum Reprod. 2016;31(10):2384-2390. doi:10.1093/humrep/dew220

Bilan de l'aménorrhée

Les filles sont évaluées à la recherche d'une aménorrhée primaire si la ménarche n'a pas eu lieu et atteignent l'une des étapes suivantes:

  • Elles ont 13 ans et n'ont aucun signe de puberté (p. ex., développement des seins, poussée de croissance)

  • Trois ans après le thélarche (début du développement mammaire)

  • Elles ont 15 ans (dans le cas des patientes qui ont une croissance normale et un développement de caractères sexuels secondaires)

Les filles et les femmes en âge de procréer doivent être évaluées à la recherche d'une aménorrhée secondaire si elles ont déjà eu leurs règles et ont

  • Des cycles menstruels manqués pour 3 mois si elles avaient des cycles menstruels réguliers ou ≥ 6 mois si elles avaient des cycles menstruels irréguliers (1)

  • < 9 règles par an ou cycle > 38 jours (oligoménorrhée)

  • Un nouvelle et persistante modification du cycle menstruel (fréquence, volume, durée)

Anamnèse

L'anamnèse de la maladie actuelle comprend des questions sur la fonction menstruelle (voir tableau Paramètres menstruels normaux [2]):

  • Date du premier jour des dernières menstruations

  • Fréquence des cycles

  • Régularité du cycle au cours des 3 à 12 derniers mois et si les périodes ont été régulières

  • Durée du saignement

  • Volume de saignement

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Les questions concernant les symptômes ou les facteurs associés comprennent:

  • La patiente a-t-elle une sensibilité mammaire cyclique et des changements d'humeur (symptômes moliminaux), qui, s'ils sont présents, peuvent indiquer que les changements hormonaux des cycles menstruels se produisent (même si les menstruations sont absentes)?

  • Quelles sont les habitudes alimentaires et d'exercice de la patiente?

  • Y a-t-il des bouffées de chaleur ou d'autres symptômes de ménopause?

  • Y a-t-il un écoulement mamelonnaire?

  • Y a-t-il des antécédents d'infection pelvienne, notamment dans le contexte d'une intervention intra-utérine (p. ex., dilatation et curetage) ?

Dans le cas des adolescentes et de certaines patientes jeunes, des questions sur le développement pubertaire doivent être incluses:

  • À quels âges les étapes de croissance et de développement se sont-elles produites?

  • Une ménarche a-t-elle eu lieu (pour distinguer l'aménorrhée primaire de l'aménorrhée secondaire) et, si oui, à quel âge ?

  • Des modifications pubertaires se sont-elles produites (p. ex., développement des seins, poussée de croissance, présence de poils axillaires et pubiens)?

  • Y a-t-il des anomalies congénitales de l'appareil urinaire?

La revue des systèmes doit rechercher des symptômes évoquant de possibles causes dont:

La recherche des antécédents médicaux doit noter les facteurs de risque des éléments suivants:

  • Aménorrhée fonctionnelle hypothalamique: stress; maladie chronique; nouveaux médicaments; une modification récente du poids, du régime alimentaire ou de l'intensité de l'exercice; une anamnèse ou des symptômes actuels de troubles du comportement alimentaire

  • Cicatrices de l'endomètre (syndrome d'Asherman): dilatation et curetage antérieurs (en particulier en cas d'infection utérine associée); ablation de l'endomètre; endométrite; lésion obstétricale; chirurgie utérine

L'anamnèse médicamenteuse doit comprendre des questions spécifiques sur les médicaments actuels ou antérieurs, telles que les suivantes:

  • Contraceptifs hormonaux

  • Hormones qui peuvent provoquer une virilisation (p. ex., androgènes, progestatifs androgènes à forte dose, stéroïdes anabolisants)

  • Plantes médicinales ou suppléments, s'ils impactent la fonction endocrinienne ou contiennent des hormones bovines

  • Médicaments qui affectent la dopamine (p. ex., les antihypertenseurs, les antipsychotiques, les opioïdes, les antidépresseurs tricycliques)

  • Corticostéroïdes systémiques

  • L'abus de substances, y compris l'abus d'opioïdes, qui peut affecter la sécrétion d'hormones hypophysaires et conduire à une oligoménorrhée ou une aménorrhée

  • Agents de chimiothérapie anticancéreuse (p. ex., médicaments alkylants tels que la bendamustine, le cyclophosphamide et l'ifosfamide; busulfan; chlorambucil)

La recherche des antécédents familiaux doit comprendre la recherche de tous les cas de retard pubertaire ou de troubles génétiques, dont le syndrome de l'X fragile, l'insuffisance ovarienne primaire ou les troubles auto-immuns.

Examen clinique

Les médecins doivent noter les signes vitaux et calculer l'indice de masse corporelle (IMC).

Chez les adolescents, le développement pubertaire des caractères sexuels secondaires est évalué; le développement des seins et des poils pubiens est établi par la méthode de Tanner (voir Maturation sexuelle). Si les pilosités axillaire et pubienne sont présentes, on parle d'adrénarche.

Un examen des seins doit être effectué pour rechercher une galactorrhée (sécrétion de lait maternel non associée temporellement à l'accouchement); elle peut être distinguée des autres types d'écoulement mamelonnaire par la découverte de globules gras dans le liquide sous examen microscopique.

L'examen pelvien est effectué pour vérifier les signes associés à un déficit en œstrogène (p. ex., pâleur vaginale, perte des replis) ou un excès d'androgène (clitoromégalie). Chez la femme en âge de procréer, la présence de glaire cervicale filante (qualité filamenteuse et extensible) indique habituellement une quantité suffisante d'œstrogènes; une muqueuse vaginale fine et pâle sans rugosité et un pH > 6,0 indiquent une carence en œstrogènes. L'utérus est palpé, une augmentation de volume peut indiquer une grossesse, un hématométrie, ou une tumeur.

Chez les filles ou certaines jeunes femmes, l'examen peut détecter des anomalies génitales anatomiques (p. ex., imperforation de l'hymen, septum vaginal, agénésie vaginale, cervicale ou utérine). Un hématocolpos peut entraîner un bombement hyménéal, qui évoque une obstruction au flux génital.

L'examen général se concentre sur les signes de virilisation, notamment l'hirsutisme, la calvitie temporale, l'acné, l'approfondissement de la voix, l'augmentation de la masse musculaire et la déféminisation (diminution des caractères sexuels secondaires précédemment normaux, telle qu'une diminution de la taille des seins). La virilisation résulte d'une augmentation de la production d'androgènes par les glandes surrénales ou les ovaires. L'hypertrichose (développement excessif de poils sur les membres, la tête et le dos), qui est fréquente dans certaines familles, est différente du vrai hirsutisme, qui est caractérisé par un excès de poils sur la lèvre supérieure et le menton et entre les seins.

La découverte de taches noires sur la peau compatibles avec l'acanthosis nigricans est un signe possible de syndrome des ovaires polykystiques ou de diabète.

Si une tumeur hypophysaire est suspectée (chez les patientes qui ont des céphalées ou une galactorrhée), un examen du champ visuel sera effectué.

Les médecins doivent rechercher une hypothermie, une bradycardie, une hypotension et une réduction de la graisse sous-cutanée, qui suggèrent une anorexie mentale et une érosion dentaire, des lésions palatines, une réduction du réflexe nauséeux, une hémorragie sous-conjonctivale et des modifications subtiles de la main avec des callosités sur le dos de la main (dues à vomissements fréquents), qui suggèrent une boulimie.

Signes d'alarme

Les signes suivants sont particulièrement préoccupants en cas d'aménorrhée:

  • Retard de la puberté

  • Virilisation

  • Anomalies du champ visuel

  • Altération de l'odorat (anosmie)

  • Un écoulement laiteux spontané du mamelon

  • Une augmentation ou une diminution significative du poids

Pièges à éviter

  • Si l'aménorrhée se produit chez les filles qui ont déjà développé des caractères sexuels secondaires ou chez les femmes en âge de procréer, faire un test de grossesse avant de poursuivre l'évaluation.

Interprétation des signes

L'anamnèse et l'examen clinique peuvent suggérer une étiologie de l'aménorrhée, avant même les examens de laboratoire (voir tableau Anamnèse ou signes suggérant des causes d'aménorrhée).

En cas d'aménorrhée primaire, la présence de caractères sexuels secondaires normaux reflète habituellement une fonction hormonale normale; l'aménorrhée s'accompagne habituellement d'une ovulation et est typiquement due à une obstruction anatomique congénitale de l'appareil génital. Une aménorrhée primaire accompagnée de caractères sexuels secondaires anormaux est habituellement causée par un dysfonctionnement ovulatoire (p. ex., dû à une dysgénésie gonadique).

Dans l'aménorrhée secondaire, les signes cliniques suggèrent parfois un mécanisme:

  • Une galactorrhée suggère une hyperprolactinémie (p. ex., dysfonctionnement hypophysaire, utilisation de certains médicaments); lorsque des anomalies du champ visuel et des céphalées sont également présentes, une tumeur hypophysaire doit être envisagée.

  • Une symptomatologie de carence en œstrogènes (p. ex., bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, sécheresse ou atrophie vaginale) peut suggérer une insuffisance ovarienne primitive (insuffisance ovarienne prématurée) ou une aménorrhée hypothalamique fonctionnelle (p. ex., due à un exercice excessif, à un poids corporel faible ou à une faible masse graisseuse).

  • Une virilisation et l'augmentation de volume du clitoris suggère un excès d'androgènes (p. ex., des tumeurs secrétant des androgènes, un syndrome de Cushing, l'utilisation de certains médicaments). En cas d'hirsutisme avec surpoids ou d'obésité et/ou d'acanthosis nigricans, un syndrome des ovaires polykystiques est probable.

Tableau
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Examens complémentaires

L'approche diagnostique de l'aménorrhée primaire (voir algorithme Évaluation de l'aménorrhée primaire) diffère de celle de l'aménorrhée secondaire (voir algorithme Évaluation de l'aménorrhée secondaire), bien qu'aucune approche ou algorithme général spécifique ne soit universellement accepté.

En cas d'aménorrhée primaire et de caractères sexuels secondaires normaux, le bilan doit commencer par une échographie pelvienne pour vérifier l'absence d'une obstruction congénitale de l'appareil génital. L'IRM peut être nécessaire si des anomalies sont identifiées.

Un test de grossesse est nécessaire, même avant la ménarche, s'il est possible que l'ovulation ait commencé. La grossesse ne doit pas être exclue par l'anamnèse sexuelle ou menstruelle. La sous-unité bêta de la gonadotrophine chorionique humaine doit être mesurée par des tests urinaires ou des tests sériques à haute sensibilité. Les résultats des tests urinaires sont habituellement fiables plusieurs jours avant un retard de règles et souvent très tôt, quelques jours après la conception. Certains tests en vente libre sont moins sensibles et précis.

Évaluation d'une aménorrhée primitive [a]

[a] Les valeurs normales (peuvent dépendre du laboratoire utilisé) sont

  • Sulfate déhydroépiandrostérone (DHEAS): 250-300 ng/dL (0,7-0,8 micromoles/L)

  • FSH: 5-20 UI/L

  • LH: 5-40 UI/L

  • Caryotype (femme): 46,XX

  • Prolactine: 50 ng/mL (voir plus loin)

  • Testosterone: 20–80 ng/dL (0,7–2,8 nmol/L)

Bien que ces valeurs soient représentatives, les plages normales peuvent varier en fonction des laboratoires.

Une prolactine à 50-100 ng/mL est considérée comme légèrement élevée et est généralement due à la prise d'un médicament. Une prolactine > 100 ng/mL est considérée comme élevée et est plus susceptible d'être due à une tumeur.

[b]Certains mesurent les taux de LH lorsqu'ils mesurent les taux de FSH ou lorsque les taux de FSH sont équivoques.

[c] En cas d'aménorrhée primaire et de caractères sexuels secondaires normaux, les explorations doivent commencer par un examen pelvien et une échographie pour rechercher une obstruction anatomique congénitale des voies génitales.

[d] Un retard constitutionnel de croissance et de la puberté est possible.

[e] Les diagnostics possibles comprennent l'anovulation chronique hypothalamique fonctionnelle et des maladies génétiques (p. ex., déficit congénital en gonadotropin-releasing hormone [gonadolibérine], syndrome de Prader-Willi).

[f] Les diagnostics possibles comprennent le syndrome de Cushing, les androgènes exogènes, l'hyperplasie congénitale des surrénales et le syndrome des ovaires polykystiques.

[g] Les diagnostics possibles comprennent le syndrome de Turner et les troubles caractérisés par un matériel chromosomique Y.

[h] Les poils pubiens peuvent être clairsemés.

DHEAS = sulfate de déhydroépiandrostérone; FSH = hormone folliculo-stimulante (follicle-stimulating hormone); LH = hormone lutéinisante.

Reference: Yatsenko SA, Witchel SF, Gordon CM. Primary Amenorrhea and Premature Ovarian Insufficiency. Endocrinol Metab Clin North Am. 2024;53(2):293-305. doi:10.1016/j.ecl.2024.01.009

Évaluation d'une aménorrhée secondaire*

*Les valeurs normales sont

  • Sulfate déhydroépiandrostérone (DHEAS): 250-300 ng/dL (0,7-0,8 micromoles/L)

  • FSH: 5-20 UI/L

  • Caryotype (femme): 46,XX

  • Prolactine: 50 ng/mL (voir plus loin)

  • Testosterone: 20–80 ng/dL (0,7–2,8 nmol/L)

Bien que ces valeurs soient représentatives, les plages normales peuvent varier en fonction des laboratoires.

La prolactine à 50-100 ng/mL est considérée comme légèrement élevée et est habituellement due à un effet indésirable d'un médicament. Une prolactine > 100 ng/mL est considérée comme élevée et est plus susceptible d'être due à une tumeur.

†Certains mesurent simultanément les taux de FSH et de LH.

‡ Les médecins doivent rechercher la présence du chromosome Y et du syndrome de l'X fragile (prémutation du gène FMR1).

DHEAS = sulfate de déhydroépiandrostérone; FSH = hormone folliculo-stimulante (follicle-stimulating hormone); LH = hormone lutéinisante; TSH = thyroid-stimulating hormone (thyréostimuline).

Les analyses sanguines supplémentaires couramment effectuées (afin d'exclure des étiologies spécifiques) comprennent:

  • Hormone folliculo-stimulante (insuffisance ovarienne); si le taux est élevé, il doit être réévalué mensuellement au moins deux fois

  • Thyroid stimulating hormone (maladie de la thyroïde)

  • Prolactine (si le taux est élevé [hyperprolactinémie], il doit être remesuré)

  • Testostérone sérique totale ou sulfate de déhydroépiandrostérone (syndrome des ovaires polykystiques ou d'autres causes d'hirsutisme ou de virilisation)

Une aménorrhée avec des taux élevés d'hormone folliculo-stimulante (FSH) (hypogonadisme hypergonadotrope) évoque un dysfonctionnement ovarien. Une aménorrhée avec des taux bas de FSH et de LH et des taux normaux de TSH (hypogonadisme hypogonadotrope) suggère un dysfonctionnement hypothalamique ou hypophysaire.

Des taux légèrement élevés de testostérone ou de sulfate déhydroépiandrostérone (DHEAS) suggèrent un syndrome des ovaires polykystiques, mais ces taux peuvent être élevés chez la femme qui a un dysfonctionnement hypothalamique ou hypophysaire et sont parfois normaux chez la femme hirsute malgré un syndrome des ovaires polykystiques. La cause des concentrations élevées peut parfois être déterminée en mesurant la LH (luteinizing hormone) sérique. Dans le syndrome des ovaires polykystiques, les taux circulants de LH sont souvent accrus, augmentant par conséquent le rapport LH/FSH.

Si la symptomatologie évoque un trouble sous-jacent, des examens spécifiques peuvent être indiqués. Par exemple, les patientes qui présentent des vergetures abdominales, un faciès lunaire, une bosse de bison, une obésité tronculaire et des membres amincis doivent être testées à la recherche d'un syndrome de Cushing. Les patientes qui présentent des céphalées et des anomalies du champ visuel ou des signes de dysfonctionnement hypophysaire doivent bénéficier d'une IRM cérébrale. Si le bilan clinique évoque une maladie chronique, des tests des fonctions hépatique et rénale seront effectués et la vitesse de sédimentation érythrocytaire mesurée.

Test de stimulation progestative

Si les patientes ont une aménorrhée secondaire avec des taux de prolactine et de FSH normaux et une fonction thyroïdienne normale et n'ont pas de virilisation, un essai de progestatif peut être administré pour essayer d'évaluer le statut œstrogénique. Si le taux d'œstrogènes est suffisant, un cycle de progestatifs doit stimuler une hémorragie de sevrage après l'arrêt du progestatif (test de provocation; également appelé test de sevrage des progestatifs).

Le test de stimulation par un progestatif commence en administrant de la médroxyprogestérone 5 à 10 mg par voie orale 1 fois/jour ou un autre progestatif pendant 7 à 10 jours. Après la dernière dose,

  • En cas d'hémorragie survenant en quelques jours, le taux d'œstrogènes est suffisant et l'aménorrhée est probablement causée par un dysfonctionnement hypothalamo-hypophysaire, une insuffisance ovarienne ou un excès d'œstrogènes.

  • Si le saignement ne se produit pas, un test de provocation par œstro-progestatifs est effectué.

Test de provocation par œstro-progestatifs

Le test de stimulation par des œstro/progestatifs est effectué en administrant un œstrogène (p. ex., un œstrogène équin conjugué 1,25 mg, œstradiol 2 mg) par voie orale 1 fois/jour pendant 21 jours, suivi par de la médroxyprogestérone 10 mg par voie orale 1 fois/jour ou un autre progestatif pendant 7 à 10 jours. Après la dernière dose de progestatif, si le saignement ne se produit pas, il se peut que les patientes aient une lésion de l'endomètre (p. ex., syndrome d'Asherman) ou une obstruction des voies d'évacuation (p. ex., une sténose cervicale).

Cependant, le saignement peut ne pas survenir chez les patientes qui ne présentent pas ces anomalies parce que l'utérus est insensible aux œstrogènes en raison de l'utilisation prolongée de contraceptifs œstro-progestatifs ou de troubles endocriniens rares (syndrome d'insensibilité aux œstrogènes, résistance aux œstrogènes). Ainsi, l'essai utilisant des œstrogènes et des progestatifs peut être répété pour confirmation.

Cet essai prend des semaines et les résultats peuvent être imprécis, le diagnostic de certaines pathologies sévères peut être retardé de manière significative; ainsi une IRM cérébrale doit être envisagée avant ou pendant l'essai.

Références pour l'évaluation

  1. 1. Rebar R. Evaluation of amenorrhea, anovulation, and abnormal bleeding [updated, 2018]. In Endotext [Internet], edited by KR Feingold, B Anawalt, A Boyce, et al. South Dartmouth (MA), MDText.com Inc, 2000. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK279144/

  2. 2. Munro MG, Critchley HOD, Fraser IS; FIGO Menstrual Disorders Committee. The two FIGO systems for normal and abnormal uterine bleeding symptoms and classification of causes of abnormal uterine bleeding in the reproductive years: 2018 revisions [published correction appears in Int J Gynaecol Obstet. 2019 Feb;144(2):237. doi: 10.1002/ijgo.12709.]. Int J Gynaecol Obstet. 2018;143(3):393-408. doi:10.1002/ijgo.12666

Traitement de l'aménorrhée

Le traitement est celui du trouble sous-jacent. Certaines anomalies obstruant la voie génitale peuvent être réparées chirurgicalement.

Lorsqu'un chromosome Y est présent, l'ovariectomie bilatérale est recommandée car le risque de cancer des cellules germinales ovariennes est accru.

Les troubles communs associés avec l'aménorrhée peuvent également nécessiter un traitement, dont:

  • Pour l'infertilité, si une grossesse est désirée, induire l'ovulation

  • Traiter les symptômes et les effets à long terme de la carence en œstrogènes (p. ex., ostéoporose, troubles cardiovasculaires, atrophie vaginale)

  • Le traitement des symptômes et la prise en charge des effets à long terme de l'excès œstrogénique (p. ex., saignements prolongés, sensibilité persistante ou marquée du sein, risque d'hyperplasie et de cancer de l'endomètre)

  • Le fait de minimiser l'hirsutisme et les effets à long terme de l'excès d'androgènes (p. ex., troubles cardiovasculaires, HTA)

Lignes directrices pour l'aménorrhée

Voici une liste de directives de pratique clinique de sociétés médicales professionnelles ou gouvernementales concernant ce problème médical (ceci n'est pas une liste exhaustive):

Points clés

  • L'aménorrhée est l'absence de menstruations. L'aménorrhée primaire correspond à l'absence de règles à l'âge de 15 ans chez des patientes qui ont une croissance normale et des caractères sexuels secondaires. L'aménorrhée secondaire consiste dans l'absence de règles pendant 3 mois chez les patientes qui ont des cycles menstruels auparavant réguliers ou pendant ≥ 6 mois chez les patientes ayant des règles auparavant irrégulières.

  • L'aménorrhée primaire peut être causée par une dysgénésie gonadique, des anomalies congénitales de l'appareil reproducteur ou des anomalies endocrinologiques.

  • Une aménorrhée secondaire peut être provoquée par des anomalies structurelles acquises de l'appareil reproducteur qui perturbent la fonction menstruelle ou obstruent le flux menstruel ou des anomalies endocrinologiques.

  • Évaluez à l'aide de l'anamnèse, de l'examen physique et des analyses sanguines hormonales (bêta-gonadotrophine chorionique humaine, hormone folliculostimulante, hormone thyréostimulante, prolactine et testostérone sérique totale ou sulfate de déhydroépiandrostérone). L'imagerie par échographie pelvienne ou IRM est requise si des anomalies structurelles sont suspectées. Des tests génétiques sont effectués si des anomalies génétiques ou chromosomiques sont suspectées.

  • En cas d'aménorrhée primaire et de caractères sexuels secondaires normaux, commencer les explorations par une échographie pelvienne pour vérifier l'absence d'une obstruction anatomique congénitale des voies génitales.

  • En cas de signes de virilisation, rechercher les pathologies qui provoquent un excès d'androgènes (p. ex., à cause d'un syndrome des ovaires polykystiques, de tumeurs sécrétant des androgènes, un syndrome de Cushing, la prise de certains médicaments).

  • En cas de symptomatologie de carence en œstrogènes (p. ex., bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, sécheresse ou atrophie vaginales), rechercher une insuffisance ovarienne primitive et des pathologies qui provoquent une aménorrhée hypothalamique fonctionnelle.

  • En cas de galactorrhée, vérifier l'absence de pathologies causes d'hyperprolactinémie (p. ex., dysfonctionnement hypophysaire, utilisation de certains médicaments).

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